La loi du 2 mars 2022 dispose, à l’article 2, que « toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom » en prenant le nom de famille du parent qui ne lui a pas été transmis. Une personne qui, par exemple, porte le nom de son père pourra ou bien se faire adjoindre celui de sa mère, ou bien substituer le nom de sa mère à celui de son père.
Comme l’avait expliqué le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, à l’occasion des débats au Parlement sur ce texte, cette possibilité nouvelle répond à plusieurs problématiques : « Je pense à ces femmes qui n’auront plus à sortir leur livret de famille pour prouver que leur enfant est leur enfant. Je pense aussi à ces femmes qui nous ont dit avoir un nom prestigieux, historique, appartenant, au fond, à notre patrimoine, mais qu’elles ne peuvent transmettre à leurs enfants. Je pense enfin, bien sûr avec encore davantage de gravité, à ces femmes qui nous ont dit être contraintes de supporter leur nom, qui est celui de leur tortionnaire, de leur violeur. » C’est d’ailleurs ce dernier point qui a été le plus largement évoqué pendant les débats : un enfant qui est contraint de porter le nom de son père alors que ce dernier l’a maltraité, agressé ou violé, pourra donc désormais se débarrasser de ce nom et prendre celui de sa mère. Éric Dupond-Moretti l’avait dit avec beaucoup de gravité lors des débats : « Je garderai toujours en mémoire les mots de cette femme de 70 ans qui, dans une lettre, me disait avoir été violée par son père et ne pas vouloir que son nom, qu’elle porte comme une souffrance, soit gravé sur sa tombe. »
Procédure « de droit »
Dans sa première version, cette proposition de loi initialement portée par Patrick Vignal et les députés du groupe La République en marche prévoyait que ce changement de nom ne pourrait se faire qu’auprès de « l’officier d’état civil dépositaire de son acte de naissance » – c’est-à-dire uniquement dans la commune où la personne est née. Ce qui aurait eu pour effet de surcharger encore un peu plus les services d’état civil des communes sièges d’une maternité. L’AMF a donc demandé – et obtenu – que la procédure puisse également être faite dans sa commune de résidence.
Rappelons qu’auparavant, la procédure de changement de nom se faisait auprès du ministère de la Justice et nécessitait la parution d’un décret. Cette procédure existe toujours, et elle peut être utilisée par exemple pour faire changer un nom à la consonance ridicule ou injurieuse. La nouvelle procédure simplifiée ne concerne, elle, que l’adjonction ou la substitution du nom d’un de ses parents. Elle est « de droit », ce qui signifie, comme il est expliqué dans la circulaire, « que l’officier de l’état civil n’a pas à contrôler le caractère légitime du motif de la demande ». La procédure est strictement réservée aux personnes majeures.
Les possibilités de changement sont les suivantes : la personne peut demander à prendre « le nom du père, le nom de la mère, leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par le demandeur et dans la limite d’un nom pour les deux parents ». En cas de double nom d’un ou des deux parents, il est possible de demander de ne porter « qu’une partie de l’un ou l’autre de ces doubles noms ».
Pas plus de deux noms
Une fiche publiée en annexe de la circulaire donne quelques précisions supplémentaires. Il est rappelé que la procédure doit être effectuée par la personne majeure qui souhaite changer de nom, et que les parents ne peuvent y avoir recours pour changer le nom de leur enfant mineur.
La fiche passe en revue toutes les possibilités, notamment pour le cas où une personne a des parents dont le nom est double. Afin d’éviter les noms de famille trop longs, il n’est pas possible d’adopter le nom double du père plus le nom double de la mère. Exemple donné par le ministère : une personne dont le père s’appelle « Belier Gorce » et la mère « Durand Dupont » ne peut demander à prendre le nom « Belier Gorce Durant Dupont », mais peut en revanche choisir un ou deux de ces quatre noms, dans l’ordre qu’elle souhaite.
La fiche aborde également le cas des noms déjà changés par décrets ou obtenus par adoption.
Procédure
La demande de changement de nom simplifiée doit se faire ou par remise en main propre à l’officier d’état civil, ou par courrier, mais pas par mail, puisque la demande doit être accompagnée d’actes d’état civil originaux. Le ministère recommande l’utilisation du formulaire Cerfa qui sera, d’ici le 1er juillet, disponible sur le site service-public.fr.
L’officier d’état civil compétent pour traiter la demande est ou bien celui de la commune de naissance, ou bien celui de la commune de résidence, sous réserve de la présentation d’un justificatif de domicile. Le demandeur doit également présenter un document officiel d’identité et son acte de naissance, de façon à ce que l’officier d’état civil puisse vérifier que le nouveau nom demandé correspond bien à celui de sa parentèle. La fiche liste un certain nombre de cas qui peuvent s’avérer problématiques, comme, par exemple, le fait que le demandeur ne possède pas d’acte de naissance français ou ne peut présenter des copies d’actes d’état civil datant de moins de trois mois. Si toutes les conditions requises ne sont pas remplies, l’officier d’état civil devra saisir le procureur de la République, « auquel il appartient de s’opposer ou non à la demande ».
Confirmation et consignation
Un mois après le dépôt de la demande, l’intéressé doit confirmer son choix. L’officier d’état civil, au bout de ce délai incompressible d’un mois, doit donc contacter « par tout moyen » le demandeur, qui devra se présenter « en personne » pour confirmer sa volonté de modifier son nom. Dès lors, l’officier d’état civil « inscrit la date de la confirmation sur la demande et y appose ses nom, prénom, qualité, signature et sceau ». Puis il consigne le changement de nom dans le registre d’état civil.
« L’officier de l’état civil appose la mention de changement de nom sur l’acte de naissance de l’intéressé s’il le détient. S’il détient l’acte de mariage, l’acte de naissance de l’époux ou du partenaire, l’acte de naissance des enfants et leur acte de mariage le cas échéant, il procède également à la mise à jour de ces actes. S’il ne détient pas ces actes, il adresse un avis de mention aux officiers de l’état civil détenteurs de ces derniers aux fins de mise à jour. »
La fiche aborde enfin la question des conséquences du changement de nom sur le nom des enfants du demandeur. Si l’enfant du demandeur a moins de 13 ans, le changement de nom du parent s’étend à l’enfant « de plein droit ». S’il a plus de 13 ans, le consentement de l’enfant est requis, et celui-ci peut donc choisir de garder l’ancien nom de son parent. À noter : lorsque le changement de nom du demandeur modifie le nom de ses enfants, « l’officier d’état civil dépositaire de l’acte de naissance de l’enfant avise l’Insee ».