Les sénateurs ont adopté, mercredi, en commission, la proposition de loi visant à assouplir une nouvelle fois la mise en place du « Zéro artificialisation nette des sols » (Zan) qui suscitent tant d’inquiétudes chez les élus locaux.
Instauré par la loi Climat depuis 2021, le Zan serait devenu « un sigle désespérant pour de nombreux élus locaux, synonyme de trajectoires de sobriété foncière imposées aux collectivités sans tenir compte des spécificités et des dynamiques territoriales », rappellent ainsi les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) et Guislain Cambier (centriste, Nord), à l’origine du texte.
D’autant que « des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux », malgré les aménagements opérés en 2023 par la loi « Zan 2 ».
L’objectif 2031 abrogé, le rythme fixé par les collectivités
Plaidant pour « plus de réalisme » et afin d’en finir avec ce « repoussoir » qu’est devenu le Zan, les deux sénateurs souhaitent le substituer par un autre sigle : la « Trace », qui constituerait une « trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux » et permettrait un rythme davantage « compatible » avec les contraintes locales.
Pour cela, ils prévoient d’abroger l’objectif intermédiaire de réduction de l’artificialisation des sols. Un « point d’étape » fixé en 2031 dans le but de diviser par deux le rythme d’artificialisation durant la décennie en cours.
Sans remettre en cause l’objectif final de 2050 visant à stopper l’étalement urbain, la commission a donc décidé, par amendement, qu’au lieu d’une réduction de 50 % pour tous d’ici à 2031, ce seront désormais les collectivités elles-mêmes qui fixeront « la trajectoire et la courbe de la pente » pour y parvenir, « sous réserve que celles-ci soient réalistes et crédibles » et donc compatibles avec l’absence d’artificialisation nette en 2050.
Pour faire simple, « les collectivités seront tenues de respecter l’objectif final, au rythme qui leur paraît le plus vraisemblable pour y parvenir, en tenant compte de leurs spécificités », explique la commission.
S’il a reconnu que « des ajustements [sont] possibles », le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, s’est opposé, il y a quelques jours devant la commission, à la suppression totale d’un « point d’étape » et s’est plutôt dit « favorable à décaler » de 2031 à 2034 l’objectif intermédiaire de réduction de l’artificialisation des sols.
À ses yeux, il est « indispensable » et « essentiel » d’avoir une étape pour « évaluer objectivement notre avancée, rectifier la trajectoire » et « permettre à chaque collectivité de voir où elle se situe » car « si on attend 2048 pour vérifier les choses, je pense qu’on n’arrivera pas à atteindre » les objectifs.
Documents d’urbanisme : délais repoussés
S’ils souhaitent pérenniser au-delà de 2031 la mesure de l’artificialisation par le décompte de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) – qui devait être abandonnée à cette date – , les sénateurs ont également décidé de « simplifier et rendre plus lisible » cette notion d’Enaf (en précisant qu’elle s’apprécie « à l’échelle de la parcelle cadastrale », en introduisant dans le Code de l’urbanisme des critères pour la détermination des « espaces urbanisés » et en excluant les « dents creuses » ).
La commission a souhaité, en outre, que l’État remette « un bilan détaillé, chiffré et opposable » de la consommation d’Enaf au cours de la précédente décennie, afin de faciliter la planification des trajectoires futures par les collectivités.
Par ailleurs, et « plutôt que mettre les collectivités hors-la-loi », la commission a choisi de reporter les délais fixés pour inclure les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme en les revoyant par rapport au texte initial.
Pour les communes, la modification des Schémas de cohérence territoriale (SCoT) devrait ainsi intervenir « avant août 2028 » et celle des plans locaux d’urbanisme et des cartes communales « avant août 2029 ». Alors que l’échéance avait été fixée au 22 novembre 2024 pour les régions, celles qui ne l’ont pas encore fait pourraient, de leur côté, reporter « avant août 2027 » l’adoption d’un objectif régional de trajectoire foncière via les Sraddet, ces schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
Les sénateurs ont aussi décidé d’exclure, jusqu’en 2036, de tout décompte de la consommation d’Enaf les projets industriels, les installations d’agrivoltaïsme ainsi que la production de logements sociaux pour les communes carencées.
Afin d’instaurer un « véritable dialogue territorial », ils ont aussi renforcé le rôle de la conférence régionale, en lui conférant le pouvoir de s’opposer à la liste des projets d’intérêt régional, et on revu sa composition afin d’y assurer une meilleure représentation des collectivités, dont la part passerait « d’environ 60 % à 75 % ».
Et « pour garantir qu’aucun maire n’ait le sentiment de n’être pas écouté à propos de la détermination des trajectoires foncières », la commission a ouvert « la possibilité aux communes et EPCI de délibérer sur les objectifs fixés au niveau régional et leur territorialisation, en amont de la procédure de modification du Sraddet ».
Enfin, elle a donné la possibilité pour le maire de mutualiser la surface minimale dont sa commune dispose au niveau des Scot et de la région, et pas seulement à l’échelle des EPCI.
Les sénateurs examineront désormais le texte, en séance, à compter du 12 mars.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 21 février 2025