Le dispositif a été présenté hier lors d’un « brief presse » en présence d’un certain nombre de conseillers des ministres de l’Économie et de la Transition écologique. Ceux-ci ont largement insisté sur les « simplifications » apportées au dispositif, après qu’il eut été répété bien des fois, ces dernières semaines, jusque sur les bancs du Sénat, qu’il fallait être « polytechnicien » (comme Élisabeth Borne) pour comprendre le système proposé.
Mais il faut reconnaître que la « simplification » annoncée est toute relative, comme l’a illustré hier la difficulté des conseillers ministériels à se faire comprendre de journalistes pourtant relativement spécialisés dans ces questions.
Un dispositif sans critère de taille pour les collectivités
Sur le fond, la philosophie générale du dispositif ne change pas : l’État va prendre en charge une partie de la facture d’électricité des entreprises et des collectivités territoriales, du moins pour celles qui subissent une hausse importante des prix. Comme l’a salué l’AMF, lors de son congrès, l’avantage du dispositif est qu’il est « universel » : toutes les collectivités (et EPCI, qu’ils soient à fiscalité propre ou pas) ont accès au dispositif, quelle que soit leur taille, leur nombre d’habitants ou d’agents, le montant de leurs recettes, etc. Une seule exception à cette règle : les groupements de collectivités qui ont « une activité concurrentielle » ne sont pas éligibles (par exemple un Epic, établissement public et commercial, ne pourra bénéficier de l’amortisseur).
Cela ne signifie pas que toutes les collectivités et groupements vont en bénéficier : pour y avoir droit, le seul critère est le prix payé pour l’électricité. Le gouvernement a fixé, dès le départ, une porte d’entrée sous forme de prix « plancher » en dessous duquel l’amortisseur n’est pas déclenché. Ce prix, initialement, avait été fixé à 325 €/MWh.
L’AMF a insisté auprès du gouvernement pour faire valoir que ce prix plancher était trop élevé, et priverait de nombreuses collectivités du bénéfice de l’amortisseur, alors même qu’elles subissent des hausses importantes (rappelons qu’il y a 18 mois, le prix moyen de l’électricité s’établissait autour de 50 €/MWh). Le gouvernement a entendu cette demande, et a décidé d’abaisser le plancher à 180 €/MWh.
Quelle assiette ?
Une autre modification a été apportée au dispositif, sur l’assiette cette fois. Jusqu’à présent, les calculs étaient établis, pour chaque entreprise ou collectivités, sur « la part énergie hors Arenh ». Désormais, là encore à des fins de simplification, le déclenchement de l’amortisseur se fera sur le prix annuel moyen de l’électricité « hors Turpe et hors taxe » (le Turpe, rappelons-le, représentant les frais d’acheminement de l’électricité). « C’est un indicateur qui est présent sur les factures et les devis des collectivités », a indiqué hier un conseiller de Bercy. Il suffit donc de regarder sur sa facture : si la ligne « part énergie hors Turpe et hors taxe » est supérieure à 180 €/MWh (ou 0,18 €/KWh), la collectivité peut bénéficier de l’amortisseur.
Combien ?
Reste à savoir combien l’État va prendre en charge. Car il faut rappeler que l’amortisseur prendra la forme d’une réduction directe de la facture, assumée par l’État (et remboursée par celui-ci par la suite aux fournisseurs). La seule démarche qu’il y aura à effectuer, pour les clients, sera de « confirmer à leur fournisseur qu’ils relèvent du statut de PME, de collectivité ou d’établissement public et qu’ils n’ont pas d’activité concurrentielle ».
À partir de là, si le prix moyen payé pour l’électricité dépasse les 180 €/MWh, l’État prendra en charge la moitié du prix dépassant les 180 € par MWh, avec toutefois une aide plafonnée à 160 €/MWh.
Quelques exemples. Si une collectivité paye son électricité 80 €/MWh, par exemple parce qu’elle bénéficie d’un prix bloqué depuis plusieurs années, elle ne bénéficiera pas de l’amortisseur.
Si elle paye 190 €/MWh, l’État prendra en charge la moitié de ce qui dépasse les 180 €/MWh, donc la moitié de 10 euros, soit 5 € pour chaque MWh consommé.
Si elle paye 280 €/MWh, elle dépasse de 100 euros le prix plancher, l’État en payera donc 50 par MWh… etc.
Le plafond d’aide est fixé à 160 € par MWh. Cela correspond à l’aide apportée pour un prix de 500 €/MWh (la différence entre 180 et 500 est de 320, la moitié prise en charge par l’État représente donc 160 euros).
Autrement dit, toutes les collectivités qui payent 500 €/MWh et plus toucheront au titre de l’amortisseur une aide maximale bloquée à 160 €/MWh.
Bercy estime que ces aides permettront aux collectivités de voir leur facture d’électricité baisser en moyenne de « 20 % ». Il reste à savoir ce qu’il en adviendra dans la réalité : Bercy a habitué les collectivités à des prévisions péchant par optimisme.
Les conseillers de Bercy ont indiqué hier qu’un « simulateur » allait être mis en place pour permettre aux collectivités d’estimer le montant de l’aide apportée par l’amortisseur.
Ils ont également précisé que, malgré l’abaissement du prix plancher, l’enveloppe totale dédiée à cet amortisseur reste la même (3 milliards d’euros). Ce qui pourrait s’expliquer par le fait que le dispositif ne s’adresse plus qu’aux seules petites et moyennes entreprises (moins de 250 salariés) et non à toutes les entreprises comme cela avait été annoncé initialement. On ne parle bien ici que des entreprises – il n’y a pas de plafond du nombre d’agents pour les collectivités.
Les autres dispositifs
Rappelons que cet amortisseur vient s’ajouter à d’autres mesures destinées à soutenir les collectivités face à l’inflation : une hausse (très modeste car très en-dessous de l’inflation) de la DGF, et le « filet de sécurité » pour celles dont l’épargne brute aura baissé fortement du fait de la hausse des prix. Le critère de baisse de l’épargne brute fait actuellement l’objet d’un débat, et sera acté dans le projet de loi de finances pour 2023.
Enfin, les petites collectivités (moins de 10 agents, moins de 2 millions d’euros de recettes et ayant un compteur électrique de moins de 36 kVA) restent éligibles aux tarifs réglementés sur l’électricité, et subiront donc, en janvier, une hausse des prix fixée à 15 %.
Si le dispositif est en effet partiellement simplifié, il n’en reste pas moins qu’il aurait été encore plus simple, comme le demande l’AMF depuis des mois, de décider que toutes les collectivités et leurs groupements ont droit aux tarifs réglementés. Cette demande se heurte, naturellement, à un problème de coût, mais aussi à la réglementation européenne.
On peut enfin s’étonner qu’aucun mécanisme similaire ne soit prévu pour le gaz, qui grève tout autant le budget des collectivités. Le mécanisme européen de régulation du prix du gaz, en négociations depuis plusieurs mois, reste toujours, à cette heure, dans les cartons.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 30 novembre 2022