Dans quel cas la responsabilité de l’État peut être engagée lorsque des violences urbaines conduisent à la dégradation de biens publics, lorsque ceux-ci appartiennent aux collectivités ? On se souvient que ce débat a déjà eu lieu après les violentes manifestations des Gilets jaunes, certaines villes ayant présenté à l’État la facture des travaux de nettoyage et de remise en état, arguant du fait que le maintien de l’ordre est de son ressort.
Dans une instruction du 7 juillet, que Maire info a pu consulter, les ministres Christophe Béchu et Dominique Faure donnent des éléments précis aux préfets sur ce sujet.
Responsabilité de l’État
Les ministres demandent d’abord aux préfets de mettre en place le plus vite possible « un accompagnement dédié des élus ». Il leur est demandé de convoquer rapidement « une réunion de suivi avec les associations d’élus, les maires et les présidents d’EPCI concernés » . Comme cela a été indiqué dès la semaine dernière, les préfets devront mettre en place « un guichet unique » mobilisant « tous les services de l’État » et permettant aux élus d’accéder à toutes les informations utiles.
Concernant la responsabilité de l’État, les auteurs de l’instruction rappelle qu’elle est engagée (régime de « responsabilité sans faute » ) lorsque sont commis des crimes et délits « à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ». Deux cas sont cependant à distinguer : si une manifestation « dégénère de façon spontanée » et que des dommages sont commis, la responsabilité de l’État est bien engagée. En revanche, lors d’un « rassemblement prémédité et opportuniste de personnes sans lien avec une manifestation revendicative, dans le seul but de commettre des actions de saccage ou de pillage » , la responsabilité de l’État ne s’applique pas. C’est donc « le lien avec une manifestation » qui est déterminant, et les préfets sont appelés à faire diligenter des appréciations précises pour déterminer dans quel cadre les dégradations ont été commises, afin de savoir si la responsabilité de l’État est engagée ou non.
En résumé, les ministres estiment, sous réserve, que les dégradations commises le 27 juin, juste après la mort de Nahel, peuvent être prises en charge au titre de la responsabilité de l’État, mais pas celles commises les jours suivants : « Les pillages perpétrés en dehors de toute manifestation, ne présentent plus de lien avec des manifestations ou rassemblements mais présentent le caractère d’actions préméditées, n’ouvrant donc pas droit à indemnisation » .
Assureurs et reste à charge
Les auteurs de l’instruction demandent aux préfets de renvoyer d’abord les collectivités « vers leur assureur », qui devront couvrir les dégâts « même si la responsabilité de l’État est engagée » . Charge, ensuite, aux assureurs de se tourner vers l’État, le cas échéant, pour être remboursés, « dans le cadre d’un recours subrogatoire ».
Ils précisent aussi que « compte tenu des fortes différences pouvant exister entre les contrats d’assurance des collectivités », il faut encourager celles-ci à faire le point « bien par bien » avec leur assureur, quitte à les réunir pour « faciliter la discussion ». Les contrats peuvent en effet couvrir, ou non, les bâtiments, le mobilier urbain, l’éclairage public, et les mécanismes de franchise peuvent différer.
Une fois les indemnités des assureurs perçues par les collectivités, celles-ci pourront avoir un reste à charge plus ou moins important. Ce reste à charge « peut faire l’objet d’un accompagnement » par l’État. Les ministres annoncent qu’un « fonds dédié » va être créé, auquel seront éligibles les communes, EPCI, départements et régions, et qui prendra la forme de « subventions pour la réalisation d’investissements » , à la main des préfets.
Seules les dépenses de réparation des dégâts seront éligibles (hors sécurisation et caméras de vidéoprotection, qui seront financées par le FIPD). L’assiette de la subvention sera égale au montant hors taxe des travaux de réparation, net des primes d’assurances. Comme l’a demandé l’AMF, le gouvernement va prendre des mesures législatives pour déroger à la règle des 20 % minimum de participation des collectivités, et semble donc prêt à aller au moins jusqu’à 90 % de subvention.
Les collectivités auront jusqu’au 30 septembre 2023 pour déposer une demande de subvention. Si le bien n’est pas assuré, l’État prendra en charge le coût des travaux. Si le bien est assuré et que la collectivité connaît le montant de son indemnité, l’État payera le reste à charge. Enfin, si la collectivité ne connaît pas encore le montant de l’indemnité versée par l’assureur, l’État versera une subvention « égale au total des dégâts subis » . Charge ensuite, pour la collectivité, de reverser à l’État l’équivalent de ce que l’assureur lui a versé.
Les ministres rappellent enfin que des dispositifs de droit commun (FIPD, DETR, Dsil, DPV et DSID) « peuvent contribuer à subventionner les projets d’investissement » .
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 11 juillet 2023