Issus de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, trois projets de décrets viennent d’être dévoilés pour préciser les modalités d’application du dispositif visant l’absence de toute artificialisation des sols en 2050. Les représentants des élus ont unanimement rendu un avis défavorable sur ces textes devant le Conseil national d’évaluation des normes, le 3 mars.
Nomenclature
Comme son nom l’indique, le premier projet de décret « relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme », fixe la nomenclature des surfaces considérées comme artificialisées, et celles qui, au contraire, doivent être regardées comme non artificialisées. Dans le détail, cinq catégories de surfaces artificialisées sont définies : les sols imperméabilisés en fonction du bâti, ou en raison d’un revêtement ; les « surfaces partiellement ou totalement perméables » dont les sols sont « stabilisés, compactés, et recouverts de matériaux minéraux », ou « constitués de matériaux composites » ; et enfin, les surfaces couvertes « par une végétation non ligneuse à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou à usage d’infrastructures, de transport ou de logistique ».
Quant aux surfaces non artificialisées, le texte indique qu’il s’agit des surfaces naturelles, nues, ou « couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace » ; les surfaces à usage de cultures, végétalisées ou en eau ; et enfin, les « surfaces végétalisées constituant un habitat naturel ».
Cette grille de lecture était très attendue : il s’agit d’une donnée essentielle pour établir un bilan ZAN. Pour autant, cette nomenclature ne s’appliquera qu’à partir de 2031, jusqu’à l’atteinte du ZAN en 2050. Pour la première période (2021-2031), l’objectif assigné est de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols : la référence de calcul reste la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf). Dans ce cadre, le texte apporte d’autres indications, en affinant notamment la notion d’artificialisation. « Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d’urbanisme portent sur les surfaces terrestres jusqu’à la limite haute du rivage de la mer », indique le texte.
Premier problème, soulevé par l’AMF : le cas des zones de recul du trait de côte (0-30 et 30-100 ans), que les communes littorales doivent cartographier selon la loi Climat, et qui seront, selon les données produites par l’Etat à ce jour, amenées à progressivement disparaitre sous le niveau de la mer, n’est pas traité alors que la nomenclature ne suit que les « surfaces terrestres ». De fait, la projection de leurs besoins en terme de relocalisation dans les zones rétro-littorales risque d’être fragilisée.
Autre ambiguité : la définition des échelles, indispensables pour qualifier les surfaces et pour fixer une nomenclature, est renvoyée à un arrêté ultérieur. L’AMF a soulevé à cet égard un problème juridique : la loi renvoyait à un décret et non à un arrêté. Le choix de l’arrêté va fragiliser juridiquement les choses, sur un sujet qui va, nécessairement, soulever de nombreux contentieux.
Territorialisation
Le projet de décret « relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Sraddet » apporte également des indications sur les modalités de la territorialisation des objectifs par les régions.
Pour définir et décliner les objectifs du Sraddet, le texte précise que seront pris en compte les besoins du territoire en termes de dynamiques démographique et économique prévisibles, de revitalisation et de désenclavement des territoires, de l’équilibre de l’armature territoriale, des gisements fonciers déjà artificialisés, des enjeux en matière de biodiversité et des efforts déjà réalisés localement.
Les Sraddet pourront aussi « comporter une liste des projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics, ou d’activités économiques, qui sont d’intérêt général et d’envergure nationale ou régionale, et qui présentent un caractère exceptionnel en raison de leurs caractéristiques et de leurs dimensions, pour lesquels l’artificialisation des sols induite est prise en compte au niveau régional pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés par le schéma ». En clair, la prise en compte de l’emprise des grands projets (Canal Seine Nord, LGV…) ou infrastructures de l’État dans le calcul de l’artificialisation est « lissée » au niveau régional, et non plus décomptée au niveau des Scot.
Autre précision importante, sur le plan juridique : le projet de texte renvoie la territorialisation des objectifs aux règles du fascicule du Sraddet, qui s’imposent aux documents d’urbanisme dans un rapport de compatibilité, et non aux objectifs du schéma, qui implique un simple lien de prise compte, plus souple.
Rapport local
Enfin, le troisième projet de décret, « relatif au rapport local de suivi de l’artificialisation des sols », fixe les données et indicateurs que les communes et intercommunalités devront faire figurer dans leur rapport triennal sur l’artificialisation des sols, imposé par la loi Climat. Un « socle minimal » de données est fixé : la consommation d’Enaf, exprimée en hectares ; le solde entre les surfaces artificialisées et non artificialisées, exprimé en hectares ; et l’évaluation du respect des objectifs de réduction fixés dans les documents d’urbanisme.
Le texte indique que les données de l’observatoire national de l’artificialisation des sols, qui doit permettre « de garantir une approche globale, régulière, harmonisée et cohérente du suivi de la consommation des espaces et de l’artificialisation des sols », seront mises à disposition gratuitement aux collectivités. Qui pourront aussi continuer à se fonder sur leurs observatoires locaux.
Accéder aux projets de décrets.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 11 mars 2022