Si, avant l’été, il n’était pas question d’augmenter les tarifs de la cantine pour les parents d’élèves, le Rubicon est désormais franchi : plusieurs communes ont décidé de faire payer aux familles une partie des augmentations facturées par les fournisseurs, en général modestement – 2, 4, 5 % d’augmentation, même si le cas de Chennevières (Val-de-Marne), où la hausse s’échelonne entre 33 et 55 %, a fait beaucoup parler.
Il convient de signaler que beaucoup ont fait le choix de geler les tarifs, comme les villes de Lyon ou de Paris, qui compte même augmenter la part de bio dans les menus, et que certaines ont même choisi de les baisser pour soutenir le pouvoir d’achat de leurs administrés, comme Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), ou Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui étend aux classes de CP la gratuité de la cantine, jusqu’ici réservée aux maternelles.
Il faut rappeler que les communes prennent déjà en charge au moins 50 % du prix de revient de l’accueil à la cantine (repas et animation) et que le coût moyen global d’un repas, hors participation des familles, s’élève à 7,63 euros. Ses composantes les plus importantes concernent les charges de personnel (3,46 euros) et l’achat des denrées alimentaires (2,78 euros) (chiffres enquête AMF).
Hausse des prix des denrées : jusqu’à 26 %
Mais quel que soit le choix, éminemment politique, qui sera fait, il devra tôt ou tard être confronté à la dure réalité de l’inflation, qui progresse toujours.
« Les collectivités qui ont des marchés en cours ont négocié avec leurs fournisseurs pour maintenir les augmentations de prix au niveau de l’inflation, entre 6 et 10 %. Mais celles qui ont dû renouveler leurs marchés font face à des augmentations de 15 à 26 %, quelle que soit la famille de produits concernée », constate Christophe Hébert, président d’ Agores, l’association de gestionnaires de cantines scolaires.
Cela en sachant qu’avant l’été, ces derniers devaient déjà faire face à plus de 15 % d’augmentation de leurs budgets. Selon Christophe Hébert, la difficulté pour les fournisseurs à anticiper les hausses à venir – et parfois un certain « opportunisme » de leur part – alimente les hausses plus que de raison : « Nous avons énormément de mal à obtenir des justificatifs pour les augmentations demandées, et quand on nous les donne, elles sont toujours en-deçà des réalités du marché », témoigne le responsable de la restauration scolaire dans la ville d’Harfleur (Seine-Maritime).
La négociation est rendue très difficile par la volatilité de la situation, et la difficulté de mettre en œuvre la « théorie de l’imprévision » que le gouvernement a demandé aux communes d’appliquer dans l’exécution de leurs marchés publics. Un groupe de travail au sein du Conseil national de la restauration collective (CNRC) est d’ailleurs toujours en train de plancher sur le sujet.
Pour éviter la hausse, des mesures « à court terme » en attendant une refonte du modèle
Il existe, dans l’immédiat, d’autres solutions que certaines communes ont préféré à une augmentation des tarifs : par exemple, supprimer une des cinq composantes habituelles du menu, pour diminuer les coûts. Mais c’est une mesure à « court terme », comme l’explique Christophe Hébert, ce que confirme Virginie Lanlo, élue à Meudon et co-présidente du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF.
« Cela fait déjà quelques années que nous sommes passés de cinq à quatre composantes, pour améliorer la qualité globale des repas. Mais on ne pourra pas passer de quatre à trois », argumente l’adjointe à l’éducation.
Il est également possible de se passer des ingrédients devenus hors de prix, comme Harfleur l’a fait pour la viande d’agneau, tandis que certains s’annoncent déjà en rupture, comme les produits laitiers ou la viande bovine, l’élevage ayant été durement frappé par la sécheresse cet été.
Certaines communes, comme Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) ont choisi de proposer un repas végétarien supplémentaire. Signalons à ce propos que les communes qui ont fait le choix d’expérimenter, dans le cadre de la loi Climat et résilience, une option végétarienne quotidienne, sont d’ailleurs invitées à partager leurs résultats sur la plateforme gouvernementale « Ma cantine » .
Mais au-delà, c’est « tout le modèle économique et agricole » qui devra être revu, plaide Christophe Hébert, qui note une fois de plus que les communes qui se fournissent auprès d’agriculteurs locaux, en circuits courts, sont les moins impactées par la hausse des prix.
Pour Virginie Lanlo, « il ne s’agit pas que de l’assiette » : les collectivités sont également confrontées à la forte hausse du coût de l’énergie (250 % d’augmentation pour le gaz, une électricité qui pourrait tripler), comme en est témoin la trentaine de communes, dont Meudon, qui a dû fermer les piscines en raison de la défaillance de leur prestataire. Mais il y a aussi « l’augmentation du point d’indice, couplée au fait qu’on ne trouve pas de personnel » …
Alors que les communes entament la préparation des budgets 2023, c’est tout un travail sur « la gestion du gaspillage, des réservations de repas, et au-delà de la mutualisation, des horaires d’ouverture, bref, l’ensemble de la gestion communale, qui devra être fait pour impacter le moins possible le budget des familles », conclut Virginie Lanlo. Si, tout du moins, les hausses à venir ne dépassent pas tous les modèles de gestion possibles et imaginables.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 6 septembre 2022