Communes nouvelles
Plusieurs de ces préconisations vont dans le sens de ce que demande l’AMF de longue date. C’est le cas, par exemple, de la « relance de la dynamique des communes nouvelles ». Selon le rapporteur, si la création d’une commune nouvelle « ne génère pas en elle-même d’économies », elle permet de « rationaliser les interactions entre administrations ». Il lui paraît donc nécessaire de donner un second souffle au mouvement de regourpements de communes, en définissant un nouveau « cadre incitatif » via de nouvelles « incitations financières ». Le rapport propose notamment une majoration de la DGF pour les communes nouvelles – qui pourrait être de « 10 % pendant trois ans » – ainsi qu’une majoration des dotations d’investissement. Le rapport préconise également de « moduler le soutien de l’État à la nature du projet de fusion », notamment au nombre de communes fusionnées.
Il est également proposé de « relancer les regroupements intercommunaux volontaires », notamment en revenant au mode de calcul de la DGF d’avant 2013 (basé sur le coefficient d’intégration fiscal le plus élevé des EPCI fusionnant).
Transformer les dotations d’équipement en DGF
Sur le plan financier, le rapport appelle à « une refondation complète du financement des collectivités territoriales ». Il se penche en particulier sur les dotations d’équipement (DETR, Dsil, DPV…), qui ont représenté 5,4 milliards d’euros en 2022… et ont généré un « coût de gestion » de presque un milliard d’euros. Pour réduire ces coûts, Boris Ravignon propose de convertir ces subventions en majoration de la DGF, « afin de les mettre en situation de financer leurs investissements grâce à un meilleur autofinancement ». Ce qui se traduirait, pour le bloc communal, à un accroissement de 3,3 milliards de la DGF (+ 18 %). Si l’AMF est tout à fait partisane d’une solution qui amènerait à renforcer l’autofinancement des communes et EPCI, elle se montrait toutefois circonspecte, hier, sur une suppression totale de la DETR et de la Dsil, craignant « un risque de saupoudrage des montants et de versements sans lien avec les besoins de financements ».
L’AMF se montrent également peu enthousiaste sur l’idée figurant dans le rapport de limiter les subventions d’équipement entre collectivités aux seules compétences partagées : le rapport propose « d’exclure désormais la possibilité pour une collectivité de financer des investissements sans lien avec ses propres compétences ». Cette proposition pourrait, d’une part, conduire à l’annulation de certains financements, et l’AMF se pose la question de l’intérêt de « cloisonner la nature des projets en fonction des compétences ».
Propositions de transferts de compétences
Le rapporteur fait également toute une série de propositions pour donner à telle ou telle strate de collectivité la responsabilité exclusive dans un certain nombre de domaines. La nouvelle « clarification » des compétences qu’il propose s’appuie sur trois axes : « Unifier des compétences autour d’une responsabilité ; confier un rôle de chef de file dans un cas d’exercice de compétences à coordonner ; décentraliser de nouvelles responsabilités ». Le deuxième point, cependant, paraît quelque peu contradictoire avec le fait qu’au début du rapport, son auteur ne se montre pas tendre avec la notion de « chef de file » introduite par la réforme constitutionnelle de 2003, et la juge « peu opérationnelle ».
Il est notamment proposé de confier l’ensemble de la responsabilité du grand âge, de la médecine scolaire et du handicap aux départements, ainsi que celle des Sdis. De confier toute la politique de la ville aux EPCI, et la tranquillité publique aux seuls maires (dans les villes de plus de 20 000 habitants). Les régions deviendraient cheffes de file en matière de transition écologique. La responsabilité du logement « au sens large » serait confiée aux départements dans les « portions les plus rurales du territoire » ou aux « intercommunalités urbaines ». Il est également proposé de confier « le réseau départemental de voirie à l’intérieur des zones agglomérées vers le gestionnaire local (ville ou parfois EPCI) ».
Enfin, Boris Ravignon propose de faire des régions « les cheffes de file en matière de tourisme » et du bloc communal celui des équipements sportifs et culturels.
Ces propositions sont diversement reçues par les associations d’élus. L’association Département de France, par exemple, indiquait hier dans un communiqué qu’elle se félicitait de l’idée prendre la compétence grand âge ou handicap, mais que les départements ne sont « pas demandeurs » de la médecine scolaire.
Quant à l’AMF, elle est, d’après nos informations, plutôt réticente aux propositions du rapport en la matière : elle n’est favorable ni au transfert intégral de la politique de la ville aux EPCI, ni au chef-de-filât des régions sur la transition écologique et la politique de l’eau, ce qui pourrait avoir pour conséquence d’amoindrir le rôle des comités de bassin, par exemple. L’AMF n’est pas non plus désireuse de voir l’intégralité de la gestion et du financement des Sdis passer aux départements. Selon Thierry Lagneau, le référent sécurité civile de l’association, il ne faut pas oublier « le lien fort entre les communes et les pompiers, le maire ayant une responsabilité opérationnelle » vis-à-vis de ceux-ci. Il estime que le « cofinancement département-commune » fonctionne « plutôt bien ».
Le débat est en tout cas ouvert, et chaque association d’élus pourra donner son avis sur ces propositions. Celles-ci seront par ailleurs complétées, sans doute aujourd’hui, par celles du rapport Woerth sur la décentralisation, en attendant de savoir ce que le gouvernement retiendra de cette série de rapports. Les débats promettent d’être animés.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 30 mai 2024