D’après le CNFPT, ce sont 11 000 policiers municipaux qui vont devoir être recrutés d’ici 2026. Ce qui fait du métier de policier municipal un métier en très forte tension, au point qu’aujourd’hui, certaines collectivités se livrent une véritable bataille pour s’arracher leurs policiers municipaux – en jouant par exemple sur la rémunération, les collectivités les plus riches étant alors mécaniquement avantagées.
Se poser le problème de l’attractivité de la filière et des capacités de formation est donc urgent. C’est l’une des questions auxquelles tentent de répondre les députés Vincendet (Rhône, LR) et Royer-Perreaut (Bouches-du-Rhône, Renaissance), en plus de celles sur la doctrine d’emploi, l’armement, la question du partage des fichiers avec la police et la gendarmerie nationales, etc.
Libre choix du maire
Dans le rapport d’une centaine de pages qu’ils ont présenté mercredi devant la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, les deux députés dévoilent 44 « préconisations », dont certaines pourraient « être mises en œuvre à brève échéance ».
Ces préconisations se placent dans un cadre clair, que les députés ne cherchent aucunement à remettre en cause : premièrement, la police municipale dépend du maire et sa création constitue un choix absolument libre de la commune et doit le rester ; deuxièmement, les missions de la police municipale ne sont pas celles des forces de l’ordre nationales : « La conception d’une police municipale de la tranquillité et de la proximité (est) unanimement partagée par l’ensemble des acteurs territoriaux de la sécurité, élus locaux comme organisations professionnelles de policiers municipaux », écrivent les rapporteurs.
Sur l’armement des polices municipales, les rapporteurs reviennent sur la proposition de la mission Fauvergue-Thourot de 2018, qui préconisait que l’armement des policiers municipaux soit de droit, le maire ayant la possibilité de s’y opposer. Les choses ont évolué aujourd’hui : les rapporteurs Vincendet et Royer-Perreaut se disent « fermement attachés à la liberté du maire d’armer ou non sa police municipale et ne proposent pas de faire évoluer la législation sur ce point. »
L’accès aux fichiers
Parmi les sujets abordés par le rapport, on trouve évidemment la question de l’accès aux fichiers de police. Rappelons qu’aujourd’hui, les policiers municipaux (PM) n’ont accès qu’aux fichiers SIV (service d’immatriculation des véhicules) et SNPC (permis de conduire), de façon restreinte, ainsi qu’au système d’information fourrière, au fichier des cycles identifiés et au Dicem (déclaration et d’identification de certains engins motorisés).
Faut-il élargir l’accès des PM aux fichiers des forces de l’ordre nationales ? Les deux rapporteurs se montrent prudents, et rappellent que les agents de police municipale ne réalisent pas d’enquêtes. Ils n’ont donc aucune raison d’accéder à des informations nécessaires aux officiers de police judiciaire dans le cadre d’une enquête.
Néanmoins, les rapporteurs font état d’une « forte demande » des policiers municipaux pour pouvoir accéder, d’une part, à la base de données DocVérif (vérification des titres d’identité), ainsi qu’à plusieurs autres fichiers : fichier des véhicules assurés (FVA), fichier des objets et véhicules signalés (FOVéS) et fichier des personnes recherchées (FPR). Les rapporteurs, tout comme les membres de la Commission consultative des polices municipales qu’ils ont consultés, sont plutôt favorables, « sous certaines précautions d’habilitation », à un tel élargissement de l’accès aux fichiers.
Officiers de police judiciaire ?
Autre question sensible abordée dans le rapport : les prérogatives des agents de police municipale, aujourd’hui simples agents – et non officiers – de police judiciaire. Leurs prérogatives actuelles permettent-elles aux PM de « remplir au quotidien leur mission de police de la sécurité et de la tranquillité » ? Non, répondent les rapporteurs, car « elles ne sont plus suffisamment adaptées aux formes nouvelles de la petite délinquance sur la voie publique ». Les rapporteurs proposent donc de mettre sur l’ouvrage la question de l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) à certains membres de la police municipale. Un tel élargissement a, certes, déjà été tenté avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, en 2011. Les rapporteurs estiment qu’il est temps de « faire évoluer la législation ». Ils proposent d’entamer la réflexion sur l’attribution de la qualité d’OPJ aux chefs de service et directeurs de police municipale, pour des infractions « précisément énumérées » et « sans possibilité de recevoir des plaintes ».
Sur ce sujet, l’AMF, auditionnée par les rapporteurs, a émis ses plus fortes réserves : transformer des policiers municipaux en OPJ reviendrait en effet à les placer sous l’autorité du parquet, et non plus du maire.
Formation et statut
Les rapporteurs font aussi de multiples propositions pour « fluidifier le recrutement » des agents de police municipale. Outre une large partie consacrée à la question du concours et à la mobilité entre les fonctions publiques (« on constate une augmentation des demandes de reconversion de policiers ou de gendarmes nationaux vers la police municipale », notent les rapporteurs), les députés se penchent sur la question de la formation « au plus près des territoires ». Ils notent que le CNFPT a très fortement accru ses capacités de formation et « forme environ 2 000 stagiaires policiers municipaux par an ». Quatre nouveaux centres de formation vont être ouverts.
Faut-il, comme le proposait là encore le rapport Fauvergue-Thourot, ouvrir une école nationale de formation des PM, en dehors du CNFPT ? Après réflexion, les rapporteurs répondent plutôt non à cette question, même si une telle école présenterait « certains avantages ». Mais l’AMF et le CNFPT, notamment, n’y étant pas du tout favorables, les rapporteurs préfèrent proposer d’augmenter les capacités d’accueil du CNFPT en ouvrant un ou deux sites supplémentaires ».
Parmi d’autres propositions jugées particulièrement importantes par la mission, on retiendra l’idée de « reclasser le cadre d’emplois des agents de police municipale en catégorie B » ; de « poursuivre les discussions avec les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux afin de restructurer le régime indemnitaire en tenant compte des spécificités de la filière police municipale au sein de la fonction publique territoriale » ; et enfin d’entamer une réflexion « sur l’opportunité de créer un statut spécifique pour la filière police municipale au sein de la fonction publique territoriale. »
Toutes ces préconisations pourraient aboutir, dans les mois qui viennent, à une proposition de loi, comme cela avait été le cas pour le rapport Fauvergue-Thourot, qui avait abouti – après avoir été allégé de ses préconisations les plus clivantes, à la proposition de loi sur la Sécurité globale.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 21 juillet 2023