La proposition de loi déposée par Françoise Gatel au Sénat, « portant création d’un statut de l’élu local », est débattue en séance publique depuis mardi. La ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a répété le 5 mars, dans Le Figaro, qu’elle entendait soutenir un certain nombre de propositions contenues dans ce texte, tout comme dans celui qui sera débattu à l’Assemblée nationale, présenté par Violette Spillebout et Sébastien Jumel.
Les « souhaits » du gouvernement
La ministre se dit « favorable à un statut de l’élu » qui serait adopté avant les élections municipales de 2026, et soutient notamment l’idée d’une revalorisation des indemnités des élus : « Nos élus locaux ne sont pas indemnisés à la hauteur de leur engagement. » Elle souhaite d’ailleurs que l’indemnité soit « ouverte aux conseillers délégués, (…) ainsi qu’aux autres conseillers municipaux », fût-ce de manière « symbolique ».
Dominique Faure veut aussi avancer sur la formation des élus (« je veux que chaque nouveau maire dispose de trois jours de formation » ) et que « les entreprises accompagnent mieux leurs salariés qui exercent une fonction élective ». Elle entend aussi « permettre aux collectivités de compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale pour les élus lors d’un congé maternité ».
Enfin, Dominique Faure soutient l’idée « d’une validation des acquis de l’expérience pour faciliter la reconversion des élus à la fin du mandat, mieux articuler vie d’élue locale et vie professionnelle ».
Amendements du gouvernement
Le gouvernement a déposé, dans le cadre du débat au Sénat, plus d’une vingtaine d’amendements à ce texte, dont certains ont déjà été discutés – et plusieurs rejetés par le Sénat.
Le gouvernement souhaitait notamment supprimer la disposition prévue dans le texte visant à accorder une « bonification » à certains élus (dont les maires, les adjoints, les présidents et vice-présidents d’EPCI) en matière de retraite, sous forme de l’attribution d’un trimestre supplémentaire par mandat, dans la limite de huit. Le gouvernement a demandé la suppression de ce dispositif, mais le Sénat l’a refusé.
De même, le gouvernement a demandé la suppression de l’article 4 de la proposition de loi. Celle-ci vise à étendre aux communes de moins de 3 500 habitants, et non de 1 000 comme c’est le cas aujourd’hui, le bénéfice de la dotation particulière élus locaux (DPEL). Le gouvernement s’y est opposé, arguant que la loi de finances pour 2024 a procédé à une revalorisation de la DPEL et qu’il « n’apparait pas opportun de procéder à une nouvelle modification de la dotation avant même sa répartition pour 2024 qui permettrait de mesurer les effets de cette première réforme ». Le Sénat a rejeté l’amendement gouvernemental et maintenu l’article 4.
Le gouvernement n’a pas eu plus de chance avec son amendement visant à supprimer l’article 8, qui vise à obliger les employeurs à octroyer jusqu’à 20 jours ouvrables de congé, « pour participer à la campagne électorale », aux candidats aux élections notamment municipales. Craignant « d’importants effets de bord économiques » pour les entreprises, le gouvernement souhaitait supprimer cette disposition, qui a finalement été maintenue.
Débat également sur la rédaction de l’article 9, qui a trait aux autorisations d’absence que l’employeur doit accorder aux élus pour l’exercice de leur mandat. Les sénateurs ont rejeté les dispositions envisagées par le gouvernement et conservé leur version, bien qu’amendée : il serait notamment ajouté aux motifs d’absence « les cérémonies publiques » et les réunions « organisée par l’EPCI, le département ou la région », quand l’élu y représente sa commune. Les sénateurs ont également voté le fait que « en cas de déclenchement d’une alerte rouge par le préfet sur le territoire de la commune, les membres du conseil municipal exerçant une fonction dans le secteur privé ou occupant une fonction dans le secteur public bénéficient d’un forfait temps de repos de 24 heures. Durant cette période, tout rappel professionnel et convocation liée à leur activité privée sont suspendus afin de permettre un temps de repos avant la reprise de leur activité ».
Les autres amendements gouvernementaux n’ont pas encore été discutés.
Articles additionnels
À l’heure où nous écrivons, 9 articles de la proposition de loi ont été adoptés, sur 28, et 4 articles supplémentaires ont été ajoutés par amendement. L’un d’entre eux (article 5 bis) vise à obliger le gouvernement à publier, dans les 12 mois qui suivront la promulgation de la loi, « un ‘’Statut de l’élu local’’ rassemblant l’ensemble des dispositions statutaires applicables aux titulaires d’un mandat électif local ». Cette tâche est, jusqu’à présent, assurée par les services de l’AMF.
Un autre article additionnel important a été adopté (8A) : il supprime l’incompatibilité entre un mandat communautaire et un emploi salarié au sein d’une commune membre de l’EPCI, cette incompatibilité étant jugée « disproportionnée » par les auteurs de l’amendement, le risque de conflit d’intérêt « n’existant pas » dans ce cas. L’incompatibilité demeurerait, en revanche, entre le mandat de conseiller communautaire et celui de salarié de l’EPCI.
Indemnités
Le Sénat a adopté sans difficulté les articles concernant la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints. Dans l’état actuel du texte, l’indemnité maximale versée aux maires serait portée à 1 115 euros dans les communes de moins de 500 habitants (contre 1 048 actuellement), à 1829 dans les communes de 500 à 999 (contre 1 657 actuellement) et à 2 343 euros dans les communes de 1000 à 3 499 habitants (contre 2 121 actuellement).
L’article 2 a également été adopté. Il modifie le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire « pour mieux indemniser les adjoints au maire et les conseillers municipaux ». Le rapport de la commission des lois précise que cet article « prévoit que les indemnités de fonction des adjoints aux maires et des exécutifs départementaux et régionaux sont par principe fixées au maximum légal ». Toutefois, l’assemblée délibérante peut, sur demande du maire ou du président, fixer un montant inférieur à ce taux légal.
Les sénateurs ont adopté l’article 5 du texte, qui rendrait obligatoire le remboursement par la commune des frais des transports « engagés par les élus pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci ». Ce remboursement n’est pour l’instant que facultatif. L’article 5 rendrait également « obligatoire la prise en charge par la collectivité des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique engagés par les élus en situation de handicap ».
Parmi les articles qu’il reste à examiner, on suivra de près, notamment, ceux visant à améliorer la prise en charge des frais de garde et d’assistance (article 16), celui qui obligerait l’employeur à suspendre temporairement le contrat de travail d’un élu suppléant à la fonction d’un maire empêché pour raisons médicales (article 17), ou encore celui modifiant les règles de la protection fonctionnelle (article 19).
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 7 mars 2024