La mesure la plus emblématique de cette réforme – qui a fait descendre dans la rue plus d’un million de personnes la semaine dernière – est le recul de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Ce recul concernera également les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique, tout comme les autres mesures que sont l’allongement de la durée de cotisations à 43 annuités dès 2027 (au lieu de 2030) et la fixation de l’âge de la retraite sans décote à 67 ans.
En revanche, le gouvernement ne touche pas au mode de calcul des pensions des fonctionnaires : celles-ci seront toujours calculées sur le traitement (hors primes) des six derniers mois travaillés.
Catégories actives et « super-actives »
Jusqu’à présent, les fonctionnaires en catégorie dite « active » avaient le droit de prendre leur retraite plus tôt. Cette possibilité est maintenue, mais en intégrant un recul de deux ans de l’âge légal de la retraite : les fonctionnaires en catégorie active pourraient désormais prendre leur retraite à 59 ans au lieu de 57 ans.
En outre, pour les catégories dites « super-actives », l’âge de départ serait reculé de 52 à 54 ans. Pour la fonction publique territoriale (FPT), cette catégorie « super-active » ne concerne que les égoutiers. Cette possibilité n’est ouverte qu’à partir du moment où l’agent a effectué au moins 32 années de service effectif dont au moins 12 années dans ce poste.
Autre modification contenue dans la réforme : tous les fonctionnaires seraient désormais autorisés à travailler jusqu’à 70 ans s’ils le demandent – alors que cette possibilité était jusque-là réservée à ceux ayant encore des enfants à charge ou dont la carrière était incomplète. Cette possibilité vaudra également pour les agents contractuels.
À noter que la majorité des régimes dits spéciaux serait supprimée par cette réforme, notamment ceux des IEG (industries électriques et gazières) et de la RATP. Le gouvernement ne touche pas, en revanche, au régime spécial des marins, des professions libérales et des agriculteurs.
Retraite progressive
Cette réforme prévoit d’étendre la retraite progressive aux agents publics, comme c’est déjà le cas pour les salariés du privé. Il s’agit de la possibilité pour un agent de se mettre à temps partiel et de toucher, en compensation du salaire perdu, une fraction de sa pension de retraite. L’âge à partir duquel cette possibilité sera ouverte (actuellement 60 ans) devrait être de 62 ans, et sera déterminé par décret.
Il s’agit d’un retour à ce qui existait avant 2011 dans la fonction publique, sous le nom de CPA (cessation progressive d’activité).
Prévention de « l’usure professionnelle »
Notons enfin qu’il va être créé un nouveau « Fonds de prévention de l’usure professionnelle dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux publics ». Ce fonds sera financé par « une dotation des régimes obligatoires de base d’assurance maladie dont le montant est fixé chaque année par arrêté ». Il vise à financer « des actions de sensibilisation et de prévention de l’usure professionnelle » et « des dispositifs d’organisation de travail permettant l’aménagement de fin de carrière » pour les agents usés par leur travail. Les actions à mener ainsi que la gouvernance du dispositif seront précisées par décret.
Calendrier parlementaire
À présent que le texte est connu, une rude bataille devrait s’ouvrir au Parlement, l’opposition (en particulier la Nupes et le RN) ayant prévu de déposer des quantités astronomiques d’amendements. La discussion démarrera à l’Assemblée nationale, en commission des affaires sociales, lundi prochain, le 30 janvier. Puis, ce sera le débat en séance publique, prévu du 6 au 17 février.
Les débats ne pourront guère se prolonger au-delà de cette date : la Constitution, et notamment son article 47-1, fixe très précisément les règles en matière de lois de financement de la Sécurité sociale. L’Assemblée nationale ne peut discuter d’un tel texte pendant plus de 20 jours à partir de son dépôt. Si à l’issue de ce délai, le texte n’a pas été adopté, le gouvernement est dans l’obligation de transmettre le texte au Sénat, ou dans sa version initiale, ou, à son choix, en retenant tout ou partie des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale. Le Sénat a alors 15 jours pour statuer, avec convocation, si besoin, d’une commission mixte paritaire. En cas d’échec de celle-ci, le texte revient devant l’Assemblée nationale, mais il doit, en tout état de cause, être adopté dans les 50 jours qui suivent son dépôt initial – ce qui amène à la dernière semaine du mois de mars. Si ce n’est pas le cas, la Constitution autorise le gouvernement à prendre le texte par ordonnance.
Il est également possible de faire adopter le texte par le biais de l’article 49.3 de la Constitution. Mais cela représenterait, vu l’enjeu social majeur de ce texte, un risque politique considérable pour le gouvernement, qu’il souhaite visiblement éviter à tout prix.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 24 janvier 2023