Après l’onde de choc provoquée par l’agression, à leur domicile, des membres de la famille du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans la nuit de samedi à dimanche dernier, le gouvernement avait promis de nouvelles mesures, et Dominique Faure avait annoncé qu’elles seraient dévoilées aujourd’hui.
Propositions de loi
Rappelons qu’après la démission du maire de Saint-Brévin, en mai, le gouvernement avait déjà pris un certain nombre de mesures nouvelles, le « pack sécurité », et mis en place un Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (désormais désigné par l’acronyme Calae).
Le nouveau train de mesures dévoilé aujourd’hui s’articule autour de quatre axes : la protection juridique et psychologique, la protection physique, les mesures judiciaires et « le renforcement des relations maires-parquets ». Il va s’agir d’un cocktail de mesures législatives pour certaines, réglementaires pour d’autres. Le gouvernement va utiliser comme véhicule législatif deux propositions de loi : l’une du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, l’autre, au Sénat, signée par des parlementaires de plusieurs groupes dont Françoise Gatel, François-Noël Buffet et Mathieu Darnaud. Signalons qu’ont également été déposés au Parlement un texte du LR Thibault Bazin et un autre du groupe Liot, sur le même sujet. Tous ces textes ne pourront être débattus, mais il est probable que les mesures prévues par les uns et les autres seront discutées, par amendement, dans un texte unique.
Protection fonctionnelle
Sur la protection juridique d’abord, le gouvernement se dit d’accord avec la proposition du Sénat d’accorder la protection fonctionnelle de droit à un élu victime d’atteinte – alors que cela nécessite aujourd’hui une délibération du conseil municipal. Avec le dispositif prévu, le conseil municipal aurait certes la possibilité de s’y opposer, mais seulement « pour un motif d’intérêt général ». L’exécutif accepte également d’inscrire dans la loi – bien que ce soit déjà possible dans les faits – que l’État accorde lui-même la protection fonctionnelle lorsque l’élu subit une atteinte alors qu’il agit en tant qu’agent de l’État. La prise en charge par l’État des coûts de couverture assurantielle pour l’octroi de la protection fonctionnelle, actuellement réservée aux communes de moins de 3 500 habitants, va être étendue aux communes de moins de 10 000 habitants.
Un vide juridique inexplicable va également être comblé : alors que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle couvrent les membres des conseils des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles, elles ne concernent pas les membres des communautés de communes. Cette bizarrerie législative va être corrigée.
Enfin, un dispositif va être mis au point pour réduire le reste à charge supporté par les élus en cas de procédure judiciaire après une atteinte. « La mesure consisterait à obtenir un rehaussement du plafond des dépenses prises en charge dans le cadre des polices souscrites par les collectivités, ou à négocier une offre assurantielle plus couvrante (moyennant une augmentation du tarif et de la compensation) », explique le gouvernement.
« Sécurisation physique »
Lorsqu’un élu est exposé à un risque particulier, leur situation fera l’objet systématiquement « d’une évaluation par les forces de sécurité » avec éventuellement la mise en place de mesures telles que des patrouilles. Cette mesure, déjà annoncée au moment du « pack sécurité », devrait faire l’objet d’une instruction conjointe des ministères de l’Intérieur et de la Justice. « Sans attendre d’être menacés ou agressés, les élus peuvent également contacter les 3 400 « référents élus » présents dans les gendarmeries qui feront un diagnostic de la situation dans leur commune et prendrons des mesures adaptées », a précisé Dominique Faure devant les élus de Villes de France, hier. La ministre les engage de nouveau à « systématiquement porter plainte en cas de menaces, d’agression ou de dégradation pour que l’on puisse tout de suite évaluer et proportionner la réponse».
Par ailleurs, une partie des dépenses engagées par les collectivités pour mettre en place des mesures de sécurisation des locaux (alarmes, vidéosurveillance, gardiens…) pourrait être prise en charge par l’État, à travers le FIPD (Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance). Reste à savoir si celui-ci sera augmenté dans le prochain projet de loi de finances.
