Une fois encore, le gouvernement est passé outre l’avis des élus locaux : le décret paru le 8 avril a, par deux fois, recueilli un avis défavorable des représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), très inquiets de l’impact financier du dispositif. Mais le gouvernement a décidé de ne pas en tenir compte.
Nouvelles obligations
Ce décret est une conséquence du « plan de sobriété énergétique » lancé à l’automne pour faire face à l’explosion des prix de l’énergie. L’intention est louable : réduire de 20 % le gaspillage de chaleur dans les bâtiments de bureaux et administratifs, en y installant des « bacs » (acronyme de l’anglais building automation and control system, ou système d’automatisation et de contrôle des bâtiments). Il s’agit par exemple de piloter automatiquement l’extinction du chauffage le week-end ou en soirée, ou l’éclairage en fonction de la lumière du jour.
L’obligation d’équiper les bâtiments tertiaires de tels système existait déjà pour les plus grands d’entre eux – c’est-à-dire ceux qui sont équipés de système de chauffage de plus de 290 kW. Ceux-ci devront s’équiper avant le 1er janvier 2025, comme le précise un décret du 20 juillet 2020.
Le décret paru le 8 avril étend cette obligation aux bâtiments ayant un système de chauffage d’une puissance supérieure à 70 kW, en fixant une date butoir à 2027. Ce seuil englobe la quasi-totalité des bâtiments publics gérés par les collectivités locales, en particulier les écoles. Pour les bâtiments neufs, le couperet va tomber bien plus tôt : l’obligation d’installation de Bacs s’appliquera « un an après la publication du décret », soit le 8 avril 2024.
Enfin, le décret supprime un certain nombre de dérogations qui avaient été prévues par le décret de 2020, élargissant encore un peu plus l’obligation. La seule exemption qui subsiste concerne les bâtiments pour lesquels le retour sur investissement serait supérieur à 10 ans.
« Concertation de pure forme »
Ce décret a été présenté deux fois devant le Cnen, les 1er et 15 décembre 2022, et deux fois a été rejeté par les représentants des élus, en raison « des impacts financiers substantiels qui pèseront sur les budgets locaux ».
Dès le 1er décembre, les représentants des élus avaient signalé que l’installation de ces dispositifs allait entraîner « d’importants investissements » dans la presque totalité des bâtiments communaux. Outre l’installation des systèmes eux-mêmes, le décret prévoit que le pilotage concerne à la fois le chauffage et l’éclairage. Or, ont fait remarquer les élus, les systèmes d’éclairage de nombreux bâtiments publics ne sont pas forcément reliés au système de chauffage. Les collectivités devront donc « engager des investissements importants de raccordement ».
Comme souvent, le gouvernement n’a pas fourni de fiche d’impact suffisamment précise pour que les élus puissent réellement savoir à quoi s’en tenir. Les représentants des élus au Cnen ont exprimé des craintes sur les conséquences financières de la mise en place de ces systèmes « notamment dans les petites collectivités ». Le ministère a répondu que les retours sur investissements seront « rapide », eu égard aux économies d’énergie réalisées : il estime qu’avec un inflation à 4 % par an, « l’économie dégagée s’élèverait à 8,6 milliards d’euros » sur 15 ans. Ce qui, d’une part, semble hasardeux tant les fluctuations de l’inflation sont imprévisibles ; et, d’autre part, ne résout pas le problème de l’investissement à réaliser, qui pourrait être très au-dessus des moyens de nombreuses communes.
Les élus se sont aussi étonnés qu’après le rejet du projet de décret par le Cnen, le 1er décembre, «aucune concertation n’ait été organisée » avant la nouvelle présentation du texte, 15 jours plus tard. Ils concluent sur un avis lapidaire : « Les membres du collège des élus constatent que le ministère rapporteur élabore son texte sans tenir compte de l’avis des représentants des collectivités territoriales, pourtant principaux destinataires de la norme, la phase de concertation devenant ainsi de pure forme. Or, appliquer une méthode, reposant sur le dialogue et la prise en compte du volet opérationnel, est indispensable pour éviter de générer des effets contreproductifs que l’échelon central ne peut pas nécessairement anticiper, car seuls les élus locaux ont la pleine connaissance de la réalité du terrain. »
Mais le décret est publié. Chaque maire qui souhaite, par exemple, construire une école, devra respecter ces nouvelles obligations dès l’année prochaine.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 12 avril 2023