Un décret paru le 31 août au Journal officiel change les règles en matière de retraite des élus locaux : en application de la réforme des retraites, les indemnités des élus locaux ne remplissant pas les conditions requises peuvent désormais être assujetties, à leur demande, aux cotisations vieillesse. Par ailleurs, le rachat de trimestres est maintenant possible pour les élus locaux. Explications.
Pendant les longs débats sur la réforme des retraites, début 2023, l’AMF avait porté plusieurs amendements pour tenter de résoudre certaines situations particulièrement injustes dont sont victimes les élus locaux en matière de retraite. Plusieurs de ces demandes ont été entendues par les parlementaires.
On parle ici notamment de la situation des maires continuant d’exercer leur profession mais ayant choisi de passer à temps partiel pour se consacrer davantage à leur mandat. Jusqu’à présent, il était impossible, pour les élus dans cette situation, de cotiser pour la vieillesse sur leurs indemnités de fonction dès lors que celles-ci sont inférieures à 1833 euros par mois, soit la moitié du plafond de la Sécurité sociale. Résultat : des élus ayant fait le choix de conserver une activité professionnelle à temps partiel, souvent dans l’objectif de ne pas se couper du monde professionnel, se retrouvaient très fortement pénalisés au moment de prendre leur retraite.
L’article 23 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale a changé la donne : désormais, les indemnités de fonction des élus ne remplissant pas les conditions requises « peuvent, sur demande des élus concernés, être assujetties aux cotisations [de Sécurité sociale] ». Un décret paru le 31 août au Journal officiel est venu préciser ces nouvelles règles : il revient à l’élu de faire la demande d’assujettissement de ses indemnités de fonction aux cotisations sociales auprès de sa collectivité, « par tout moyen conférant date certaine à sa réception ». Dès lors, les cotisations devront être versées à compter du premier jour du mois suivant la demande.
Le décret précise que les élus qui ont fait une telle demande peuvent y renoncer « à tout moment » pendant la durée de leur mandat.
Rachat de trimestres
Les dispositions relatives à l’assujettissement volontaire aux cotisations sociales ont pris effet le 1er septembre et seront valables « pour la durée du mandat restant à courir ». Elles vont donc résoudre le problème à l’avenir, mais ne règlent pas la situation des élus qui, dans les années passées, ont lourdement perdu sur le montant de leurs futures pensions de retraite. C’est pourquoi une deuxième disposition, toujours à la demande de l’AMF, a été adoptée par le législateur : elle rend possible le rachat de trimestres au titre de périodes d’exercice d’un mandat local, ce qui pourra être intéressant en particulier pour les élus qui exerçaient déjà leur fonction avant 2013.
En effet, ce n’est que depuis 2013 que les indemnités des élus n’ayant pas interrompu leur activité professionnelle pour se consacrer au mandat et dépassant la moitié du plafond de la Sécurité sociale sont assujetties aux cotisations sociales. Auparavant, ce n’était pas le cas, ce qui signifie qu’un maire élu, par exemple, en 2001, et ayant gardé un emploi à temps partiel, se retrouvait avec un considérable « trou de cotisations » entre 2001 et 2013, son activité professionnelle exercée à temps partiel n’ayant pas permis de valider quatre trimestres par an. Seule solution pour ces élus : pouvoir racheter des trimestres, sur leurs deniers propres.
Jusqu’à présent, un tel rachat de trimestres n’était possible que pour les périodes d’études, par exemple. La réforme des retraites du printemps dernier a ajouté à la liste des cas rendant possible le rachat de trimestres « les périodes pendant lesquelles « l’assuré a été membre de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale » ou « délégué de ces collectivités territoriales membres d’un établissement public de coopération intercommunale ».
Cette possibilité de rachat est cependant limitée à 12 trimestres.
Le décret du 30 août précise les conditions dans lesquelles doit se faire la demande : elle sera faite auprès du régime des salariés agricoles ou au régime général, selon la caisse auprès de laquelle l’élu était affilié. S’il était affilié aux deux régimes, il peut faire la demande à l’organisme de son choix.
Des questions encore non résolues
Au moment de la parution du décret, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s’est félicité de ces évolutions : « L’engagement des élus locaux dans la vie démocratique ne doit plus fragiliser l’acquisition de droits à retraite et le bénéfice d’une meilleure pension. En corrigeant l’injustice qui prévalait jusqu’ici, cette mesure valorise l’engagement de chaque élu de nos territoires et marque notre reconnaissance à leur égard. »
Ces mesures sont en effet bienvenues, mais on ne peut que regretter que d’autres propositions de l’AMF n’aient, elles, pas rencontré le même succès. C’est en particulier le cas de la demande « d’indépendance » du régime « Ircantec élu ». Rappelons qu’aujourd’hui, pour certains régimes spéciaux comme celui des avocats, le fait de continuer à cotiser au régime des élus (Ircantec) rend impossible de liquider sa retraite professionnelle. De même, la Carsat refuse à certains élus le bénéfice du minimum contributif au motif qu’ils cotisent à l’Ircantec. Rappelons que, avant que l’AMF obtienne une modification du dispositif ), l’interférence de l’Ircantec empêchait aussi les agriculteurs retraités, élus en fonction, de percevoir un complément de retraite.
Plutôt que de régler le problème cas par cas, il paraîtrait nettement plus simple de le résoudre une fois pour toutes, en décidant que le régime « Ircantec élu » est indépendant et ne peut en aucun cas interférer avec les autres régimes de retraite professionnelle. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Autre demande de l’AMF qui serait pourtant très en phase avec la volonté du ministre de «valoriser l’engagement de chaque élu » et de leur « marquer la reconnaissance » du gouvernement : la bonification des trimestres des élus locaux. Une telle bonification a été accordée, dans le cadre de la réforme des retraites, aux pompiers volontaires (trois trimestres pour dix ans d’ancienneté, puis un trimestre supplémentaire tous les cinq ans). L’AMF n’a pas obtenu, pour l’instant, une telle disposition pour les élus locaux.
Notons enfin que la réforme des retraites ne concerne pas seulement les élus mais également les agents de la fonction publique. Maire info reviendra, dans ses prochaines éditions, sur les mesures qui concernent ceux-ci, en particulier la retraite progressive, actée par un décret paru cet été.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 4 septembre 2023