Si l’arrivée de la fibre a pu faire autant parler d’elle dans les communes c’est, malheureusement, parce que de nombreuses malfaçons ont pu être constatées par les citoyens et par les élus dans les raccordements.
De nombreux cas surréalistes ont été relevés : armoires détériorées, câbles qui traversent les rues, boîtiers posés sur une remorque, un parpaing ou directement au sol, trous béants dans les murs chez les clients, accidents de techniciens, déconnexions d’autres clients… L’Avicca constate ces incidents depuis maintenant plusieurs années.
L’association désigne comme responsable de ces couacs les sous-traitances en cascade (« mode STOC » ) pour les raccordements dans les territoires. Du côté des opérateurs, il n’est pas question de revoir le modèle de déploiement. En revanche, ils s’accordent à dire qu’il faut agir.
« Il faut devenir sévères vis-à-vis de la qualité délivrée par les opérateurs commerciaux, avait soutenu Lionel Recorbet, président de l’entreprise Xpfibre lors des États généraux des Rip à Deauville. Il ne faut pas remettre en question le mode STOC mais plutôt faire en sorte qu’il fonctionne ».
C’est pourquoi en septembre dernier, les acteurs de la filière ont signé un accord collectif avec plusieurs mesures qui vont se mettre en place pour améliorer en faveur de la qualité des réseaux. Les premières réponses concrètes pour remédier aux malfaçons commencent à voir le jour.
Grilles de compétences
Dans cet accord collectif, les opérateurs se sont engagés à déployer l’application e-interventionpour permettre la transmission de comptes rendus d’interventions et des plannings, améliorer la formation des intervenants et remettre en état les points de mutualisation identifiés par l’Arcep.
Pour ce qui est des échanges des plannings d’intervention, des comptes rendus d’intervention avec prises de photos et des analyses automatiques de ces photos, les actions ont déjà été mises en place. Même chose pour la remise en état des points de mutualisation : le mois dernier, l’Arcep indiquait qu’Altitude Infra s’était « engagé à remettre en état 70 points de mutualisation (PM) notamment dans l’Essonne et le Calvados soit 33 000 locaux, d’ici mars 2023, et XpFibre 900, principalement en Île-de-France et dans le Rhône, soit 400 000 locaux, d’ici fin 2024 ».
Lundi, par le biais d’un communiqué de presse, InfraNum a indiqué que le feu vert était donné pour franchir une autre étape : mieux contrôler la qualité des interventions. Concrètement il s’agit de la diffusion de « grilles de compétences, critères de qualité reconnus communément entre opérateurs d’infrastructure, opérateurs commerciaux et sous-traitants, qui devront désormais être respectés par tous les intervenants sur les réseaux, gages de qualité de leurs interventions et du respect des règles de sécurité ».
Une grille de compétence a donc été élaborée par les acteurs d’InfraNum, à destination des entreprises notamment, pour évaluer leurs politiques de sécurité et leur gestion de la sous-traitance. Une autre grille de compétences, plus longue encore, devra être remplie par le technicien qui sera interrogés sur ses formations, ses relations clients, ses connaissances et capacités techniques.
« Ces référentiels de compétences seront intégrés et appliqués dès fin avril 2023 par les entreprises concernées qui exigeront leur respect par leurs techniciens ; des audits seront réalisés tout au long de l’année afin de permettre un bilan de l’efficacité de ce dispositif fin 2023 » , est-il indiqué dans le communiqué.
Cependant, il faut noter que l’attention est exclusivement portée sur les « raccordeurs D3 » c’est-à-dire sur les techniciens fibre optique qui interviennent uniquement pour l’installation chez le client. Cela exclut donc de fait les techniciens chargés de déployer la fibre dans les communes du déploiement extérieur jusqu’au point de mutualisation (D1) et du point de mutualisation jusqu’au point de branchement (D2). Les plannings d’intervention et les comptes rendus photos sont là pour éviter des dégradations qui ont pu être constatées à ces deux niveaux d’interventions, mais cela va-t-il être suffisant ?
« Passeport Fibre »
Hier, l’opérateur d’infrastructure Axione a lancé un « Passeport Fibre » dans la continuité des travaux menés par la filière au sein d’InfraNum. « Le Passeport fibre est une initiative que la fédération soutient et dont elle se réjouit car elle s’inscrit dans la continuité de ses travaux menés depuis plusieurs mois, peut-on lire dans un communiqué diffusé par InfraNum. Elle démontre la capacité de la filière à mener des actions de terrain pour améliorer les conditions de raccordements des abonnés à la fibre ».
Ce Passeport Fibre va fonctionner comme un label qui sera délivré « à l’ensemble des sociétés de raccordement et à leurs techniciens sous la forme d’une carte officielle ». Les critères d’obtention de cette carte sont les suivants : respect des règles de sécurité ; attention portée à la relation client ; qualité des interventions chez le client ; mise en pratique des règles d’ingénierie ; qualité des travaux optiques et connaissance des outils informatiques.
Le Passeport Fibre « devra être porté en permanence par les techniciens certifiés lors des interventions. Pour tout manquement constaté, le technicien devra effectuer une remise à niveau adaptée et formalisée afin de récupérer son passeport. Le but est d’assurer et de contrôler le bon niveau de compétences des techniciens par rapport aux standards définis par l’ensemble de la profession (opérateurs, intégrateurs et sous-traitants). »
À ces mesures de certification de compétences des entreprises et techniciens vient s’ajouter la création d’un autre label à destination des entreprises d’audit des réseaux. Baptisé AQPF pour Audit qualité pérennité fibre, ce dernier a été lancé par Innovance, le Cercle CREDO et l’Avicca et « concerne les entreprises qui auditent l’infrastructure des réseaux FTTH, au stade de la construction, de la vie du réseau et de la maintenance. »
S’il n’est pas possible encore de savoir si ces initiatives permettront de répondre aux problèmes rencontrés dans le déploiement et la maintenance des réseaux en fibre optique, force est de constater que, du contrôle à l’exécution technique, les acteurs de la filière s’engagent pour éradiquer les malfaçons.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 5 avril 2023