Il y a un mois, le 13 janvier, le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), chargé du suivi des nappes phréatiques, constatait une recharge « peu intense » et « les trois quarts des nappes demeurant sous les normales ». On ne peut que craindre ce que révélera le prochain point du BRGM, vu qu’un mois plus tard, il n’a pas plu en France.
Pénurie en vue
Cela fait aujourd’hui 31 jours qu’il n’y a pas eu de « pluie significative » sur le pays, ce qui est du jamais vu pendant cette période qui est normalement celle de la « recharge hivernale » des nappes phréatiques. Alors que l’automne s’est terminé sur une situation déjà préoccupante, avec des niveaux « bas à très bas » dans une vingtaine de nappes, la recharge ne se fait toujours pas… et même si des pluies abondantes advenaient dans les semaines à venir, cela pourrait ne pas suffire. En effet, l’hiver est propice au rechargement des nappes parce que la végétation est au repos – ni feuilles, ni fleurs, ni bourgeons. L’eau de pluie est alors presque totalement absorbée dans les sols, jusqu’aux nappes phréatiques. Mais au printemps, la végétation va reprendre ses droits, et l’essentiel de l’eau sera alors « captée » par ceux-ci. Autrement dit, s’il ne pleut pas massivement d’ici fin mars – ce qui pourrait causer d’autres problèmes, guère plus réjouissants, d’inondations – le pays va devoir affronter une réelle pénurie d’eau cet été.
Certains experts envisagent déjà que « même des petites villes », et plus seulement des villages comme l’été dernier, puissent subir des coupures d’eau potable l’été prochain.
Cours d’eau déjà à sec
Les conséquences de cette sécheresse hivernale exceptionnelle sont déjà visibles notamment sur le débit des rivières et le niveau des lacs. À Béziers, l’Orb est quasiment à sec depuis la mi-février ; le canal de Perpignan est à sec ; tout comme certaines rivières, comme l’Issole, dans le Var. Les cours d’eau plus importants du sud du pays, comme la Durance, voient leur débit déjà fortement réduit. Mesuré à la station de Viviers, en Ardèche, le Rhône a vu son débit passer de 1000 m3/s le 7 février à 529 le 17 février…
D’ailleurs, de façon là encore absolument exceptionnelle pour un mois de février, un certain nombre de communes ont déjà été placées en alerte sécheresse, voire en alerte sécheresse renforcée. C’est le cas notamment de 85 communes du Var.
Plusieurs experts appellent d’ailleurs les pouvoirs publics à prendre des mesures de restriction d’eau dès maintenant, afin d’économiser l’eau – notamment pour que des ressources suffisantes puissent être disponibles pour l’agriculture au printemps. Un certain nombre de préfectures envisagent déjà d’interdire, par exemple, le remplissage des piscines.
Des décisions pourraient être prises dès ce jeudi, lors de la réunion du Comité d’anticipation et de suivi hydrologique, sous la houlette du ministre de la Transition écologique.
Les barrages hydroélectriques très exposés
Au moins autant que l’agriculture, c’est la production énergétique qui est la première victime de cette situation. Au plus mauvais moment, c’est-à-dire à celui où manque le gaz russe et où les capacités nucléaires du pays sont en berne. La sécheresse de l’année dernière a lourdement affecté la production hydroélectrique, qui est tombée en 2022 à « son plus bas niveau depuis 1976», selon le « bilan électrique » annuel de RTE paru la semaine dernière. L’énergéticien juge la situation de la production hydroélectrique « très dégradée ». Les stocks « ont atteint des niveaux historiquement bas » en juillet dernier, avant de se recharger un peu à l’automne, notamment du fait de la « faible sollicitation liée à la moindre consommation d’électricité ».
Il faut rappeler que les barrages hydroélectriques ont un double rôle : produire de l’électricité, certes, mais aussi « recharger » les cours d’eau en cas de sécheresse. Plus les cours d’eau s’assèchent, plus les lacs de barrage sont sollicités pour les alimenter… et plus ces lacs se vident, obérant d’autant la capacité à fabriquer de l’électricité. Certains lacs, après la sécheresse de l’été dernier, ont ainsi été quasiment vidés, explique EDF.
Un cercle vicieux qui n’est donc, visiblement, pas près de se résoudre. Sauf à espérer que la météo se remette durablement à la pluie dans les semaines qui viennent.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 21 février 2023