Dès l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’État, le 9 juin au soir, les demandes de procuration se sont multipliées : plus de 60 000 étaient déjà enregistrées, selon le ministère de l’Intérieur, dès le début de la semaine dernière, soit plus du double du nombre enregistré trois semaines avant les élections législatives de 2022. Dans tous les départements, des commissariats se disent « pris d’assaut » par des demandeurs, au point que par exemple, la mairie de Bordeaux va mettre en place un « commissariat mobile » dans un bus pour désengorger l’hôtel de police. À Mende, où le commissariat est ouvert 24 heures sur 24, des personnes viennent demander une procuration en pleine nuit. À Laval, le commissariat communique pour demander aux personnes de privilégier la procuration en ligne… Idem dans le Bas-Rhin, où la police nationale, sur son compte twitter, indique que ses services « font face à une forte affluence en raison des votes par procuration » et « invite vivement » les électeurs à « utiliser la procédure en ligne ».
Date tardive
Deux raisons expliquent cet engouement pour la procuration. D’abord, une forme de dramatisation inhabituelle des enjeux du scrutin, rappelant le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002 – lors duquel, de la même manière, le nombre de demandes de procuration avait explosé. Et, d’autre part, la date très tardive du scrutin, le deuxième tour ayant lieu début juillet, à une date où un bon nombre d’électeurs seront partis en vacances.
Il paraît donc probable que le nombre d’électeurs votant par procuration dépassera largement celui des élections législatives de 2022 (environ un million).
Trois méthodes
Il faut rappeler qu’il existe désormais trois manières différentes d’obtenir une procuration : le formulaire papier, la démarche « semi-dématérialisée », et une démarche entièrement dématérialisée, mais loin d’être accessible à tout le monde.
La démarche classique suppose d’utiliser le formulaire Cerfa 14952*03. Attention, il est nécessaire pour remplir ce formulaire de connaître son numéro national d’électeur ainsi que celui de la personne à qui l’on souhaite confier la procuration. Ce numéro figure sur les cartes électorales ou en consultant le site internet dédié du ministère de l’Intérieur. Une fois rempli, ce formulaire doit être apporté dans un commissariat de police, une antenne de gendarmerie ou un tribunal judiciaire.
Deuxième possibilité (la plus fréquemment utilisée désormais) : la démarche semi-dématérialisée via le site maprocuration.gouv.fr. Pourquoi semi-dématérialisée ? Parce qu’une partie de la démarche se fait en ligne et une partie de façon physique. Dans ce cas, l’électeur (toujours muni de son numéro national d’électeur et de celui de son mandataire) effectue la demande de procuration en ligne. Puis il se rend dans un commissariat ou une gendarmerie, muni de ses papiers d’identité, afin de faire vérifier celle-ci. Si tout va bien, l’agent valide la demande sur un portail spécifique et à partir de ce moment, le reste de la procédure est automatisé : la demande est transmise au REU (répertoire électoral unique), qui se charge de faire les vérifications nécessaires, transmet la demande à la commune d’inscription du mandant et met à jour la liste électorale de cette commune en conséquence.
Reste enfin la procédure totalement dématérialisée, utilisée pour la première fois lors des élections européennes et reconduite pour ce scrutin. Cette procédure s’appuie sur le dispositif France identité. Une personne ayant fait certifier son identité via ce dispositif (ce qui suppose un passage en mairie, une fois pour toutes) peut effectuer sa demande de procuration à 100 % en ligne.
Mais ce dispositif, pour pratique qu’il soit, n’est pas accessible à tout le monde. Il n’est ouvert, d’une part, qu’aux possesseurs d’une carte d’identité de nouvelle génération, dotée d’une puce NFC. Et, d’autre part, il faut pouvoir accéder à une mairie susceptible de procéder à la vérification d’identité, ce qui n’est le cas que de quelques centaines à l’heure actuelle.
Prudence sur les « sites de rencontres démocratiques »
Depuis la semaine dernière, un certain nombre de sites internet ont fleuri pour proposer de mettre en relation des électeurs, un peu sur le modèle des sites de rencontres (l’un d’eux assume clairement cette proximité en se définissant comme « site de rencontres démocratiques » ). L’idée étant de s’inscrire sur le site comme « mandataire volontaire », les gestionnaires du site se chargeant de mettre ces mandataires en relation avec des demandeurs de procuration.
On ne peut que conseiller une certaine prudence vis-à-vis de cette démarche, dans la mesure où la personne à qui l’on a donné procuration, une fois dans le secret de l’isoloir, fait ce qu’elle veut. Rien n’empêche donc des personnes peu scrupuleuses de se porter volontaires sur l’un de ces sites, de récupérer une procuration et de voter à la place du mandant … pas forcément selon les souhaits de celui-ci.
Il paraît donc plus sûr de ne donner procuration qu’à une personne de confiance, plutôt qu’à un illustre inconnu.
Signalons enfin que, contrairement à ce qui avait été mis en place – sans que cela pose le moindre problème – pendant le covid-19, il n’est aujourd’hui pas possible de porter deux procurations pour deux électeurs inscrits en France. Il n’est autorisé, au maximum, qu’une procuration pour un mandant inscrit en France et un habitant à l’étranger.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 17 juin 2024