Les violences urbaines qui se sont déroulées entre le 27 juin et le 5 juillet dernier, à la suite de la mort du jeune Nahel à Nanterre, ont conduit à de très lourdes dégradations dans les communes. Selon un bilan présenté hier en Conseil des ministres, 68 bâtiments ont été « entièrement détruits » , 450 l’ont été partiellement, plus de 2 000 ont été dégradés. Les communes ont payé un lourd tribut à ces violences, puisque, selon les assurances, sur les quelque 730 millions d’euros de dégâts provoqués par ces événements, 30 % concernent le patrimoine de collectivités.
Autorisations d’urbanisme
Depuis, l’heure est à la reconstruction. Dès les lendemains de ces émeutes, le gouvernement a fait voter une loi, promulguée le 25 juillet, « relative à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruit au cours de violences urbaines ». Cette loi autorisait notamment le gouvernement à prendre des ordonnances permettant, d’une part, de déroger à certaines règles d’urbanisme pour ces travaux, et, d’autre part, de déroger aux règles habituelles en matière de financement.
Ce sont deux des trois ordonnances prévues qui ont été présentées hier en Conseil des ministres et publiées ce matin, d’application immédiate. Elles sont parfaitement conformes à ce que le gouvernement avait annoncé en juillet.
La première ordonnance concerne les autorisations d’urbanisme. Elle dispose que la reconstruction ou la réfection d’un bâtiment dégradé pendant les émeutes est autorisée même si une disposition d’urbanisme, le PLU ou la carte communale s’y oppose. Des améliorations ou adaptations « limitées » sont possibles – par exemple pour rendre le bâtiment plus accessible qu’il l’était auparavant, ou plus performant sur le plan énergétique.
Deuxième dérogation importante : les travaux peuvent commencer « dès le dépôt de la demande ou de l’autorisation préalable ». La demande d’autorisation doit impérativement mentionner que le projet est soumis au régime dérogatoire prévu par l’ordonnance. Le maire doit afficher en mairie ou sur le site internet de la commune l’avis de dépôt de demande de permis ou la déclaration préalable. Sur ce point, l’AMF avait fait valoir principalement la nécessité pour l’autorité compétente en matière de délivrance du permis de construire de disposer de suffisamment d’éléments d’information préalables notamment en cas de modifications justifiées pour que ces premiers travaux puissent être engagés dans les meilleures conditions.
L’instruction de la demande sera fortement accélérée, puisque « le délai d’instruction de la demande de permis de construire, d’aménager ou de démolir est limité à un mois », et celui de la déclaration préalable, à 15 jours. Par ailleurs, toujours dans le but d’accélérer les choses, si une procédure de participation du public est nécessaire, elle pourra se faire par voie électronique ; et il sera possible « d’exempter le projet d’enquête publique ».
Toutes ces dispositions sont valables pour une durée de 18 mois, soit jusqu’en mars 2025.
Subventions et fonds de concours
La seconde ordonnance publiée ce matin est consacrée au financement de ces travaux. Elles répondent à une grande partie des demandes qui ont été faites notamment par l’AMF au lendemain des émeutes.
Première disposition : les dépenses engagées pour réparer ou reconstruire les bâtiments dégradés pendant les violences, si elles sont éligibles au FCTVA (Fonds de compensation de la TVA), verront le FCTVA versé l’année même d’exécution de la dépense. Normalement, ce versement a lieu l’année N+2.
Par ailleurs, l’ordonnance permet de déroger à la règle des 20 % d’autofinancement. Rappelons que le droit commun (article L1111-10 du CGCT) impose que les subventions versées à une collectivité pour la réalisation d’un investissement ne peuvent dépasser 80 % : autrement dit, la collectivité elle-même doit être capable d’apporter 20 % du coût d’investissement. Pour accélérer la réparation des dommages des émeutes, le gouvernement a accepté de faire sauter cette règle : les collectivités pourront donc, dans le cadre de cette ordonnance, bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux.
Enfin, les règles de cofinancement entre EPCI et communes sont également assouplies par l’article 3 de l’ordonnance. Dans le droit commun, les fonds de concours versés par les EPCI à leurs communes membres sont plafonnés : le montant du fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par la commune elle-même. L’ordonnance supprime, exceptionnellement, cette limite, précisant même que la part apportée par la commune « peut être nulle ».
Marchés publics
Le gouvernement s’est félicité, hier, en Conseil des ministres, du fait que « Deux mois seulement après les violences urbaines, toutes les mesures sont effectives pour faciliter et accélérer la reconstruction. » C’est bien le cas, puisque la loi du 25 juillet prévoyait trois ordonnances – les deux qui ont été publiées ce matin, ainsi qu’une troisième sur les marchés publics. Cette dernière a été publiée très rapidement, dès le 26 juillet dernier. Elle disposait, rappelons-le, que les travaux de réfection ou de reconstruction peuvent être négociés sans publicité mais avec une mise en concurrence préalable, si leur valeur est inférieure à 1,5 million d’euros hors taxe. « Ces dispositions sont également applicables aux lots dont le montant est inférieur à 1 000 000 d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. » Rappelons que l’AMF avait demandé que le plafond soit relevé à 3 millions d’euros, sans obtenir satisfaction.
Par ailleurs, l’ordonnance du 26 juillet permet, de façon dérogatoire, que les travaux concernés fassent l’objet d’un marché unique.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 14 septembre 2023