INTERVIEW.
Maire Les Républicains de Cannes et président de l’Association des Maires de France, David Lisnard a annoncé dimanche soir sur Twitter qu’il allait apporter son parrainage d’élus à Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle de 2022. Il s’en explique auprès du JDD.
Après avoir alerté, depuis le mois de décembre dernier, sur le problème que pourraient causer le système des parrainages dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2022 , le président de l’Association de Maires de France et maire LR de Cannes, David Lisnard, a décidé de montrer l’exemple, « toujours à titre personnel et pas au nom de l’AMF », en parrainant Jean-Luc Mélenchon , le candidat de La France insoumise, bien placé dans les sondages mais en difficulté pour recueillir les 500 signatures nécessaires pour entrer dans la course à l’Élysée.
Pourquoi avoir annoncé donner votre parrainage à Jean-Luc Mélenchon?
Je sentais que les parrainages allaient créer un problème démocratique. Malheureusement, cela se confirme : depuis une dizaine de jours, il y a très peu d’évolution des parrainages reçus au Conseil Constitutionnel par trois des candidats, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Éric Zemmour . C’est un souci démocratique : je ne partage pas leurs convictions et les engagements ; je combats farouchement leurs propositions. Mais j’estime, en tant que citoyen, que ces candidats, à partir du moment où ils sont dans le champ de la République, puisqu’on ne leur interdit pas de se présenter, ne peuvent pas être privés du droit de se présenter. Quand on veut affronter quelqu’un, il faut qu’il puisse être présent sur le terrain de l’affrontement. C’est aussi un souci civique, parce que je pense que la société peut exploser, et aussi pour enlever de la pression sur les maires. Je rappelle aussi que les conseillers régionaux, les conseillers départementaux, les députés, les sénateurs, les députés européens et tous les membres des collectivités territoriales de France peuvent donner un parrainage.
Vous préférez donc affronter Jean-Luc Mélenchon plutôt que Marine Le Pen?
Jean-Luc Mélenchon est aux antipodes de ce je suis et ce que je pense : je soutiens Valérie Pécresse , de façon claire et nette. Classé à droite, j’apporte ce parrainage à quelqu’un qui est très à gauche : c’est la démonstration par les actes que le parrainage ne vaut pas soutien. Si j’avais parrainé Marine Le Pen par exemple, ou Éric Zemmour, tout le monde y aurait vu un coup. On aurait pensé que je faisais une « mauvaise manière » à ma candidate, que je me rapprochais d’une espèce d’union des droites. Ou alors que c’était de la part de ma candidate, pour donner un signal de la part de LR en parrainant Éric Zemmour ou Marine Le Pen. Personne ne peut me soupçonner d’être mélenchonniste. Nous sommes opposés sur le contenu, même si je respecte l’homme.
Avez-vous abordé votre décision avec Les Républicains ou avec Valérie Pécresse?
J’ai pris ma décision dimanche, mais j’en avais déjà parlé la semaine dernière, à Valérie Pécresse, mais aussi à certains de mes collègues de l’AMF. Valérie Pécresse avait envie dans un premier temps que je lui donne mon parrainage, pour des raisons évidentes, mais elle a déjà 2 000 parrainages, et je m’en réjouis. Et c’est ma liberté et ma responsabilité d’essayer de débloquer le système, qui manifestement est bloqué. Il faut en changer, je le dis depuis longtemps. Nous ne pouvons pas continuer ainsi, cela alimente l’hystérie, et nous ne parlons pas assez du contenu. J’ai lancé des pistes, comme l’idée de double-parrainage – un parrainage de soutien et un parrainage dit « républicain », qui permettrait de concourir – ou alors de rétablir l’anonymat. On pourrait imaginer un système mixte, avec des parrainages d’élus en moins grand nombre, et par tranches de milliers d’électeurs inscrits, la capacité de parrainer un candidat.
Quels sont les retours que vous avez eu par rapport à votre démarche, notamment de Jean-Luc Mélenchon?
Beaucoup de maires m’ont remercié et plusieurs responsables ont salué ma démarche civique : Marine Le Pen, Éric Zemmour, beaucoup de Républicains mais également des proches du pouvoir actuel, qui, à titre privé, m’ont félicité de contribuer à débloquer la situation. Je n’ai pas eu de retour direct de Jean-Luc Mélenchon, j’ai simplement vu un tweet de son directeur de campagne, Manuel Bompard, me remerciant.
SOURCE : LE JOURNAL DU DIMANCHE, par Camille Romano.