« Un coup très grave à un service de proximité indispensable (notamment bancaire et social) en zones rurales et dans nos quartiers. » C’est ainsi que David Lisnard, président de l’AMF, a qualifié samedi l’annonce d’un gel de 50 millions d’euros, dès cette année, sur le contrat de présence postale.
C’est devant des maires ruraux consternés que Philippe Wahl, PDG du groupe La Poste, a révélé cette décision de Bercy, avant de la « confirmer » auprès de l’AFP : « Il y a cette coupe budgétaire de 50 millions d’euros sur 160 millions qui a été décidée (et qui) annonce sans doute une coupe [similaire] en 2025 ». Dans ces conditions, le patron de La Poste craint ne plus « pouvoir faire fonctionner les agences postales communales ».
Le contrat de présence postale
De quoi parle-t-on ? Le contrat de présence postale territoriale est une convention tripartite entre l’État, La Poste et l’AMF, destinée à enrayer la fermeture des bureaux de poste dans les territoires les plus fragiles (territoires ruraux ou de montagne, quartiers prioritaires, Outre-mers). Le dernier contrat, pour la période 2023-2025, a été signé le 15 février 2023.
Ce contrat comprend non seulement des engagements financiers maintenir une présence postale au plus près des citoyens, mais aussi des obligations en matière d’offre et de qualité de service. Notamment, La Poste s’est engagée à élargir les horaires d’ouverture dans un millier de bureaux ou encore à renforcer l’accessibilité des points de contact en période estivale.
Sur le plan financier, le contrat prévoit des financements permettant d’assurer, notamment, la pérennité des agences postales communales et intercommunales, particulièrement essentielles dans les petites communes – ce qui permet d’assurer encore un maillage important. Il existe quelque 17 000 « points de contact » sur tout le territoire, permettant de faire en sorte que 97 % des Français se trouvent à moins de 5 km ou moins de 20 minutes d’un de ces points.
Le contrat prévoit un « fonds postal de péréquation territorial », pouvant bénéficier « d’un financement maximal de 531 millions d’euros » sur les trois années du contrat, soit 177 millions d’euros par an au maximum. Ces 177 millions d’euros se décomposent en une enveloppe principale de 174 millions « provenant d’une dotation budgétaire votée annuellement par le Parlement et des abattements appliqués à la fiscalité locale due par La Poste » ; et d’une enveloppe « complémentaire », optionnelle, de 3 millions d’euros, « financée par un abattement sur les taxes foncières dues par les filiales directes et indirectes de La Poste ». Cette enveloppe complémentaire est destinée à être activée si la totalité de l’enveloppe principale est engagée – ce qui n’est jamais arrivé pour l’instant. L’AMF constate que l’enveloppe principale (les 174 millions d’euros) n’a jamais été versée intégralement – autrement dit, l’État ne respectait déjà pas sa part du contrat.
Une charge financière supplémentaire pour les communes
C’est donc sur ce montant de 174 millions d’euros que Bercy aurait décidé de procéder – sans communiquer par lui-même mais en faisant apporter la mauvaise nouvelle par La Poste – à un gel de 50 millions d’euros, et ce dès cette année.
Conséquence : « Les moyens nécessaires aux agences postales vont diminuer outre-mer, en zone rurale, dans les quartiers politique de la ville », alors qu’elles « remplissent une mission publique sensible, notamment vers les personnes modestes, pour la perception des retraites et des minimas sociaux », commentait samedi le président de l’AMF sur X. « Cela conduira aussi à renforcer la charge financière des communes pour garantir le fonctionnement d’un service qui ne relève pas de leurs compétences », déplore le maire de Cannes, qui fustige une « énième différence entre les discours de l’État et la réalité, sur les services de proximité, la ruralité, les finances communales ».
Alors que quelque 148 millions d’euros de dépenses ont déjà été engagés pour 2024 par les communes et La Poste, dans un contexte où l’inflation a fait fortement augmenter les charges, que va-t-il se passer si l’État fait disparaître un tiers de ses financements ? Jusqu’à présent, La Poste a compensé les manquements de l’État, mais jamais à cette hauteur. Philippe Wahl a clairement indiqué, vendredi, que c’est « l’avenir » même de certains points de contact qui est en jeu.
Des députés ont d’ores et déjà annoncé qu’ils allaient batailler contre cette mesure lors de la discussion budgétaire. Mais ce mauvais coup est-il annonciateur d’une série d’autres, au nom du redressement des finances publiques ? Il y a tout lieu de le craindre. Pour le moment, du côté du gouvernement, aucun commentaire n’a été fait à propos de cette information, les ministres se retranchant derrière l’attente du discours de politique générale que doit prononcer le Premier ministre demain, en ouverture de la session parlementaire. Mais les innombrables déclarations ministérielles, depuis une semaine, sur l’état « catastrophique » des finances publiques et la nécessité de prendre des décisions « courageuses » – c’est-à-dire impopulaires – laissent présager le pire. Le désengagement partiel de l’État du contrat de présence postale risque bien d’être le premier d’une longue série de retours sur la parole donnée – ou plutôt le deuxième, après l’annonce de la réduction drastique du Fonds vert.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 30 septembre 2024