Les élues enceintes qui ont suspendu leur activité professionnelle, afin de se consacrer à leur mandat, pourraient bientôt ne plus perdre de revenus lorsqu’elles se retrouvent en congé maternité. Les sénateurs ont en effet approuvé, hier, cette mesure d’équité en adoptant, en première lecture et à l’unanimité, la proposition de loi transpartisane visant à créer un « statut de l’élu local ».
La chambre haute a ainsi exprimé « clairement l’urgence de reconnaître […] les élus locaux comme essentiels à la République », s’est notamment félicitée la sénatrice d’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel (Union centriste), à l’origine de ce texte qui doit, toutefois, encore passer le cap de l’Assemblée nationale. Sachant qu’une incertitude subsiste sur son inscription à l’ordre du jour des débats des députés puisqu’une proposition de loi concurrente y a été déposée, le mois dernier.
Congé maternité et maladie : fin de la perte de revenus
Point d’actualité particulièrement important, les sénateurs avaient déjà décidé, en commission, de simplifier le remplacement des élus qui pourraient se retrouver dans la situation dans laquelle est la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, en facilitant la suspension du contrat de travail des élus censés remplacer temporairement un maire (mais aussi un président du conseil départemental ou régional) empêché d’exercer son mandat pour « des raisons médicales » notamment.
Restait un angle mort de la loi dénoncé par l’élue poitevine : le fait que les émoluments d’un maire se retrouvent sérieusement réduits à l’occasion d’un congé maternité. Du fait d’un vide juridique jugé « archaïque » par certains sénateurs, les communes ne peuvent toujours pas mettre en place un « complément employeur » afin d’éviter une perte nette de ressources des élues ayant interrompu leur activité professionnelle.
« Le congé maternité ne peut pas causer une perte nette de ressources. Nous devons agir pour rendre plus concrète la féminisation nécessaire des fonctions exécutives locales », a ainsi plaidé la députée écologiste Monique de Marco. D’autant que « seulement 20 % des maires sont des femmes alors qu’elles représentent plus de 50 % de la population ».
Hier, les sénateurs sont donc revenus sur ce préjudice et ont approuvé, par amendement, le maintien du revenu des élus en cas de « maternité, paternité, accueil de l’enfant, adoption », mais aussi en cas de « maladie ou accident ». Et cela via le versement d’une « indemnité différentielle », inspirée « des droits des salariés du secteur privé », entre les indemnités journalières de la Sécurité sociale et l’indemnité de fonction que l’élu percevait antérieurement.
A noter qu’ils ont également étendu à « l’ensemble des catégories d’élus » le statut de l’élu en situation de handicap.
Frais de garde et protection fonctionnelle
Afin d’améliorer la prise en charge des frais de garde lors de la participation des élus aux activités liées à l’exercice de leur mandat, le gouvernement et les députés ont confirmé, par amendements, l’extension aux communes de moins de 10 000 habitants (contre moins de 3 500 habitants à ce jour) de la compensation par l’État des frais de garde engagés par les élus. Ils ont également accordé aux collectivités la possibilité de « prévoir, par délibération, d’autres réunions susceptibles d’ouvrir le droit à ce remboursement » que les seules réunions ouvrant « droit à des autorisations d’absence ».
Pour les seuls exécutifs municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, un droit à la prise en charge des frais de garde pour leur participation aux activités liées à l’exercice de leur mandat a été créé. Le bénéfice des chèques emploi-service universel (CESU) a aussi été étendu à l’ensemble des élus, et non seulement à ceux qui exercent des fonctions exécutives.
Les sénateurs ont également préféré aligner les dispositions rendant l’octroi de la protection fonctionnelle automatique pour les élus victimes de violences, d’outrages ou de menaces dans l’exercice de leurs fonctions (procédure, délais, information de l’organe délibérant) sur celles adoptées, la semaine dernière, par la commission mixte paritaire dans le cadre de la proposition de loi « Sécurité et protection des maires et élus locaux ».
Meilleure indemnisation, bonification des retraites, DPEL…
Très attendu par les maires, ce texte doit permettre de « reconnaître l’engagement des élus locaux à sa juste valeur et d’éviter une crise des vocations à l’horizon 2026 », dans un contexte de malaise et de découragement des élus au moment où les violences à leur égard explosent et que plus de la moitié des édiles ne souhaitent pas se représenter.
Pour cela, la chambre haute a décidé de revaloriser les indemnités des maires et des adjoints. L’indemnité maximale versée aux maires serait ainsi portée à 1 155 euros dans les communes de moins de 500 habitants (contre 1 048 euros actuellement), à 1829 euros dans les communes de 500 à 999 (contre 1 657 euros actuellement) et à 2 343 euros dans les communes de 1000 à 3 499 habitants (contre 2 121 euros actuellement).
Le Sénat a également décidé que le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal (sauf délibération contraire du conseil municipal, à la demande du maire) serait bien étendu aux adjoints, mais aussi à « l’ensemble des exécutifs locaux » (les présidents d’EPCI, des conseils régional et départemental, ainsi que leurs vice-présidents). D’autre part, le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale a été modifié de façon à « mieux indemniser les conseillers municipaux » et tient compte désormais du nombre d’adjoints théorique.
Mercredi, les sénateurs avaient déjà confirmé plusieurs dispositions du texte sur lesquelles l’exécutif était particulièrement rétif.
Une « bonification » a donc été accordée à certains élus (dont les maires, les adjoints, les présidents et vice-présidents d’EPCI) en matière de retraite, sous forme de l’attribution d’un trimestre supplémentaire par mandat, dans la limite de huit. Tout comme l’extension aux communes de moins de 3 500 habitants, et non de moins de 1 000 comme c’est le cas aujourd’hui, du bénéfice de la dotation particulière élus locaux (DPEL) et l’octroi jusqu’à 20 jours ouvrables de congé aux candidats aux élections – notamment municipales – « pour participer à la campagne électorale ».
Plusieurs autres mesures concernant le recours aux autorisations d’absence, les conflits d’intérêts, les formations ou encore la sortie de mandat ont été validées.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 8 mars 2024