Si la crise sanitaire liée au covid-19 a constitué un booster inédit pour la mise en place du télétravail dans les administrations, cette pratique demeure minoritaire dans les trois versants de la fonction publique. Seulement 29 % des salariés de la sphère publique bénéficient, en effet, aujourd’hui de dispositifs permettant d’exercer leur activité en dehors du lieu de travail habituel. C’est ce que montre un sondage OpinionWay réalisé en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, la Mutuelle nationale territoriale et CASDEN Banque Populaire pour le groupe de réflexion « Sens du service public » . Publiée le 5 avril, cette étude souligne également les fortes aspirations, mais aussi les frustrations et les questionnements que le télétravail peut générer auprès des personnels (1).
Selon ce sondage, six agents de la fonction publique sur dix (61 %) affirment effectivement ne pas avoir la possibilité de télétravailler. Pour 88 % d’entre eux, cette situation s’explique logiquement par l’inadaptation de leur poste à la pratique du travail à distance, leur métier ou leur fonction nécessitant un contact direct avec l’usager ou une intervention concrète sur le terrain. En revanche, 9 % des répondants trouvent injuste leur exclusion de la pratique du télétravail et attribuent cette situation à un refus de l’employeur. Pour une grande majorité des agents (79 %), les employeurs publics devraient proposer des mesures compensatoires pour les personnels étant dans l’impossibilité de télétravailler, notamment en leur accordant la semaine de 4 jours.
Plus de la moitié des agents sur deux favorable au télétravail
L’enquête indique, par ailleurs, que si plus de la moitié des agents (52 %) se déclare favorable à l’idée de télétravailler, une forte minorité (22 %) affirme être tout à fait réticente à cette pratique. Les agents réfractaires au télétravail évoquent à une large majorité (59 %) leur préférence pour l’exercice de leur métier sur site, l’inadaptation de leur environnement personnel à une activité professionnelle (25 %), l’insuffisance de l’indemnité versée par l’employeur pour compenser les surcoûts d’énergie impactant le domicile (17 %) ou encore l’absence d’équipements nécessaires pour exercer leur mission à distance (12 %).
A contrario, l’étude met en évidence les nombreux motifs de satisfaction exprimés par les agents ayant déjà expérimenté le télétravail. Ainsi, 73 % d’entre eux déclarent, par exemple, apprécier la réduction des temps de transport découlant d’une ou plusieurs journées travaillées à domicile tandis que 56 % des répondants se félicitent d’évoluer dans un environnement plus calme et 50 % affirment que le travail à distance assure un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. À noter que ce sont les femmes qui plébiscitent le plus nettement la pratique du télétravail : 49 % des agentes manifestent le degré de satisfaction maximum dans le questionnaire élaboré par OpinionWay. À l’inverse, les plus jeunes salariés de la fonction publique expriment les réticences les plus marquées : un sentiment d’isolement est ressenti très fortement par les 25-34 ans, qui sont aussi ceux qui éprouvent le plus de difficultés pour acheter des équipements informatiques spécifiques pour leur domicile. L’étude indique, en outre, que parmi les 39 % des agents qui jugent compatible leur activité professionnelle avec le télétravail, les personnels des catégories A et C sont les plus nombreux (respectivement 47 % et 32 %).
Impact positif sur l’absentéisme et la productivité
Autre enseignement significatif : la pratique du télétravail apparait comme un moyen de réduire l’absentéisme. Près de la moitié des agents (44 %) déclare avoir déjà télétravaillé plutôt que de poser une journée d’arrêt ou de congé enfant malade. Le télétravail est également cité comme un facteur de gain de productivité par une part importante des répondants : 65% estiment que les réunions organisées à distance ont des durées plus adaptées et 55 % pensent qu’elles sont plus productives.
Du point de vue des usagers, la perception du télétravail dans les services publics est sensiblement différente. 54 % d’entre eux considèrent notamment que le travail à distance a un impact négatif sur la qualité des services et des prestations et 67 % affirment que le télétravail nuit à la qualité de leurs relations avec les administrations. « Agents et usagers s’accordent sur le fait que la dématérialisation tend à dégrader le service public rendu et que la dématérialisation ajoute de la pression sur les personnels en contact avec le public », analyse Johan Theuret, co-fondateur de « Sens du service public » .
Tout en soulignant néanmoins que « l’impact environnemental du télétravail est perçu comme positif tant par les agents que les usagers » , le groupe de réflexion rappelle que le déploiement du télétravail dans le service public doit « concilier proximité et aspirations sociétales » et que « l’essor très rapide du télétravail dans les administrations publiques ne s’est pas toujours accompagné des réflexions organisationnelles garantissant la même qualité des services publics délivrés aux usagers » .
(1) Enquête en ligne conduite du 2 au 20 mars auprès de 1003 agents de la fonction publique et d’un échantillon de 1004 personnes représentatif des usagers.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 7 avril 2023