Ce sont les sénateurs Françoise Gatel, François Bonhomme et Éric Kerrouche qui ont réalisé ce rapport, dans le cadre de la réflexion plus large qui se déroule en ce moment sur les conditions d’exercice du mandat et qui aura son point d’orgue la semaine prochaine, lors du congrès de l’AMF.
Les sénateurs rappellent que l’engagement des élus locaux est construit « sur le principe fondateur de la gratuité » : un mandat local n’est pas « un métier rémunéré mais un engagement civique ». L’indemnité que touche environ un tiers des élus n’est pas une rémunération mais une « compensation ». « Pour autant, écrivent les sénateurs, dévouement ne rime pas avec sacrifice. Or non seulement les élus locaux sont exposés au risque pénal mais, en outre, de nombreux facteurs les conduisent à consacrer de plus en plus de temps à leur mandat : complexité des normes, montée de l’intercommunalité, difficultés de recrutement des secrétaires de mairies. » D’où la nécessité d’une réflexion sur les indemnités.
Indemnisation ou rémunération ?
Rappelons que la dernière réforme modifiant le système des indemnités date de la loi dite Lecornu (Engagement et proximité) de 2019. Elle a conduit à la revalorisation des indemnités des maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants. Mais aujourd’hui, cette revalorisation paraît « insuffisante », d’une part au regard de l’inflation, d’autre part du fait de la « crise des vocations », soulignent les sénateurs, qui rappellent que « la quasi-totalité des maires et adjoints perçoivent une indemnité inférieure au salaire moyen en France ».
Premier constat fait par la mission : l’indemnité est décorrélée du temps effectif passé par les élus à remplir leur mission. Les indemnités sont fixées de façon forfaitaire, par strate de population, «sans lien avec le temps passé », alors qu’en moyenne, un maire consacre « 32 heures par semaine à son mandat ». Cette situation, on le sait, favorise les retraités, ce qui nuit à « l’objectif de diversification des profils ». La mission propose donc de poser la question de « la corrélation entre le temps passé par l’élu et le niveau de l’indemnité », même si celle-ci pose de nombreuses difficultés « techniques et juridiques ».
Au-delà, au moins l’un des membres de la mission, Éric Kerrouche, est favorable à une réflexion, à long terme, sur le « principe de gratuité ». Le sénateur des Landes est l’auteur d’une proposition de loi visant à passer du principe d’indemnisation à celui de rémunération, estimant que « les fonctions exécutives requièrent aujourd’hui un investissement en temps suffisamment important pour les considérer désormais comme une profession ». Le sénateur propose dans ce texte que les élus soient employés sous la forme d’un contrat à durée déterminée de droit public, le temps de leur mandat. La mission propose donc de lancer une réflexion, à long terme, sur ce sujet et « pour certaines catégories d’élus ».
À plus court terme , la mission recommande, dès le 1er janvier prochain, d’indexer le montant des indemnités sur l’inflation – elle chiffre le coût de cette mesure, pour 2024, à 52 millions d’euros. Et de revaloriser les indemnités pour toutes les strates à l’horizon du prochain mandat (2026).
DPEL
La mission s’est également penchée sur la dotation particulière élus locaux (DPEL), dont le fonctionnement a été réformé en 2020. Le gouvernement avait alors divisé la DPEL en deux parts : la première attribuée à toutes les communes de moins de 1000 habitants (sous conditions de potentiel financier) et la seconde permettant une majoration pour les communes de moins de 500 habitants. Il n’avait pas suivi les recommandations du Sénat qui demandait déjà, alors, d’étendre le bénéfice de la DPEL à toutes les communes de moins de 2 000 habitants.
Depuis la loi de finances pour 2023, la DPEL se compose de deux parts et de deux majorations, ces majorations correspondant aux compensations forfaitaires versées par l’État aux communes de moins de 3 500 habitants, au titre du remboursement aux élus de leurs frais de garde et du remboursement à la commune de la souscription obligatoire d’assurance pour la protection fonctionnelle des élus.
La mission recommande une hausse du seuil d’éligibilité à 3 500 habitants et d’indexer la DPEL sur l’inflation, et de supprimer les conditions de potentiel financier pour que toutes les communes de la strate puissent en bénéficier. Ces deux mesures, estime la mission, coûteraient environ 37 millions d’euros à l’État.
Par ailleurs, les sénateurs estiment qu’il serait juste que l’État compense financièrement l’activité que les maires, au titre du fameux « dédoublement fonctionnel » (il agit à la fois en tant qu’exécutif de la commune et agent de l’État), effectuent au nom de l’État. La délégation du Sénat juge qu’il devrait être créé une contribution de l’État « estimée à 10 % du plafond indemnitaire du maire », qui serait versée à la commune. Le maire « ne saurait être un passager clandestin de l’État », écrit la délégation.
Frais de transports
La délégation demande par ailleurs que « davantage de marge de manœuvre » soit donnée aux conseils municipaux dans l’attribution des indemnités aux élus, « en particulier pour tenir compte de la situation des conseillers délégués ». « La délégation aux collectivités territoriales souhaite que les communes puissent définir le volume des indemnités à partir du nombre théorique maximal d’adjoints susceptibles d’être désignés. Cette évolution permettrait ainsi d’augmenter le montant de l’enveloppe indemnitaire globale lorsqu’une commune n’a pas désigné la totalité des adjoints. »
Elle souhaite également que les frais de transport des élus soient mieux pris en charge. Pour l’instant, le remboursement des frais de transport intervenant dans le cadre des fonctions des élus est facultative, et beaucoup d’élus « se refusent à le solliciter pour ne pas peser sur les budgets locaux ». La délégation propose de rendre le remboursement obligatoire, et « de créer au sein de la DPEL une part spécifique permettant de financer ces frais de déplacement » dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Enfin, les rapporteurs souhaitent clarifier la question épineuse des arrêts maladie, et permettant aux élus de pouvoir, s’ils le peuvent, continuer d’exercer leur mandat pendant un arrêt maladie sans se voir sanctionnés par la Sécurité sociale.
Ils se livrent également à plusieurs recommandations pour faciliter l’exercice du mandat pour les élus handicapés et pour « améliorer le régime des autorisations d’absence pour compenser les pertes de revenu liées à l’exercice du mandat ».
Toutes ces propositions seront certainement évoquées lors du débat qui aura lieu au Grand auditorium du congrès de l’AMF, mercredi prochain à 10 h, intitulé « Être élu local, les réalités d’un engagement toujours plus exigeant », en présence notamment de Françoise Gatel, co-rédactrice du rapport.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 17 novembre 2023