Maire info a pu avoir accès au projet d’ordonnance « institutionnelle » qui a été, à 11 heures ce matin, présentée en Conseil des ministres. Elle est relative au fonctionnement des assemblées délibérantes pendant l’état d’urgence sanitaire, et va permettre le transfert d’une grande partie des pouvoirs des assemblées délibérantes aux maires et présidents d’intercommunalités. Elle acte également le report de plusieurs dates butoirs de transferts de compétence, en matière d’eau et de mobilité.
Premier tour d’horizon des principales mesures.
Fonctionnement des assemblées délibérantes
L’article 1er de l’ordonnance donne délégation au maire pour exercer toutes les attributions mentionnées à l’article L 2122-22 du CGCT (affectation des propriétés communales, fixation des tarifs, exécution et règlement des marchés…). Cependant, la réalisation des nouveaux emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget nécessitera toujours une délibération. La procédure est allégée pour les lignes de trésorerie. Le maire procède par ailleurs lui-même « à l’attribution des subventions aux associations » et peut « garantir les emprunts ». Le maire doit informer « sans délai et par tous moyens » le conseil municipal de ses décisions en la matière. Cela n’est pas précisé dans l’ordonnance, mais on rappellera que cette information doit également être adressée aux candidats élus au premier tour le 15 mars qui ne sont pas encore entrés en fonction.
Le conseil municipal peut « à tout moment » décider par délibération de modifier ou de retirer au maire certaines de ces délégations. Cette question va devoir être mise à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil municipal. Celui-ci pourra réformer les décisions prises par le maire sur le fondement de la délégation initiale.
Les présidents d’EPCI exercent, eux, pendant cette période, « l’ensemble des attributions de l’organe délibérant », à l’exception notamment du vote du budget, de l’approbation du compte administratif. Les autres exceptions sont celles mentionnées du 1° au 7° de l’article L5211-10 du CGCT.
L’ordonnance modifie la loi Urgence covid-19 sur un point important : les nouvelles règles de quorum (un tiers des membres au lieu de la moitié) s’appliqueront désormais également aux bureaux des EPCI (en plus des conseils municipaux, départementaux, régionaux et communautaires).
L’organe délibérant des collectivités et des EPCI peut être réuni « à la demande d’un cinquième de ses membres », sous six jours maximum et pour une journée au plus.
La règle selon laquelle le conseil municipal doit se réunir « au moins une fois par trimestre » est temporairement levée.
Par ailleurs, les conférences de l’action publique, les commissions des conseils municipaux et les conseils de développement des EPCI peuvent être provisoirement suspendus si le maire ou le président d’EPCI le décide.
Visioconférences : pas de scrutin secret
L’ordonnance fixe les règles en matière de réunions à distance : le maire ou le président d’EPCI peuvent décider que les réunions de l’organe délibérant se feront « par visioconférence ou à défaut audioconférence ». Lors de la première réunion de ce type, une délibération devra être prise sur « les modalités d’identification des participants, d’enregistrement et de conservation des débats, et les modalités de scrutin ». Attention : seuls les scrutins publics peuvent avoir lieu à distance. En cas de demande de scrutin secret, le point devra être reporté à une réunion ultérieure, qui ne pourra se tenir de façon dématérialisée.
Deux autres dérogations importantes à noter : les actes peuvent pendant cette période être transmis au préfet par mail, en respectant un certain nombre de règles listées à l’article 7 de l’ordonnance. Et par dérogation à la loi qui veut que les arrêtés municipaux soient publiés « sous format papier », il est permis que ceux-ci soient publiés sous forme électronique seulement, sur le site de la collectivité, « sous un format non modifiable » (PDF par exemple) et dès lors qu’ils peuvent être téléchargés.
Transferts de compétences : changements de dates
Enfin, les dernières (mais non les moindres) dispositions de cette ordonnance adaptent les délais liés aux transferts ou à l’exercice des compétences pour l’eau, l’assainissement ou la mobilité prévus dans cette période.
Le premier changement concerne la très importante question du transfert à l’intercommunalité des compétences eau et assainissement. On se rappelle que les modalités de ce transfert ont été modifiées, en décembre, par la loi Engagement et proximité. Celle-ci prévoyait que les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement et/ou de gestion des eaux pluviales « existant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes exerçant à titre obligatoire ou facultatif ces compétences ou l’une d’entre elles, ou dans celui d’une communauté d’agglomération », sont maintenus jusqu’à six mois suivant la prise de compétence. L’ordonnance fait passer ce délai à 9 mois. Autrement dit, le maintien du syndicat, qui aurait dû être décidé avant le 1er juillet, pourra l’être jusqu’au 1er septembre prochain.
Par ailleurs, les dates de décision des délégations prévues par la loi Engagement et proximité (possibilité pour une commune de demander à la communauté de communes ou d’agglomération de lui redéléguer l’eau et/ou l’assainissement après le transfert de compétence) sont également modifiées : l’EPCI, qui avait trois mois pour se prononcer sur la demande de délégation, en aura désormais, selon l’ordonnance, six (si toutefois la décision n’a pas été déjà rendue à la date de publication de l’ordonnance).
Enfin, de façon logique là encore, un autre transfert de compétences très important est décalé : il s’agit de la date limite pour délibérer sur le transfert à l’EPCI de la compétence organisation de la mobilité. La loi d’orientation des mobilités a fixé (article 8) la limite au 31 décembre 2020. Elle passe au 31 mars 2021. En revanche, l’ordonnance ne modifie la date de prise d’effet de ce transfert, qui semble donc rester fixée au 1er juillet 2021. Notons que les conseils municipaux des communes membres ont toujours trois mois pour délibérer sur ce transfert, à compter de la notification de la délibération communautaire, soit dans l’hypothèse extrême le 30 juin, soit… un jour avant la date limite du 1er juillet.
Source : MAIREinfo – Édition du mercredi 1 avril 2020