On efface tout et on recommence. En avril 2022, le gouvernement publiait deux décrets d’application de la loi Climat et résilience sur le ZAN, l’un consacré à la nomenclature de l’artificialisation sols – c’est-à-dire, pour faire simple, quels terrains doivent être considérés comme artificialisés ou ne doivent pas l’être –, et l’autre à l’intégration des objectifs du ZAN dans les schémas régionaux (Sraddet). Ces deux décrets ont été très vivement critiqués par l’AMF qui a même, fait rarissime, saisi le Conseil d’État pour en contester la légalité.
Il faut dire que ces décrets avaient de quoi surprendre sur bon nombre de points, dont le plus emblématique était, dans le décret nomenclatures, le fait de considérer les « parcs et jardins » comme des surfaces… artificialisées. Quant au décret Sraddet, il rendait opposables les décisions des régions en matière de ZAN par rapport aux documents d’urbanisme des communes et EPCI, ce qui, avait notamment dénoncé l’AMF, représentait « une forme de tutelle d’une collectivité sur une autre ».
Le ministre Christophe Béchu, à l’automne dernier, avait reconnu que ces décrets « souffraient un certain nombre de remarques » et appelé les préfets à « lever les stylos », annonçant une « révision » de ces textes. Après plusieurs mois de concertation et de travaux, le gouvernement a récrit ces décrets, qui ont été présentés au Conseil national d’évaluation des normes en juillet dernier, recevant un avis favorable des représentants des élus. L’AMF avait alors salué la levée des principaux points d’achoppement et des « incertitudes juridiques ».
Nomenclatures
Le décret « relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols » est donc la nouvelle mouture du décret dit « nomenclature », dont il corrige les principaux défauts.
Il est à présent clairement précisé dans le texte que cette nomenclature ne vise qu’à pouvoir évaluer « le solde d’artificialisation nette des sols dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme » – ce qui n’a rien à voir avec la possibilité ou non, dans le PLU, de définir la constructibilité d’une zone.
Autre modification d’importance : alors que la première mouture du décret était totalement imprécise sur l’échelle à laquelle doit être mesurée l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme, le nouveau décret est beaucoup plus précis. « L’occupation effective [des sols] est mesurée à l’échelle de polygones », dont la surface est cette fois clairement indiquée en annexe du décret : 50 m² pour le bâti, 2 500 m² pour les autres surfaces. Le texte précise également que « les infrastructures linéaires sont qualifiées à partir d’une largeur minimale de cinq mètres » et qu’une « surface végétalisée est qualifiée d’herbacée dès lors que moins de 25 % du couvert végétal est arboré ». Seules les surfaces supérieures à ces seuils seront décomptées au niveau national par l’observatoire de l’artificialisation des sols.
Le nouveau texte corrige également l’aberration relevée dans le précédent : sont désormais considérées comme « non artificialisées » les surfaces « dont les sols sont végétalisés et à usage de parc ou de jardin public ».
Schémas régionaux
Le deuxième décret est « relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols » . Clairement, le gouvernement explique dans la notice du décret que ce nouveau texte vise à « mieux assurer l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et du bloc communal via les documents d’urbanisme d’autre part ».
Premier progrès : le texte mentionne désormais la notion « d’efforts passés », comme le demandait l’AMF. Les efforts de désartificialisation faits pendant les dix années ayant précédé la promulgation de la loi seront pris en compte dans les critères des Sraddet. Par ailleurs, le rapport d’objectifs du Sraddet devra « tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux des communes littorales ou de montagne, et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte ».
À noter également que le décret prévoit à présent « la possibilité de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d’extension de constructions ou d’installations nécessaires aux exploitations agricoles et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles ».
Mais le plus central est que le gouvernement a renoncé à permettre aux Sraddet (documents régionaux) d’être directement opposables aux PLU ou aux SCoT. Le décret précédent avait donné la faculté aux régions de « déterminer une cible d’artificialisation nette des sols » à l’échelle des SCoT. Cette phrase est désormais supprimée. Et alors que l’ancien décret avait rendu obligatoire pour les régions la définition de « règles territorialisées », le nouveau a une rédaction nettement plus souple : « Des règles différenciées peuvent être définies afin d’assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire en tenant compte des périmètres des schémas de cohérence territoriale ».
Commissions de conciliation
Le troisième décret publié ce matin, relatif « à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols » , est, lui, nouveau.
Rappelons que la loi prévoit maintenant que les projets « d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur » ne seront pas intégrés dans le décompte du ZAN. Si, par l’exemple, l’État décide d’implanter une ligne de LGV, il serait en effet injuste que les surfaces artificialisées pour ce projet soient imputées aux communes et aux régions qu’il concerne. Un forfait de 12 500 hectares artificialisables a donc été prévu pour ces projets.
La liste de ces projets sera prise par arrêté ministériel, après consultation des présidents de régions concernés et de la conférence régionale de gouvernance du ZAN.
La loi prévoit qu’en cas de désaccord d’un président de région sur la liste proposée par l’État, il sera possible de saisir une « commission de conciliation » régionale. Le décret en fixe la composition : trois représentants de la région, trois représentants de l’État et un magistrat administratif, qui préside la commission. Le préfet de région et le directeur régional de la Dreal sont membres de droit de la commission.
Reste la question de la participation des élus communaux ou intercommunaux à cette commission. Elle n’est pas de droit, mais possible « à titre consultatif dès lors qu’un projet les concerne ». L’AMF, lors de la réunion du Cnen où ce texte a été examiné, a dit « comprendre » le caractère facultatif de la présence des élus communaux et intercommunaux, dans la mesure où une ligne à grande vitesse, par exemple, vu son caractère linéaire, nécessiterait la présence de plusieurs dizaines d’élus. Néanmoins, l’arbitrage rendu par la commission de conciliation ne sera pas sans conséquence pour les communes et la disponibilité de leur foncier. L’AMF a donc demandé que la notice du décret insiste sur l’importance de solliciter les maires et présidents d’EPCI les plus concernés. Le gouvernement a donné doit à cette demande, en précisant dans la notice du texte : « La présence du maire et du président d’un EPCI est tout particulièrement recommandée dans le cas de projets ayant une implantation concentrée sur un périmètre communal et intercommunal bien circonscrit. »
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La parution de ces trois textes ne met pas fin au feuilleton – d’autres sont encore prévus. On attend notamment la publication imminente d’un décret et d’un arrêté sur les dérogations ZAN en matière de photovoltaïque. Autrement dit, les conditions que devront satisfaire les installations de panneaux photovoltaïques en zones agricoles, naturelles et forestières, pour ne pas être comptabilisées comme surface artificialisées. À suivre.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 28 novembre 2023