En novembre dernier, Caroline Cayeux, alors ministre déléguée aux Collectivités territoriales, avait annoncé la reconduite du programme Action cœur de ville jusqu’en 2026 (lire Maire info du 21 novembre). Elle avait aussi annoncé que le gouvernement allait désormais accompagner à travers cette deuxième phase du programme Action cœur de ville (2023-2026), les projets de rénovation des entrées de ville (lire Maire info du 22 février).
Lancé officiellement en février dernier par la ministre Dominique Faure, le dispositif « Entrées de ville » vise à adapter ces zones, qui « couvrent près de 500 millions de mètres carrés », aux enjeux actuels (lire Maire info du 12 septembre). « Depuis plusieurs décennies, les entrées de ville ont été marquées par un développement soutenu et ont pâti de l’absence de vision d’aménagement d’ensemble, elles sont souvent mal articulées entre elles et avec les centres-villes, explique Dominique Faure. Ce modèle n’est plus soutenable écologiquement, économiquement et socialement. »
Alors que la publication d’un guide présentant les différents outils permettant aux collectivités bénéficiaires du programme ACV de repenser les entrées de ville était attendue pour la mi-mai,l’ANCT l’a enfin dévoilé le 5 octobre dernier. À ce jour on sait qu’une quarantaine de communes impliquées dans le programme ACV se sont portées volontaires pour s’impliquer dans ce dispositif et qu’une trentaine va bénéficier d’un accompagnement de la Banque des territoires pour des sites pilotes. Le gouvernement vient aussi de lancer un appel à projets de requalification des zones commerciales qui accompagnera une vingtaine de projets.
Les outils mobilisables
La transformation des entrées de ville doit répondre à quatre objectifs : « favoriser la sobriété foncière et lutter contre l’artificialisation des sols » , « améliorer la qualité architecturale, urbaine et paysagère » de ces zones, « accompagner les évolutions du secteur commercial » et enfin « diversifier les fonctions urbaines de ces zones ».
Pour ce faire, des conseils sont à découvrir dans le document de l’ANCT. Il est tout d’abord rappelé aux collectivités concernées que « l’ANCT propose, via son marché d’ingénierie doté de 20 millions d’euros, de renforcer l’expertise au bénéfice des collectivités territoriales » . L’élargissement du périmètre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) peut aussi être appréhendé comme un outil car les collectivités peuvent ajouter les entrées de ville dans les secteurs d’intervention ORT. Pour rappel, « l’ORT est un outil créé par la loi Elan (…) visant une requalification d’ensemble d’un espace déjà urbanisé (surtout des centres-villes), dont elle facilite la rénovation du parc de logements, de locaux commerciaux et artisanaux, et plus globalement le tissu urbain, pour créer un cadre de vie attractif propice au développement à long terme du territoire ».
Il est indiqué dans le guide que les collectivités peuvent mobiliser les crédits de la direction générale des collectivités locales (DGCL), le Fonds vert doté de 2,5 milliards en 2024 (pour la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux ou encore l’aide au recyclage des friches) ou encore mobiliser le plan de transformation des zones commerciales de périphérie lancé en septembre dernier. Les collectivités peuvent aussi bénéficier d’un contrat de projet partenarial d’aménagement ou encore mobiliser l’appui en ingénierie des établissements publics fonciers notamment pour « la mise en place de stratégies foncières » . L’offre des partenaires du programme Action cœur de ville est aussi à prendre en compte notamment du côté de l’Anah, de la Banque des territoires, ou d’Action logement.
Enfin, l’ANCT pointe que « l’évolution des entrées de ville constitue une opportunité majeure pour accueillir de nouvelles activités industrielles, via le recyclage des friches qui s’y localisent, la mobilisation d’un foncier « caché » ou « sous-utilisé » et la transformation en profondeur des zones d’activités économiques existantes (par exemple pour développer de la mixité fonctionnelle au sein de zones commerciales obsolètes) » . Ainsi, « les communes du programme Action cœur de ville sont invitées à faire remonter les projets permettant la libération de nouveaux fonciers industriels, et les besoins d’accompagnement au programme Territoires d’industrie ».
Une transformation qui « ne doit pas être faite au détriment des centres-villes »
L’association Centre ville en mouvement (CVM) a publié, en réaction à la publication de ce guide et à l’annonce de cet appel à manifestation d’intérêt pour la transformation des zones commerciales situées en entrées de ville, un long communiqué dans lequel elle appelle à la plus grande vigilance face à l’effort annoncé pour ces entrées de ville « afin de ne pas déséquilibrer le centre-ville, lieu essentiel de nos communes, mais tellement fragile ».
Le communiqué rappelle que « les maires, l’État ou encore les régions ont investi beaucoup d’argent, afin de les sauver d’une situation qui était alarmante, il y a encore 10 ans. Ne faisons pas disparaître nos centres-villes en les vidant de leurs commerces et de leurs habitants au profit de ces pôles de centralités en périphérie ». En effet, la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs est un sujet sur lequel l’AMF alerte depuis des années et ne doit pas être laissé de côté. Sur Twitter, Philippe Laurent, président du bureau de CVM et vice-président de l’AMF, s’interroge sur la rénovation des zones commerciales en entrées de ville qui pourrait être « une fausse bonne idée » et invite les élus à rester « vigilants pour que ne soient pas de nouveau sacrifiés nos centres-villes ».
Enfin, on peut s’interroger sur la complexité du programme Action coeur de ville. Déjà en 2022, la Cour des comptes observait que « l’extension continue du programme à de nouveaux partenaires ou de nouveaux dispositifs a pu être source de complexité et compromettre la lisibilité des actions menées » . Le programme s’est certes élargi mais il ne faudrait pas qu’il devienne un casse-tête pour les élus qui sont déjà contraints au quotidien par les normes et la multiplicité d’appels à projets souvent difficiles d’accès aux communes sans moyen d’ingénierie. Un premier bilan de ce volet consacré aux entrées de ville sera donc bien utile.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 9 octobre 2023