« Le contexte actuel n’est pas à l’apaisement mais plutôt à l’agencement, à l’inquiétude et parfois à l’offensive » . Voilà comment a été introduite hier l’audition de la présidente de l’Arcep par la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas.
Pourtant les bonnes nouvelles ne manquent pas en ce qui concerne les réseaux. « Le New Deal lancé en juillet 2018 porte ses fruits et est largement plébiscité,a expliqué Laure de La Raudière. Je pense naturellement au dispositif de couverture ciblée avec déjà 1787 sites choisis par les collectivités (dont 94 % quadri opérateurs) qui étaient mis en service au 30 septembre 2022. » La généralisation de la 4G apparaît aussi comme une réussite avec 97,5 % à 99 % de sites ayant la 4G.
L’Arcep se réjouit aussi du fait que la fibre soit « devenue le réseau d’accès à Internet de référence pour les Français » avec en 2022 plus de 50 % des abonnements à l’Internet Haut débit et Très haut débit et plus de 80 % de locaux rendus raccordables à la fibre.
Une petite musique de fond vient néanmoins gâcher ce discours réjouissant. Dans les territoires, les élus et les citoyens s’interrogent sur l’avancée du plan France très haut débit mais aussi quant à des décisions nationales diverses qui ont des répercussions sur la vie locale.
Distribution de la presse
Laure de La Raudière rappelle avant tout que « la baisse du courrier a coûté 600 millions d’euros de chiffre d’affaires à La Poste en 2021 » et que « les prévisions sont les mêmes pour 2022. » Cette situation a notamment conduit à la transformation du timbre rouge (lettre prioritaire) depuis le 1er janvier dernier. Ce dernier a été remplacé par une version télétransmise.
Cette décision inquiète, notamment le sénateur de la Seine-Saint-Denis Fabien Gay. Il craint que cette décision mette en péril « l’égalité républicaine », en ignorant la fracture numérique. Car en effet, un accompagnement est nécessaire sur la e-lettre rouge « pour que tout le monde puisse l’utiliser », insiste l’Arcep.
Le sujet a d’ailleurs été évoqué il y a deux semaines à l’occasion d’une question au gouvernement. Le ministre Jean-Noël Barrot chargé de la transition numérique et des télécommunications avait assuré que « tout usager – c’est un engagement du groupe La Poste – pourra se faire conduire au bureau de poste à tout moment par un facteur. »
L’expérimentation menée actuellement dans 68 communes testant une réduction de la fréquence du passage du facteur fait aussi débat. Fabien Gay s’inquiète « pour les abonnés qui doivent recevoir leurs journaux chaque jour ». Les porteurs privés seront alors choisis pour ce type de livraison, ce qui sera plus cher pour les abonnés et les éditeurs. Au-delà de cette question pratique, les « liens humains qui se tissent » sont aussi importants pour les plus fragiles.
L’Arcep a confirmé hier que, pour le moment, il y a une obligation de tournée quotidienne et que si elle n’est pas respectée, le gendarme « demandera des comptes à La Poste. »
Sous-traitance
Impossible d’évoquer les problèmes de raccordements au réseau fibre sans évoquer le mode STOC (les sous-traitances en cascade). Malgré la mise à jour des contrats de raccordements FttH avec le STOC V2, cette limitation de la sous-traitance au rang 2 semble inefficace.
La qualité des réseaux fibre en pâtit. Serge Mérillou, sénateur de la Dordogne, observe sur son territoire des défauts d’installation qui persistent et déplore le fait que le coût de la prestation soit anormalement faible, ce qui entraine une ubérisation de la filière.
Orange est entré en négociation avec les sous-traitants fin 2022 au sujet des rémunérations. L’Arcep rappelle que c’est aux opérateurs d’engager le dialogue pour revaloriser les rémunérations. C’est aussi un moyen de « rendre la filière plus attrayante » car il « manque actuellement 2 000 à 3 000 personnes sur le terrain. »
L’Arcep indique que pour voir des améliorations sur la qualité des réseaux fibre, il faut laisser du temps aux opérateurs. En effet, Laure de La Raudière explique que ce n’est pas le mode STOC qui pose problème en soi mais les opérations. Ainsi, elle a rappelé que les opérateurs se sont engagés à travers un nouveau plan à déployer de nouveaux processus de contrôle des interventions et que les effets ne sont « pas encore observables car ils sont très récents.» Les opérateurs se sont aussi engagés à « former correctement les agents avec un label ».
Retards
Maire info évoquait la semaine dernière les retards de déploiement de la fibre. Christian Redon-Sarrazy, sénateur de la Haute-Vienne rapporte devant la commission qu’à Limoges, « 12 000 prises sont manquantes dans le périmètre de la zone Amii. À Brive, 6 000 habitants n’étaient pas encore raccordés en novembre dernier. »
De l’autre côté, le Syndicat mixte Dorsal – chargé du déploiement de la fibre dans la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne – a, lui, achevé la couverture de ce réseau d’initiative publique (Rip), « y compris dans les zones très rurales » . Une incohérence pour beaucoup, qui peut amener certains à penser qu’Orange ne fait pas bien son travail.
L’Arcep a récemment mis en demeure Orange de respecter ses obligations relatives à ses déploiements sur le réseau FTTH qui ralentissent notamment en zone Amii et en zone très dense. Orange a déposé un recours devant le Conseil d’État contre cette mise en demeure.
Abandon du cuivre
Le sénateur du Puy-de-Dôme Jean-Marc Boyer a également signalé l’existence de cas particuliers où, « en attendant l’arrivée de la fibre, des demandeurs de création de nouvelles lignes cuivre se voient refuser l’installation par Orange. »
Sur cette problématique l’Arcep n’a pas apporté de réponse spécifique. La présidente a cependant évoqué l’existence de « solutions alternatives (5G, 4G+, satellite) qui seront nécessairement mobilisées notamment si au moment de la fermeture du réseau cuivre il n’y a durablement pas la fibre (pour des raisons liées à un propriétaire privé qui ne veut pas faire de travaux par exemple).»
Concertation
Autre discours que les opérateurs, notamment Orange, ont du mal à entendre : la réussite du plan d’extinction du cuivre est indissociable d’une « gouvernance associant réellement toutes les parties prenantes » et notamment les collectivités locales.
La question des comités de concertation locaux a été évoquée. L’Arcep encourage la mise en place de ces comités qui existent pour le moment uniquement dans « certains départements » et qui doivent davantage associer les élus. Ces comités sont aussi le lieu où les élus vont pouvoir jouer un rôle plus important dans la mise en oeuvre de ce plan de fermeture du cuivre.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 26 janvier 2023