Les collectivités vont connaître dès cette année, et plus encore en 2021, l’effet ciseau entre la baisse de leurs ressources fiscales (évaluée à près de 5 milliards d’euros par le Sénat et celle des recettes liées aux prestations de services, et la hausse de leurs dépenses pour faire face à la crise sanitaire. La Direction générale des finances publiques (DGFiP) et la Direction générale des collectivités locales (DGCL) ont mis en place un « réseau de suivi, d’alerte et d’intervention concernant l’évolution immédiate des recettes et des dépenses des collectivités territoriales ». Celui-ci a d’ores et déjà identifié les risques mais il n’apporte pas de solution de financement aux collectivités et ses moyens d’intervention sont limités pour soutenir celles qui sont confrontées à des difficultés immédiates. Interrogée par la commission des finances du Sénat, la DGFiP a indiqué avoir recours à des anticipations d’avances de fiscalité. « Toutefois, elle souhaite limiter au maximum cette pratique puisque ces anticipations fragilisent les collectivités territoriales qui ne bénéficieront d’aucune recette de fiscalité dans les mois suivants », indique les sénateurs dans leur note de conjoncture du 3 avril. Dans ces conditions, la DGFiP préfère inciter les collectivités territoriales « à tirer sur les lignes de trésoreries dont elles disposent auprès des établissements bancaires ». Or, comme l’a indiqué la Fédération bancaire française (FBF), « aucune facilité particulière n’est prévue à ce jour au profit des collectivités territoriales », soulignent-ils.
Des multiples questions
La question du soutien financier de l’État aux collectivités reste donc entière. Le gouvernement a, certes, suspendu en 2020 l’application des contrats d’encadrement de la dépense locale pour les 321 collectivités concernées, et allégé les procédures d’engagement de la dépense locale, par ordonnance. Mais plusieurs questions importantes taraudent les associations d’élus locaux qui ont engagé une concertation entre elles : dans quelle mesure l’État va-t-il prendre en compte (et en considération) l’effort budgétaire consenti par les collectivités pour faire face aux nombreuses dépenses générées par la crise sanitaire ? Un fonds de solidarité sera-t-il créé pour venir en aide aux collectivités particulièrement impactées ? Des mesures de compensation des pertes de recettes fiscales seront-elles prévues ? L’État intègrera-t-il les collectivités à un vaste plan de relance nationale en leur donnant les moyens d’agir notamment pour soutenir le tissu économique local, comme il l’avait fait après la crise financière de 2008 ? Aucune réponse pour le moment, si ce n’est les propos inquiétants du ministre chargé des Collectivités territoriales : interrogé sur le coût de la crise, Sébastien Lecornu a indiqué qu’« il n’y aura pas d’argent magique ; tout le monde devra faire des efforts y compris les collectivités », dans une interview accordée à La Gazette des communes, le 30 mars. Il estime que « cette crise va coûter très, très cher » et souligne que « cette situation va nous conduire à faire des choix et les élus locaux le savent déjà », sans plus de précision. Quels choix ? Les élus redoutent tour à tour une baisse des dotations de l’État, un durcissement des contrats encadrant les dépenses de fonctionnement des collectivités. Voire, une réforme de la fiscalité économique locale pour alléger la trésorerie des entreprises, un projet déjà à l’étude avant la crise sanitaire.
Des propositions des associations d’élus
Dans le contexte sanitaire et économique actuel plus que tendu, les associations d’élus ne souhaitent pas déterrer la hache de guerre sur ces sujets – mais restent vigilantes. L’heure est plus que jamais à l’action. Selon nos informations, elles devraient ainsi prochainement adresser à l’État des propositions de court terme, pour compléter les allégements de procédures prévues par les ordonnances, et de moyen terme pour définir le rôle des collectivités dans le plan de relance . Parmi les propositions de court terme figure l’allègement ou la suppression de la constatation du service fait qui peut être difficile à réaliser, ralentissant l’engagement de la dépense et, le cas échéant, le paiement d’entreprises. Les associations proposent de décaler la date limite de vote des taux de fiscalité, prévue le 3 juillet, au 31 juillet comme la date de vote des budgets car ce délai est trop court pour les EPCI compte tenu de leur délai d’installation. Ils adresseront à l’Etat des propositions pour permettre le financement des nouvelles dépenses urgentes.
À moyen terme, les associations demandent également l’abandon des contrats d’encadrement des dépenses de fonctionnement qui constituent désormais, selon elles, un danger pour la relance de l’économie en bridant les moyens des collectivités locales. L’AMF demande que ces contrats ne figurent pas dans la prochaine loi de programmation des finances publiques dont la présentation serait prévue dès septembre 2020.
Source : MAIREinfo – Édition du jeudi 9 avril 2020