Le gouvernement propose aussi que des caméras de voie publique soient déployées « aux abords des sites menacés pour favoriser l’identification des auteurs ». Il s’agirait de caméras de la police nationale ou de la gendarmerie. « Le gouvernement va consacrer 3 millions d’euros à ce dispositif », a précisé Dominique Faure.
Enfin, le gouvernement se dit favorable à la proposition des associations de déployer des « boutons d’appel » permettant à des élus menacés de prévenir très rapidement les forces de l’ordre en cas d’agression et d’être géolocalisés. L’État va étudier les solutions techniques et « favoriser la diffusion » de ces dispositifs auprès des élus. Dominique Faure engage aussi les maires « à faire enregistrer leur numéro de téléphone par les gendarmes et les policiers, avant d’être menacés ou agressés. 1 800 maires l’ont déjà fait ». La ministre veut aussi convaincre les élus de « signaler les cybermenaces dont ils sont l’objet à la plateforme Pharos, ce qui nous a déjà permis de déréférencer plusieurs sites véhiculant des contenus violents contre les élus ».
Les mesures judiciaires
Il est maintenant acquis que le gouvernement va accepter que soit créée une « circonstance aggravante » lorsqu’un élu est victime de harcèlement. En revanche, on peut s’étonner de ne pas trouver dans la liste des mesures diffusées par le gouvernement l’alignement les peines pour les agresseurs d’élus locaux à celles existant pour les agressions contre les forces de l’ordre. Contacté par Maire info ce matin, le cabinet de Dominique Faure confirme que cette mesure sera bien soutenue pas le gouvernement, mais qu’elle n’a pas été intégrée dans les annonces d’aujourd’hui parce que le gouvernement « l’a déjà annoncée ».
Le gouvernement souhaite en revanche, comme le demandent les associations, « raccourcir les délais d’enquête et de jugement », ce qui passera, d’une part, par une circulaire du ministre de la Justice et, d’autre part, par « une organisation opérationnelle spécifique permettant de statuer sur les plaintes dans des délais brefs ». Signalons à ce sujet que l’AMF ne cesse de rappeler que ces dispositions dépendent surtout des moyens humains que les forces de l’ordre et le système judiciaire peuvent aligner sur ces enquêtes. Faute de ces moyens humains, ces dispositions risquent de n’être que symboliques.
Enfin, trois mesures sont annoncées pour renforcer les relations entre les maires et les parquets : l’élaboration d’un « protocole » précisant « les modalités de communication et d’information » entre les maires et les parquets, comme le réclame l’AMF. Des modules de formation croisés vont également être mis en place : les magistrats seraient formés au fonctionnement des collectivités, et les élus, au fonctionnement de l’institution judiciaire.
Enfin, le gouvernement se dit favorable à « la possibilité pour les procureurs de disposer d’un espace de communication dans les bulletins municipaux », afin de « favoriser la diffusion d’informations relatives à la politique pénale auprès des administrés des communes et mettre en avant les décisions rendues en matière de violences faites aux élus ». Cette disposition demande une modification de la loi.
Pas de plateforme nationale
Une déception, pour l’AMF, dans ce train de mesures intéressantes : sa demande de voir mise en place une plate-forme nationale de signalement et d’enregistrement des atteintes contre les élus ne figure pas dans ce nouveau plan. Pourtant, en mai, le ministère de l’Intérieur avait indiqué à Maire info que ses services étaient favorables à la mesure mais devaient en étudier la faisabilité « technique et juridique ». Ces travaux n’ont, semble-t-il, pas abouti.
Il reste aussi à savoir quand ces mesures pourront être mises en œuvre. Tout ce qui relève d’instructions ou de circulaires ministérielles pourrait aller assez vite. Les mesures législatives, en revanche, prendront plus de temps : Dominique Faure indiquait, en début de semaine, qu’il serait difficile de trouver une niche parlementaire pour débattre de ces propositions de loi avant le mois d’octobre.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 7 juillet 2023