Élisabeth Borne l’avait évoqué, le samedi 14 janvier, sur France inter. Puis, des informations avaient « fuité » dans la presse, histoire de préparer les esprits, avant que la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, confirme à demi-mot l’information à Maire info et Maires de France : « Nous étudions la possibilité que cette réforme s’accompagne d’une hausse modérée des cotisations retraite des employeurs territoriaux et hospitaliers ». La ministre précisait que cette évolution ferait « bien entendu » l’objet « d’échanges avec les associations d’élus ».
Mais d’échanges, il n’y a pas eu de traces : la décision a été prise et elle figure noir sur blanc dans le projet de loi.
+ 1 % en 2024
Le gouvernement a rendu publics, hier, non seulement le projet de loi lui-même, mais également un « rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites ». Ce rapport tient apparemment lieu d’étude d’impact pour le projet de loi.
En page 96 de ce rapport, on peut lire que la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) « est le régime dont la situation financière est la plus dégradée, même après réforme ». Le gouvernement estime donc qu’une « mesure ciblée est nécessaire pour améliorer le solde de ce régime ». Cette mesure consistera à augmenter le taux de cotisation employeurs publics de la CNRACL d’un point « en 2024 ». Le « rendement » de cette mesure – c’est-à-dire le coût pour les employeurs publics – est estimé par le gouvernement à 600 millions d’euros par an de 2024 à 2028, puis à 700 millions d’euros par an à partir de 2028.
Ce rendement inclut les cotisations des employeurs territoriaux et hospitaliers. Pour la territoriale, cela représenterait autour de 460 millions d’euros par an.
Il est à noter que seuls les employeurs publics (et encore, pas l’État lui-même) auront à contribuer financièrement à la réforme. En effet, si le gouvernement a acté une augmentation des taux de cotisation retraite des employeurs privés (+ 0,12 %), celle-ci sera intégralement compensée par une baisse équivalente du taux de cotisation accidents du travail/maladies professionnelles. Cette compensation est justifiée par la volonté gouvernementale de « ne pas augmenter le coût du travail ». L’augmentation des cotisations sera donc indolore pour les employeurs privés.
Problèmes financiers, problèmes de confiance
Pour David Lisnard, président de l’AMF, interrogé ce matin par Maire info, cette annonce pose un certain nombre de problèmes dont, en premier lieu, « un problème financier évident ». « Le gouvernement a beau se vanter d’avoir augmenté la DGF de 320 millions d’euros, si l’on tient compte de l’inflation nous subissons en réalité, déjà, une ponction de 500 millions sur la DGF. Et voilà qu’on nous annonce une mesure qui va nous coûter plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaire, ce qui aura évidemment des incidences sur la capacité d’autofinancement des communes et intercommunalités, et donc sur nos investissements. »
Le maire de Cannes pointe aussi « un problème de confiance » : « Le gouvernement fait le contraire de ce qu’il nous avait dit. Nous avions alerté, en amont, sur le fait que la question des cotisations serait un point dur, et il nous avait clairement été dit qu’il n’y aurait pas de hausse. Le gouvernement dit qu’il va négocier ? Mais nous commençons à en avoir un peu assez qu’on nous parle de négociations après avoir été mis devant le fait accompli. »
David Lisnard note également que le gouvernement a souhaité faire en sorte que la réforme ne coûte rien aux employeurs privés, « pour des raisons de compétitivité et de coût du travail ». Mais «la hausse des cotisations pour les employeurs territoriaux en dit long sur la façon de penser de l’exécutif : quand il s’agit des services publics, il n’y a pas de ‘’coût du travail’’, par de ‘’performance’’ ou de ‘’compétitivité’’ ».
Déficit de la CNRACL
Reste la question du déficit de la CNRACL. Le gouvernement explique que son budget retrouvera « l’équilibre » grâce à cette augmentation des cotisations. Mais pourquoi son déficit se creuse-t-il ? Certes, comme dans toutes les autres branches de l’assurance vieillesse, l’argument démographique existe. Mais au-delà, une partie importante du déficit vient aussi du prélèvement effectué sur cette caisse pour compenser le déficit d’autres caisses, au nom d’un principe de solidarité que David Lisnard ne remet pas en cause. Mais poursuivre ces prélèvements et les compenser par une hausse des cotisations représente une forme de double peine. « C’est une injustice, et cela revient, une fois de plus, à transférer une charge supplémentaire aux collectivités locales. »
Et maintenant ? La question de cette hausse inattendue des cotisations sera certainement évoquée lors de la rencontre programmée dans une quinzaine de jours entre la Première ministre et le président de l’AMF, qui assure que l’AMF « se battra sur cette question ». Et le sujet sera forcément abordé lors de l’examen du texte au Parlement.
Reste que le gouvernement, qui ne cesse de parler de « confiance retrouvée » entre lui et les associations d’élus, a donné un sérieux coup de canif à cette confiance, en décidant au dernier moment et en contradiction avec ses engagements, de faire payer une partie de la réforme aux employeurs territoriaux.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 24 janvier 2023