Le ton a clairement changé. Dans un bref communiqué publié hier après-midi, l’AMF exige « des mesures immédiates » sur le coût de l’énergie : les coûts proposés aux collectivités dans les nouveaux contrats ne sont « plus tenables ni acceptables », écrit l’association, qui constate que « aucune mesure correspondant au mur financier auquel (les maires) sont confrontés n’est apportée pour l’instant ». Rappelant qu’elle alerte le gouvernement « depuis dix mois », l’AMF exige que le gouvernement « agisse » et demande qu’une réunion d’urgence soit organisée entre « l’État, les collectivités, les syndicats d’énergie et les autres opérateurs, notamment les fournisseurs ». « Le niveau d’alerte envoyé par les collectivités rend indispensable une réaction avec des effets immédiats », conclut l’association.
« Racket »
Ce changement de ton apparaît comme une réponse aux atermoiements du gouvernement dont les mesures proposées jusqu’à présent apparaissent à de nombreux maires comme un cataplasme sur une jambe de bois. Ils ne sont pas les seuls : hier, au Sénat, ce sont pas moins de quatre questions qui ont été posées à l’exécutif sur ce sujet, lors de la séance de questions au gouvernement. Et là encore avec un ton souvent vif. Pour Jean-Pierre Corbisez (Pas-de-Calais, RDSE), « les élus feront face à des choix cornéliens, entre augmenter les impôts et fermer des services – irons-nous jusqu’aux écoles ? (…) Les collectivités ont contribué à l’effort, il est temps de leur renvoyer l’ascenseur. (…) Quelles mesures d’urgence pour concrétiser la solidarité avec les communes dont s’enorgueillit régulièrement le président de la République ? ». Pour Céline Brulin (Seine-Maritime, CRCE), le gouvernement « ne mesure ni l’urgence ni l’ampleur de ce qui attend nos collectivités ». Les 430 millions d’euros d’aide votés en loi de finances rectificative (lire article ci-dessus) ne bénéficieront qu’à « moins de 8 000 communes », alors que les fournisseurs « pratiquent des tarifs dignes d’un racket ». « À quand le retour du tarif réglementé pour les collectivités territoriales ? », s’est exclamée la sénatrice, qui a rappelé que celui-ci ne s’appliquait pas au gaz pour les collectivités.
Des réponses… « bientôt »
Le gouvernement, dans ses réponses, est resté fidèle à sa ligne et a soigneusement évité d’aborder les deux questions devenues essentielles pour les collectivités : l’indexation de la DGF sur l’inflation et le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités.
Plusieurs ministres se sont exprimés pour rappeler les mesures déjà prises ou en cours (augmentation de la DGF « pour la première fois depuis 13 ans », « filet de sécurité » qui sera prolongé en 2023, négociations à l’échelle européenne pour décorréler le prix de l’électricité et du gaz…). Certes, la Première ministre a repris les mots du communiqué de l’AMF, en reconnaissant que la situation « n’est pas tenable ». « Aucune collectivité ne sera laissée dans l’impasse », a affirmé Élisabeth Borne. Mais pour l’instant, ce sont surtout des mots. Car les ministres qui se sont ensuite succédé au banc n’ont pas apporté d’autres réponses que des promesses pour l’instant floues. « Nous finalisons les solutions d’accompagnement des collectivités les plus exposées, et vous aurez bientôt des réponses », a déclaré Christophe Béchu, ministre de la Cohésion des territoires. « Nous travaillons à d’autres dispositifs pour accompagner les communes, nous restons mobilisés », a surenchéri Gabriel Attal, ministre chargé des Comptes publics.
Il va donc encore falloir attendre pour avoir des « réponses ». Mais une chose est sûre : le gouvernement n’a pas profité de l’occasion pour prendre la main tendue par l’AMF et annoncer l’organisation de la « réunion d’urgence » demandée par l’association.
Engagements des fournisseurs
C’est également hier que plusieurs ministres ont rencontré les fournisseurs d’énergie (dont EDF, Engie, TotalEnergie…) et ont signé avec eux une « charte » en 25 points pour « aider les consommateurs à faire face ». Aucune mesure de régulation des prix n’a été décidée, mais plusieurs engagements ont été pris par les fournisseurs : par exemple « prévenir les collectivités de la fin de validité de leur contrat deux mois en avance », « favoriser la mise en place de facilités de paiement pour les collectivités qui le demandent », « favoriser la mise en concurrence par une collectivité locale des offres commerciales ». Si ces mesures ne semblent pas inutiles, elles sont bien loin de répondre aux enjeux.
D’autres annonces vont arriver aujourd’hui avec la publication en grande pompe, à la Porte de Versailles à Paris, du « plan de sobriété » décidé par le gouvernement, qui devrait inciter – sans obligation – les collectivités à faire des économies d’énergie. Mais faut-il préciser que pour la plupart, des actions de sobriété sont déjà en place, en raison de leur engagement contre les changements climatiques et de l’optimisation de leurs dépenses de fonctionnement, contraintes depuis plusieurs années.
Faute de mesures d’urgence pour faire face à l’envolée des prix, elles seront pour certaines contraintes de réduire le service public, dans une période pourtant bien critique pour les citoyens.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 6 octobre 2022