Alors qu’en 2023, la trésorerie du bloc communal s’était « sensiblement améliorée » , contrairement à celle des départements qui avait brutalement chuté, l’année 2024 va « réconcilier l’ensemble des acteurs locaux », ironise La Banque postale, qui verront tous leur capacité d’autofinancement reculer, de 8,7 % tous niveaux confondus.
Effet ciseau
L’effet ciseau qu’évoque La Banque postale se reflète dans un chiffre simple : tous niveaux de collectivités confondus, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 4,4 % quand les recettes n’augmentaient que de 2,3 %. Cette différence oblige les collectivités à puiser dans leur épargne pour honorer leurs dépenses. Résultat, l’épargne nette des collectivités est en baisse de 15,8 % entre 2023 et 2024 (- 4 milliards d’euros environ).
Pour ce qui concerne le bloc communal, l’effet ciseau s’établit à 1,7 %, avec des dépenses de fonctionnement en hausse de 4,8 % contre 3,1 % pour les recettes. Pour les communes seules, cet effet est plus marqué encore (+ 2 ,5 % pour les recettes, + 4,4 % pour les dépenses de fonctionnement).
Comment expliquer cette hausse des dépenses de fonctionnement ? Plusieurs facteurs, explique La Banque postale, sont exogènes, c’est-à-dire indépendants de la volonté des élus. C’est le cas, par exemple, de la charge des intérêts de la dette, en hausse de presque 18 % du fait de la hausse des taux d’intérêt. Par ailleurs, les collectivités « sont toujours impactées par la crise inflationniste », même si l’inflation a ralenti, et davantage que les ménages « en raison de la structure de leur panier de dépenses ».
Quant aux dépenses de personnel, leur hausse est en grande partie due à « des décisions gouvernementales » : hausse du point d’indice, hausse du taux forfaitaire de remboursement des transports collectifs, attribution de 5 points d’indice supplémentaires à tous les agents au 1er janvier 2024…
Parallèlement, la dynamique des recettes ralentit. Si les taxes prélevées directement par les collectivités restent relativement dynamiques (à l’exception des DMTO qui, crise immobilière oblige, sont en très net recul, pour la deuxième année consécutive), il n’en va pas de même pour les parts de TVA reversées par l’État aux collectivités. Rappelons que la politique des gouvernements successifs, depuis des années, consiste à remplacer les impôts locaux, décidés et prélevés par les collectivités elles-mêmes, par des « fractions de TVA » reversées par l’État. C’est par exemple ce dispositif qui a remplacé la taxe d’habitation. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes, comme le souligne l’AMF depuis des années : par définition, le produit de la TVA est volatil, soumis aux aléas de la consommation et de l’inflation. Démonstration en est faite cette année : alors que le gouvernement comptait sur un produit de la TVA en hausse de 4,5 % dans la loi de finances pour 2024, cette hausse ne sera, finalement, que de 1,3 %.
Investissements : obligation de puiser dans la trésorerie
Quant aux dépenses d’investissements, elles restent « dynamiques », avec une hausse de 7 % (8,6 % pour le seul bloc communal ce qui, note La Banque postale, est normal à ce moment du cycle électoral, quatre ans après lles élections municipales). L’une des raisons qui entre en ligne de compte dans la hausse des investissements est « l’émergence de la problématique environnement », qui contraint les collectivités à de lourds investissements notamment en matière d’eau et de déchets.
Comment sont financés ces investissements ? Pour un tiers, par des recettes d’investissement (FCTVA, Dsil, Fonds vert…). La Banque postale note que pour ce qui concerne ce dernier, le fameux décret du 21 février 2024, qui a procédé à des coupes claires dans tous les budgets de l’État, a fortement fait diminuer l’apport que celui-ci représentait : « Initialement prévus à 1,125 milliard d’euros, [les crédits du Fonds vert] ont été revus à 695 millions d’euros ».
Un autre tiers des investissements ont été financés par le recours à l’endettement, en hausse notable cette année (presque 18 % toutes strates confondues, + 10 % pour les communes). Il est à noter que les départements, du fait de la situation financière critique, ont eu beaucoup plus largement recours à l’emprunt pour financer leurs investissements (+ 50 %).
On ne peut cependant en aucune façon parler d’une explosion de l’endettement des collectivités. À cet égard, l’un des graphiques publiés par La Banque postale est plus parlant que n’importe quel discours : il montre l’évolution de l’endettement de l’État comparé à celui des collectivités. On y constate une très remarquable stabilité de la dette des collectivités, qui oscille entre 7 et 8 % du PIB depuis 1982, tandis que dans le même temps celle de l’État est passée de 30 à 110 % du PIB. Ce qui rend toujours plus difficile à entendre, pour les élus locaux, les accusations de mauvaise gestion proférées par Bercy.
Reste que le peu de dynamisme des recettes a conduit, cette année, les collectivités à puiser davantage dans leur trésorerie que les années précédentes. Selon La Banque Postale, environ 8 milliards d’euros seront prélevés cette année sur le fonds de roulement des collectivités, dont près de la moitié (3,7 milliards) par les seuls départements. Les communes vont ponctionner cette année 2,2 milliards d’euros dans leur fonds de roulement, et les EPCI 500 millions d’euros.
Résultat : la trésorerie des collectivités va revenir, en fin d’année, à peu près à son niveau de 2020. Cependant au 31 août 2024, les dépenses d’investissement augmentent de 10,1 % pour le bloc communal : cette hausse, si elle se maintient, permettrait une croissance cumulée (cumul des années 2020 à 2024) de l’investissement supérieure à l’inflation alors que ce n’était pas le cas sur la période 2020-2023. Ce qui n’a rien d’une mauvaise nouvelle pour l’AMF, où l’on commente, ce matin, ces chiffres en expliquant que « l’enjeu est de ne pas gâcher cette fragile embellie par de nouvelles mesures de restrictions des ressources locales ».
Télécharger la note de conjoncture de La Banque postale.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 26 septembre 2024