Le filet de sécurité mis en place par le gouvernement l’an dernier pour aider les communes et intercommunalités à faire face à la crise inflationniste se retourne contre un certain nombre d’entre elles, comme l’avait redouté le Comité des finances locales dès le départ. En effet, l’arrêté fixant définitivement les montants de cette dotation spéciale est paru hier, avec à la clé une très mauvaise surprise dans la colonne « montant à reverser par la collectivité » : pour 3426 communes ou intercommunalités sur un total de 6536 (soit 52 %), il va falloir rembourser les sommes avancées par l’État.
Rappel des règles
Rappelons le dispositif choisi par le gouvernement, qui avait été qualifié de « trop peu, trop tard et trop compliqué » par le CFL (Comité des finances locales). Pour faire face à la hausse du prix de l’énergie et à celle du point d’indice décidée en juillet 2022, une dotation de 430 millions d’euros avait été débloquée. Pour en bénéficier, communes et EPCI devaient satisfaire à deux critères cumulatifs : une épargne brute au 31 décembre 2021 représentant moins de 22 % de leurs dépenses de fonctionnement ; et une diminution de l’épargne brute en 2022 de plus de 25 % du fait de la hausse du point d’indice et de celle des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Par ailleurs, la dotation ne pouvait être versée qu’aux communes dont le potentiel financier par habitant « est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique ». Idem pour les EPCI, mais sur le critère du potentiel fiscal.
Les communes et EPCI correspondant à tous ces critères devaient avoir droit au remboursement par l’État de 50 % de la hausse des dépenses induite par l’augmentation du point d’indice, et 70 % de celles induites par l’inflation sur l’énergie et les produits alimentaires.
La loi précisait que les collectivités qui anticiperaient une diminution de leur épargne brute de plus de 25 % pour 2022 pourraient demander, dès l’automne 2022, un « acompte ». Sinon la dotation, précise le décret d’application, devait être versée en octobre 2023.
Un chiffre qui dégringole
L’arrêté paru ce week-end https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048206551 fixe les montants définitifs de la dotation. Pour les collectivités n’ayant pas demandé l’acompte, la somme leur sera versée, si elles entrent dans les critères. Pour celles qui ont demandé un acompte, trois cas sont possibles : ou bien l’acompte correspond à la dotation, et les collectivités en resteront là, sans toucher plus d’argent ni devoir reverser quoi que ce soit ; ou bien l’acompte a été inférieur à la dotation, et elles toucheront un complément ; ou bien l’acompte a été supérieur à la dotation, et les collectivités devront rembourser le trop-perçu.
Premier constat : le nombre de communes qui ont droit à une dotation est très faible. Il faut se rappeler de l’enthousiasme du gouvernement qui, au moment de faire voter ce dispositif, parlait de « 22 000 communes » qui devraient toucher une dotation. Il a ensuite parlé de 18 000, puis, dans un communiqué de novembre 2022, de 11 000. Plusieurs experts parlaient alors d’un chiffre tournant plutôt autour de 8 000 à 9 000.
Mais finalement, le nombre est bien plus faible : dans le tableau donné en annexe de l’arrêté paru hier, on peut compter le nombre de communes et EPCI ayant droit à une dotation. Il s’établit à 2 942. Soit presque 10 fois moins que le nombre initial prévu par le gouvernement !
La dotation versée à ces presque 3 000 communes s’établit à 405 millions d’euros environ, avec – logiquement – d’énormes écarts : la plus petite dotation versée est de 52 euros (au Sivu Énergie des Cévennes) et la plus importante de 9,1 millions d’euros (ville de Lille). Une trentaine de collectivités touchent moins de 1 000 euros, environ 80 touches plus d’un million d’euros.
Deuxième cas : les communes et EPCI n’ayant pas demandé d’acompte mais ayant droit à une dotation. Ces heureux élus sont au nombre de 2 178. Ils n’ont évidemment rien à reverser, n’ayant pas touché d’acompte. Les trois plus gros bénéficiaires sont Évry-Courcouronnes, Rennes et Lille, qui touchent chacun plus de 4 millions d’euros. La dotation moyenne s’établit à 212 000 euros, mais elle est tirée par le haut par quelques gros bénéficiaires. La médiane s’établit plus modeste à environ 19 500 euros.
Troisième cas : les collectivités ayant demandé un acompte, qui s’est avéré inférieur à la dotation finalement arrêté. Elles toucheront donc un complément. Ce cas concerne 753 communes et EPCI. On peut remarquer que certaines communes avaient fait une estimation très inférieure à leurs besoins réels : Bobigny, par exemple, avait demandé un acompte de 700 000 euros, alors que la dotation qui lui a été attribuée est de 7,6 millions. Ou Dreux, qui a demandé 340 000 millions d’acompte environ, et se verra verser un solde de plus de 2,2 millions d’euros.
Les perdants
Reste le cas des communes et EPCI qui ont demandé un acompte supérieur à la dotation effectivement calculée. Ils sont donc au nombre de 3 426. Parmi eux, 11 seulement ont droit à une dotation, mais celle-ci étant inférieure à l’acompte versé, ils devront en rembourser une partie à l’État. Par exemple, la communauté de communes Vendée Sèvre Autise a touché un acompte de 31 319 euros. La dotation calculée n’étant que de 1 480 euros, l’EPCI devra rembourser 29 839 euros.
Reste donc le cas des plus de 3 400 communes et EPCI dont il a été estimé qu’ils n’ont droit à aucune dotation, alors qu’ils avaient perçu un acompte. C’est la douche froide pour ces collectivités qui devront rembourser 100 de l’acompte touché. Comme la loi avait fixé à 1000 euros minimum le montant de l’acompte, ce sera aussi le montant minimum à rembourser. Mais pour certains, l’addition va être salée : 7 communes ou EPCI devront rembourser à l’État plus d’un million d’euros. C’est le cas de Sarcelles, Bondy, Grenoble, Nanterre. C’est Nice qui est dans la situation la plus défavorable, puisque la commune de Nice devra rembourser l’intégralité de l’acompte (presque 2.8 millions d’euros), tout comme la métropole Nice Côte-d’Azur (plus de 3,8 millions d’euros).
On peut bien sûr se réjouir du fait que le faible nombre de communes finalement retenues pour la dotation signifie que la crise aurait eu de faibles répercussions sur les finances communales – ce que le gouvernement ne manquera sans doute pas de faire. Mais une autre façon de voir les choses est que les critères ultra-restrictifs choisis pour attribuer cette dotation ont privé de nombreuses communes en difficulté du bénéfice de cette aide. Et que le système retenu des acomptes éventuellement remboursables – qui auront finalement constitué une forme d’avance de trésorerie – n’est certainement pas le plus satisfaisant, en particulier là où les communes et EPCI n’auront pas anticipé le remboursement.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 16 octobre 2023