Les députés ont adopté, vendredi, en première lecture, l’article 5 du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 qui autorise la mise en place, au 1er janvier 2021, du mécanisme de compensation de la taxe d’habitation pour les résidences principales, qui sera totalement supprimée en 2023.
« Nombreuses questions irrésolues »
Adoptée à 34 voix « pour » et 20 « contre », cette réforme de la fiscalité locale – qui prévoit l’affectation aux communes de la part départementale de la TFPB, et celle d’une fraction de TVA aux départements et aux EPCI – a été une nouvelle fois décriée par les diverses oppositions à l’Assemblée qui l’ont jugé « très mal préparée », « injuste » ou encore « lourde de conséquences » pour l’autonomie des collectivités en matière financière.
Cette réforme « va provoquer une rupture grave du lien entre le citoyen et sa commune » puisqu’elle va conduire à « nationaliser la taxe d’habitation », a redit la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune (Socialistes et apparentés), confortée par le député de la Marne Charles de Courson (Libertés et territoires) qui a également regretté que celle-ci « soulage les plus aisés de toute taxe d’habitation alors qu’ils pouvaient parfaitement s’en acquitter [mais] pas les plus modestes, puisqu’eux ne la payaient pas ».
Les députés ont également pointé les conséquences néfastes et les « nombreuses questions restant irrésolues », notamment celle de la compensation à « l’euro près » promise par le gouvernement : le gel des taux 2017 pour le calcul de la compensation, celui des taux ou montants d’abattements de taxe d’habitation au titre de 2020 à leur niveau de 2019 ou encore « l’impact » sur les taux de la taxe spéciale d’équipement (TSE) et de la taxe Gemapi… « S’ajoutent aussi le gel de la surtaxe sur les résidences secondaires, le gel des effets des délibérations prises par les communes ou les EPCI pour appliquer la taxe d’habitation sur les logements vacants à compter des impositions dues au titre des années 2020, 2021 ou 2022. Ces délibérations s’appliqueront à compter des impositions dues au titre de l’année 2023 », détaille ce matin l’AMF.
Critiquant les élus qui « dramatisent », le président de la Délégation aux collectivités territoriales, Jean-René Cazeneuve (LaREM), a soutenu que l’article 5 du projet de budget « assure aux 35 000 communes, sans exception, la même autonomie financière et fiscale qu’auparavant ». « Elles disposeront de la même liberté dans la fixation du taux, l’assiette fiscale sera identique, la dynamique des bases sera conservée, elles pourront décider d’exonérations », a-t-il détaillé.
De son côté, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, a rappelé qu’il ne souhaitait pas que la suppression de la taxe d’habitation modifie « de manière artificielle » des potentiels fiscaux : « Nous disposerons d’une année, soit pour en modifier le calcul, soit pour neutraliser l’impact de la suppression de la taxe d’habitation. Cela prémunira les communes contre des évolutions inattendues de leurs dotations, notamment en matière de péréquation ». Il a également indiqué que le montant de la taxe Gemapi sera « répartie sur la taxe foncière, la taxe sur les résidences secondaires et la CFE » et que les taxes additionnelles pour le financement des établissements publics fonciers locaux « seront compensées par la dotation de l’État ».
Départements : une fraction de TVA de 250 millions d’euros supplémentaires
Réuni en congrès, en fin de semaine dernière, l’Assemblée des départements de France a jugé « que le compte n’y est pas » concernant le mécanisme de compensation des départements. Les présidents de départements de l’association ont ainsi décidé de déserter la salle dans laquelle Jacqueline Gourault a prononcé son discours sur cette réforme (lire article ci-dessous).
C’est dans ce contexte que le gouvernement a fait adopter un amendement de dernière minute accordant une fraction de TVA supplémentaire d’un montant de 250 millions d’euros aux départements à compter de 2021 afin de « renforcer » les territoires « les plus fragiles », et qui viendra compléter les 15 milliards d’euros destinés à compenser la perte de taxe foncière transférée aux communes.
Cette fraction de 250 millions d’euros sera « annuellement indexée sur la dynamique de la TVA » et sera répartie en deux parts : 115 millions remplaceront le fonds de stabilisation à destination des départements, la deuxième part abondant un fonds de sauvegarde des départements qui sera utilisée « en cas de dégradation sensible de leur situation financière ». Les critères de répartition doivent, toutefois, être définis lors de la discussion de la seconde partie du PLF.
Revalorisation des valeurs locatives à 0,9 %
Comme attendu, les députés ont confirmé la décision de la commission des finances de supprimer le gel des valeurs locatives pour 2020 et ainsi de les revaloriser de 0,9 %, soit un gain estimé de 250 millions d’euros pour les collectivités (mais un taux inférieur à ce qui s’est fait ces dernières années). Le dernier indice des prix à la consommation (IPC) connu a bien été retenu alors que certains députés avaient demandé une revalorisation de 1,1 %, calée sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (lire Maire info du 10 octobre), tel que défini depuis la loi de finances pour 2017.
Plus surprenant, l’Assemblée a rejeté un amendement de Christine Pires Beaune – qui avait, pourtant, convaincu la commission de son utilité (lire Maire info du 14 octobre) – visant à aligner la fiscalité applicable en zone tendue entre les logements vacants et les résidences secondaires (en créant un taux additionnel à la taxe sur les logements vacants dont le produit serait affecté aux communes), face au « risque d’optimisation fiscale locale ». « Les comportements d’optimisation évoqués ne nous paraissent pas démontrés à ce stade », a argué Olivier Dussopt qui a rappelé que « la loi de finances pour 2013 a déjà renforcé la taxe sur les logements vacants, en en augmentant les taux. Il nous semble que son impact est devenu suffisant pour sensibiliser les propriétaires de logements vacants situés en zone tendue à l’impact socio-économique de la rétention de logements ».
Par ailleurs, les députés ont validé la possibilité d’introduire « davantage de souplesse concernant le taux de limitation de l’exonération pour les communes, en le portant à 40 % au minimum » ainsi que la réalisation en 2020 d’un « travail visant à la réforme des différents indicateurs financiers utilisés pour l’éligibilité et le calcul des dotations de péréquation verticales et des dispositifs de péréquation horizontales » (potentiels fiscaux et financiers, effort fiscal, coefficient d’intégration fiscale). Ce dernier amendement est moins défavorable que dans le texte initiale qui prévoyait une exonération forfaitaire et imposée aux communes de 50% dans la cas où le département l’appliquait.
L’AMF rappelle, ce matin que « ces mesures d’assouplissement ne permettent cependant pas d’éviter un baisse du produit fiscal pour les collectivités ». Tandis que « la question de l’évolution de participation de l’État à l’équilibre du dispositif (900 millions d’euros) reste sans réponse ».
SOURCE : MAIREinfo – Edition du lundi 21 octobre 2019