82 % des morts au sein du couple sont des femmes. Parmi les femmes tuées par leur conjoint, 35 % étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon. Ces chiffres, qui datent de 2020, montrent à quel point les violences faites aux femmes sont un fléau de grande ampleur.
Face à cette situation, comme elle le fait depuis plusieurs années, l’AMF s’engage pour lutter contre ce phénomène social « qui contrevient à la dignité humaine et aux valeurs républicaines que portent les communes et intercommunalités de France. »
Côté gouvernement, la nécessité de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les violences faites aux femmes, ne cesse d’être réaffirmée. Ce sujet concerne de plus en plus, notamment depuis 2017 et le lancement de la Grande cause du quinquennat par le président de la République, et, depuis le Grenelle contre les violences conjugales en 2019, qui a donné lieu à l’adoption de 46 mesures enrichies en juin dernier par le Premier ministre de 6 mesures supplémentaires.
Mais beaucoup reste à faire. En mai dernier, Maire info racontait comment le gouvernement avait été accusé, de part et d’autre, d’agir insuffisamment face à une augmentation inquiétante de féminicides qui ont bouleversé l’opinion. C’est dans ce contexte que l’AMF souhaite s’investir pour développer cette lutte contre les violences et rendre plus efficaces les politiques publiques mises en place.
De nouvelles mesures contre les violences faites aux femmes
En ce 25 novembre 2021, « journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes » , le Premier ministre Jean Castex a arrêté trois nouvelles mesures afin de renforcer la protection des victimes et la lutte contre les violences. La première concerne la mise à l’abri des femmes victimes. Pour les accompagner et les « convaincre de quitter leur domicile » , 1 000 nouvelles places d’hébergement seront ouvertes en 2022. Au total, 9 000 places seront donc dédiées à l’accueil des femmes victimes de violences à la fin de l’année 2022.
Autre mesure : 5 000 téléphones grave danger (TGD) seront rendus disponibles en 2022. Ces portables permettent aux femmes d’alerter de façon prioritaire les forces de l’ordre via une plateforme de téléassistance en cas de danger. « Au-delà de sa protection, le TGD offre aux victimes un accompagnement renforcé avec une prise en charge globale (psychologique, juridique ou sociale) » , explique Mahé-Julie Deschard, chargée de mission au bureau de l’aide aux victimes et de la politique associative, sur le site du ministère de la Justice.
Troisième et dernière mesure : la mise en place d’une Semaine de l’égalité entre les filles et les garçons, prévue à la date du 8 mars (date de la Journée internationale des droits des femmes) l’année prochaine. Le but ? « Agir à la racine, sur l’éducation de nos enfants » , car la violence est un « combat de société » . Concrètement, cette « semaine permettra aux enseignants et aux élèves de se mobiliser autour de projets forts sur l’égalité entre les filles et les garçons, et d’en appréhender les différentes facettes. Jean-Michel Blanquer en détaillera rapidement les modalités et le contenu. »
L’AMF sur le front
C’est lors du Congrès des maires de 2019 que l’AMF a déclaré la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause du mandat 2020 – 2026.
Meilleure connaissance des phénomènes, actions plus adaptées et mieux évaluées, volonté davantage affirmée de l’État de travailler avec l’ensemble de ses partenaires… L’AMF présente 10 propositions issues d’échanges dans le cadre de son groupe de travail dédié à l’égalité femme-homme ou encore développées au sein de forums lors des derniers Congrès des maires.
Prendre en compte l’envergure de ces violences
Les trois premières propositions véhiculent l’idée qu’il faut mieux prendre en compte l’ampleur du phénomène, de façon claire et précise. Première proposition : « mesurer chaque année l’évolution réelle des phénomènes de violences faites aux femmes, adapter et contrôler l’efficacité des politiques publiques en lien étroit avec les associations d’élus au niveau national et les élus locaux dans les départements, et rendre plus cohérent l’ensemble des plans et schémas locaux. »
La seconde proposition repose notamment sur un fait d’actualité dramatique. En mai dernier à Mérignac, près de Bordeaux, une mère de trois enfants avait été brûlée vive par son mari après avoir été blessée par balles. Alors que l’assassin avait déjà été incarcéré pour violences conjugales, son épouse ne bénéficiait d’aucune mesure de protection. L’AMF appelle donc à « prendre la mesure du drame de Mérignac du 4 mai 2021 en s’assurant de façon systématique de la mise en œuvre effective sur l’ensemble du territoire des mesures législatives déjà votées. » Sont évoqués ici le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger, ou encore le retrait des armes du conjoint violent.
Puis, l’AMF insiste sur l’importance d’identifier des mesures spécifiques complémentaires en fonction des territoires (préconisations sur la ruralité de la présidente de la délégation du Sénat, Annick Billon, entendue lors du dernier Congrès des maires de France) et de publics spécifiques comme les jeunes, les personnes handicapées ou les plus âgés.
La place des enfants dans le cercle des violences
Ces violences n’épargnent pas les enfants. Ainsi, les quatrième et cinquième proposition de l’AMF concernent spécifiquement cette question qui peut parfois être oubliée. Mutilations sexuelles, inceste, prostitution des mineurs… Il faut « renforcer la capacité de prévention, de détection, de signalement, de sanction des auteurs et d’accompagnement des jeunes victimes de l’institution scolaire et des autres services publics ».
Annick Billon le rappelait en juin 2021 lors des comptes rendus de la délégation aux droits des femmes, « 140 000 enfants vivent dans un foyer violent. Les études montrent qu’ils sont témoins directs des violences dans 40 à 60 % des cas. 40 % des cas de maltraitance sur les enfants sont liés à la violence conjugale. » L’AMF propose un accompagnement psychologique pour eux avec la reconnaissance d’un statut de victime. Une suspension de l’autorité parentale des auteurs des violences est aussi préconisée.
Agir sur le terrain
Les 5 dernières mesures sont de l’ordre de la stratégie politique et juridique. Sixième proposition : « Sécuriser sur le moyen terme le financement d’État du secteur associatif et des intervenants sociaux en gendarmerie et en commissariat, évaluer par un organisme tiers l’accueil lors des dépôts de plainte et expérimenter une juridiction spécialisée s’agissant des violences conjugales (volet civil et volet pénal) comme en Espagne. » Une septième proposition consiste à développer davantage la question de l’éviction des conjoints violents ainsi que leur accompagnement, suivant l’idée de l’ancien procureur de Douai, Luc Frémiot, entendu par le groupe de travail dédié de l’AMF, qui avait, en 2003, lancé un dispositif visant à éloigner les auteurs de violences conjugales du domicile conjugal.
Enfin, l’AMF s’aligne sur les propositions formulées dans le rapport 2021 de la Fondation des femmes et de solidarité femmes pour améliorer la question de l’hébergement des victimes. L’AMF ajoute qu’il faut « intégrer la lutte contre ces violences dans une politique globale d’égalité entre les femmes et les hommes, en associant l’ensemble des acteurs (…) en informant, sensibilisant et mobilisant régulièrement le grand public, en activant une diplomatie d’influence dans le monde mais aussi en réaffirmant l’universalisme républicain et la nécessaire mixité de l’action éducative, économique, politique, sociale, culturelle et sportive de la nation. »
Pour finir, l’AMF indique qu’interroger « l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle sur les actions, les moyens et les résultats envisagés s’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes » est indispensable, « dans une logique de contrat de mandature et d’évaluation partagée des politiques publiques. »
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 25 novembre 2021