L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a annoncé hier, via un communiqué, le rejet par le Conseil d’État d’un recours de l’opérateur de télécommunications Orange à son encontre.
Le Conseil d’État vient donc de siffler la fin d’une partie qui dure déjà depuis plus d’un an. En effet, en 2018, Orange avait pris des engagements précis d’abord par courrier en février 2018, puis fixés dans un arrêté ministériel le 26 juillet 2018. L’opérateur historique avait alors prévu de couvrir 100 % des zones AMII (dites zones AMII, pour appel à manifestation d’intention d’investissement), soit plus de 3 000 communes, avant le 31 décembre 2020.
L’échéance n’ayant pas été respectée, l’Arcep est entrée en jeu pour jouer son rôle de gendarme des télécoms. Ainsi, l’autorité a imposé à Orange en mars 2022 (décision n° 2022-0573-RDPI) de finaliser la totalité des déploiements au plus tard le 30 septembre 2022, sans prendre en compte les « logements et locaux pour lesquels un refus aurait été opposé par les copropriétés ou propriétaires concernés ».
Mais Orange a contesté cette décision, demandant l’annulation au Conseil d’État de cette mise en demeure. Quelques mois plus tard, l’opérateur a même « introduit une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le pouvoir de sanction de l’Arcep et l’article L33.13 du CPCE rendant juridiquement opposables les engagements pris par Orange en zone AMII. »
Heureusement pour l’Arcep, et pour les élus des territoires concernés, ces recours ont reçu une réponse négative de la part du Conseil d’État.
Le Conseil d’État valide la mise en demeure
La décision du Conseil d’État de retoquer le recours d’Orange s’appuie sur la non-recevabilité des arguments évoqués par l’opérateur. D’abord, l’institution rappelle que les engagements concernant le raccordement fibre par Orange portent « sur la couverture de l’ensemble des locaux existants au sein d’un périmètre donné, à l’échelle de chaque commune et pour des communes déterminées, dont elle a donné la liste » . Le Conseil d’État considère que pour apprécier le respect des engagements, l’Autorité « n’était pas tenue d’utiliser les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et sur lesquelles la société Orange s’était appuyée à titre indicatif pour estimer le nombre de locaux raccordables », et était fondée à « faire usage des données issues du fichier d’échange comportant les »informations préalables enrichies » (IPE), émanant des opérateurs chargés du raccordement des immeubles à la fibre optique » ».
Le Conseil d’État constate enfin, et surtout, que la société Orange n’a pas respecté ses engagements dans un certain nombre de communes et que, par conséquent, l’annulation de la mise en demeure « n’est pas fondée. »
Les pouvoirs de l’Arcep confirmés
Orange a aussi déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). En fait, l’opérateur remettait en cause l’article L33.13 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) qui sert de base juridique à l’arrêté ministériel de juillet 2018. Cette remise en cause rendrait « juridiquement opposables les engagements pris par Orange en zone AMII. » Or, le Conseil d’État considère que les engagements d’Orange au titre de l’article L33.13 ont été pris « librement » par les opérateurs « qui se placent volontairement dans une situation différente de ceux qui ne se sont pas engagés ».
La QPC remettait aussi en question le pouvoir de sanction de l’Arcep. Le Conseil d’État souligne que « l’attribution par la loi à une autorité administrative indépendante du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d’en assurer elle-même le respect, par l’exercice d’un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et les principes d’indépendance et d’impartialité. » . Résultat : la QPC ne sera pas transmise au Conseil constitutionnel.
Des engagements qui devront être respectés
Cette bataille juridique débouche finalement sur une bonne nouvelle pour les collectivités concernées par les retards de raccordement dans les zones AMII. Pour avoir une idée plus concrète des manquements d’Orange, il faut regarder les chiffres du quatrième trimestre 2022 relevés par l’Arcep : environ 88 % des locaux des communes sur lesquelles Orange s’est engagé ont été rendus raccordables et environ 95 % des locaux des communes sur lesquelles SFR s’est engagé ont été rendus raccordables. Pour rappel, 100 % des locaux devaient être raccordés il y a trois ans déjà. Selon l’Avicca, en 2022 « la complétude FttH a même reculé dans 372 communes de la zone AMII. »
Beaucoup reste à faire et cet engagement de 100 % pris par Orange devra être honoré. Mais comment ? Avec quelles sanctions ? A quelle échéance ?
La décision du Conseil d’État rappelle que l’Arcep est composée de deux instances : la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (dite « RDPI ») – qui est à l’origine de cette mise en demeure qui n’a pas caractère de sanction – et la formation restreinte. C’est cette dernière qui peut prononcer à l’encontre de l’opérateur notamment « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement ».
Pour le moment l’Arcep n’a pas fait part de ses intentions de prononcer ou non une sanction contre Orange. Il est certain que le retard à rattraper en zone AMII est conséquent mais la décision rendue par le Conseil d’État participera peut-être à faire bouger les choses. Cette décision laisse espérer une réaction de la part de l’opérateur qui ne pourra plus fermer les yeux sur la situation de nombreuses communes en zones AMII, auxquelles il a fait des promesses qu’il doit désormais honorer.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 25 avril 2023