Un pass sanitaire pour accéder « aux lieux où se brassent les foules ». C’était l’une des annonces, inattendue, faite par Emmanuel Macron dans son interview à la presse régionale, le 29 avril. Avec quelques détails : pas question que ce pass, qui indiquerait que la personne est vaccinée ou a subi un test négatif dans les 48 heures, puisse réglementer l’accès aux « lieux de la vie de tous les jours », tels que les restaurants ou les cinémas. Il serait réservé à l’accès des grands événements – festivals, foires, salons professionnels, etc.
Les intentions du gouvernement
Un amendement déposé en dernière minute au projet de loi de sortie de crise, dont l’examen a commencé hier en commission des lois à l’Assemblée nationale, donne des indications sur ce que le gouvernement souhaite mettre en place, et qui serait donc intégré à la loi, pour une application « dès le début du mois de juin ». L’amendement dispose qu’il serait possible, dans la période transitoire (qui va durer jusqu’au 31 octobre), de « subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels » à la présentation de ce pass, qui attesterait de trois possibilités : être vacciné, avoir subi un test négatif, ou pouvoir attester du rétablissement à la suite d’une contamination par le virus.
Dans l’exposé des motifs de son amendement, le gouvernement précise qu’il envisage de retenir pour le seuil des événements rassemblant plus de 1000 personnes.
L’amendement a été aussitôt adopté par la commission des lois, qui a ajouté un sous-amendement garantissant que le pass ne pouvait être exigé pour l’accès à d’autres lieux ou événements que ceux visés par l’amendement gouvernemental.
Le Conseil scientifique favorable
Le Conseil scientifique a rendu, le 3 mai, un avis sur cette question, qui a été, une fois n’est pas coutume, publié immédiatement. Le Conseil scientifique rappelle qu’il ne se prononce pas sur les aspects « techniques, pratiques ou éthiques », mais uniquement sur l’impact possible d’une telle mesure sur l’évolution de l’épidémie.
Il rappelle que début juin, on peut tabler sur un chiffre de 25 à 30 millions de personnes qui auront reçu une première dose de vaccin en France, mais avec une double « disparité » : régionale d’abord – le taux de vaccination oscille de 10 à 40 % selon les régions ; générationnelle, ensuite : le vaccin a été essentiellement administré aux personnes les plus âgées. Si l’épidémie semble maintenant nettement en phase de décrue, le Conseil rappelle que le contexte reste « incertain » pour l’été, notamment à cause de l’émergence des nouveaux variants.
Dans ce contexte, il apparaît « prioritaire de reprendre une vie la plus normale possible » tout en conservant des mesures de précaution efficaces. Il apparaît aux experts que le pass sanitaire « permet d’envisager de reprendre (…) des activités rassemblant un nombre élevé de personnes ».
Le Conseil considère donc « réaliste et opportun » de conditionner l’accès des grands événements à la présentation de ce pass, et cite, en exemple, les parcs de loisirs, les concerts, les compétitions sportives, les salons professionnels.
Il précise par ailleurs que le pass ne rend pas le risque sanitaire « nul » : une personne qui dispose d’un test négatif effectué 48 h avant « pourrait quand même être contagieuse au moment de l’événement ». L’utilisation du pass ne permettrait donc pas « de se dispenser du port du masque » ni de la ventilation des lieux clos. Dans le cas d’événements où de la nourriture ou des boissons seraient proposées, il conviendrait de faire respecter strictement les règles de distanciation.
Les autotests non retenus
Le Conseil revient aussi sur les attestations qui seraient portées sur ce pass. Pour le certificat de vaccination, il préconise que ne soit recevable que la double vaccination, et que le certificat ne prenne effet que « deux semaines après la deuxième injection », sauf dans le cas du vaccin Johnson & Johnson, qui n’en nécessite qu’une seule. Pour l’immunité, il table sur une infection au covid-19 datant « de moins de six mois ». Pour la réalisation du test, enfin, il estime que les autotests « ne peuvent être retenus pour l’instant comme preuve pour le pass sanitaire », du fait de leur « moindre sensibilité ».
Sur la question du support, enfin, le Conseil scientifique recommande l’usage du numérique, qui permet selon lui une meilleure protection des données personnelles de la personne qui présente le pass : « L’utilisation et la communication du format papier à un tiers ne permet pas de masquer des données personnelles et médicales, que le contrôleur du pass sanitaire n’a pas à connaître. » Néanmoins, il reconnaît que l’utilisation du papier pourrait permettre de mieux inclure dans le dispositif les personnes « les plus éloignées du numérique ».
Cette question du pass sanitaire sera discutée en séance publique à l’Assemblée nationale dès le début des débats, lundi 10 mai, puisqu’elle figure à présent à l’article 1er du projet de loi sur la sortie de crise.
Télécharger l’avis du Conseil scientifique.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 5 mai 2021