« Faire bloc contre les atteintes à la laïcité. » Dès le 28 août, lors de sa conférence de presse de rentrée, Gabriel Attal a confirmé la décision annoncée quelques jours plus tôt : « L’abaya n’a pas sa place dans nos écoles », pas plus, du reste, que les « qamis ». Ces robes longues, portées respectivement par les femmes et par les hommes, seront donc désormais interdites dans les établissements scolaires au titre de la loi du 15 mars 2004 proscrivant le port « de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » (article L 141-5-1 du Code de l’éducation).
Le gouvernement justifie cette décision, d’une part, par une « recrudescence » du port de ces tenues par certains élèves, qui, aux dires de Gabriel Attal, « testent la République » ; et, d’autre part, par la volonté d’édicter une règle claire afin de ne pas laisser professeurs et chefs d’établissements « seuls face à la décision ».
Dialogue et sanctions
C’est ce qu’il explique dans la circulaire qu’il a adressée, le 31 août, à tous les chefs et directeurs d’établissements : « Le principe de laïcité, qui garantit la neutralité de l’institution scolaire et protège l’élève de tout comportement prosélyte, constitue un principe cardinal, protecteur de la liberté de conscience. Son plein respect dans les écoles et les établissements scolaires doit être assuré. Dans certains établissements, la montée en puissance du port de tenues de type abaya ou qamis a fait naître un grand nombre de questions sur la conduite à tenir. Ces questionnements appellent une réponse claire et unifiée de l’institution scolaire sur l’ensemble du territoire. »
Le ministre a donc déterminé une conduite à tenir et exige des chefs d’établissement qu’ils la respecte, « avec le soutien indéfectible des autorités académiques », assure-t-il.
Dans un premier temps, si un ou une élève se présente avec une tenue prohibée, une phase de « dialogue » doit être engagée, dialogue qui toutefois « ne saurait être une négociation, sous quelque forme que ce soit ». Si cette situation se présente dans le premier degré, ce dialogue doit s’engager sous la responsabilité du directeur d’école. Les équipes académiques dites « EAVR » (équipes académiques valeurs de la République), les formateurs laïcité et les inspecteurs pédagogiques régionaux Établissements et vie scolaire (IPR-EVS) pourront être mobilisés lors de cette phase de dialogue.
Deuxième étape, en cas d’échec : « un échange approfondi avec les parents » devra être engagé. Ces deux premières étapes doivent être conduites « dans un temps resserré ».
Si le problème persiste, le chef d’établissement devra « systématiquement » engager des mesures disciplinaires à l’encontre de l’élève. Pour le permettre, le gouvernement a publié le 16 août un décret qui oblige le chef d’établissement à prendre une mesure disciplinaire dès lors que « l’élève commet un acte portant une atteinte grave aux principes de la République, notamment au principe de laïcité ». Pour Gabriel Attal, le fait de s’obstiner à porter une abaya ou un qami « entre pleinement dans cette catégorie et doit donc être sanctionné disciplinairement ».
Le même décret dispose en outre que le Dasen (directeur académique des services de l’Éducation nationale) peut désormais se substituer aux chefs d’établissement pour engager des mesures disciplinaires, à la demande de ceux-ci.
Formation
Au-delà cette décision, Gabriel Attal demande un « renforcement des actions en faveur de la laïcité » tout au long de cette nouvelle année scolaire. En premier lieu, la formation des personnels, et en particulier des chefs et directeurs d’établissement et des inspecteurs de l’Éducation nationale, va être renforcée, sur les questions de laïcité et de respect des valeurs de la République. Quant aux professeurs, « 100 % d’entre eux » devront être formés « d’ici 2025 ».
Il est désormais exigé de chaque enseignant ou personnel de l’Éducation nationale confronté à un problème d’atteinte à la laïcité qu’il le fasse remonter, sous la forme d’un signalement.
Enfin, un « plan d’action académique » va être mise en œuvre dès cette rentrée, pour «accompagner les équipes de direction des établissements ».
Harcèlement : les maires sollicités
Signalons enfin que le décret du 16 août fixe de nouvelles règles en matière de lutte contre le harcèlement, règles dans lesquelles les maires ont un rôle à jouer.
Lorsqu’un comportement « intentionnel et répété » d’un élève « fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé » d’un autre élève, l’équipe éducative peut, en premier lieu, décider d’une exclusion temporaire de l’élève pour une durée maximale de cinq jours.
Mais si, malgré cette sanction, le comportement du « harceleur » ne change pas, le Dasen, sur demande du directeur d’école, « peut demander au maire de procéder à la radiation de cet élève de l’école et à son inscription dans une autre école de la commune », ou de l’EPCI le cas échéant.
Si la commune ne compte qu’une seule école, cette radiation ne pourra intervenir que « si le maire d’une autre commune accepte de procéder à son inscription dans une école de cette commune ».
Ces nouvelles dispositions conduisent l’AMF à s’interroger sur les éventuelles conséquences financières pour les communes lorsque les mesures d’éviction d’un élève harceleur conduisent à un changement de la commune de scolarisation : en effet, l’accord du maire de la commune de résidence induit la prise en charge financière des frais de scolarité de l’élève.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 4 septembre 2023