Le Conseil constitutionnel a entériné, dans une décision rendue vendredi, la quasi-totalité de la réforme des retraites, et notamment la mesure-phare – et particulièrement décriée – du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 : le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans.
Les magistrats de la juridiction suprême ont, par ailleurs, invalidé le projet de référendum d’initiative partagée (RIP) présenté par l’opposition de gauche afin de revenir sur cette réforme en plafonnant l’âge de départ à 62 ans. A leurs yeux, ce projet ne constituait pas une « réforme » en tant que tel puisque le recul de l’âge légal à 64 ans n’était pas encore entré en vigueur au moment de la saisine. Ils doivent, toutefois, rendre un nouvel avis, le 3 mai prochain, sur un second projet de RIP similaire porté par la gauche, qui l’a amendé pour tenter de le rendre conforme.
Le président de la République a donc promulgué la loi dans la foulée – qui a été publiée dans la nuit de vendredi à samedi – , malgré la demande « solennelle » de l’intersyndicale de « ne pas [la] promulguer » ni de « l’appliquer ».
Le PLFRSS, un véhicule législatif conforme
Saisi par la première ministre, Elisabeth Borne, mais aussi par les députés de la Nupes, ceux du RN ainsi que par les sénateurs de gauche, les neuf membres du Conseil constitutionnel ont donc balayé les arguments des oppositions sur plusieurs points.
S’ils ont, d’abord, reconnu que les dispositions relatives à la réforme des retraites « auraient pu figurer dans une loi ordinaire », comme défendu par les oppositions, ils ont estimé que la décision du gouvernement « de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle ». Ainsi, il « n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard ».
En outre, le Conseil constitutionnel a bien admis que des ministres ont délivré des « estimations erronées » lors de « leurs interventions à l’Assemblée nationale et dans les médias », mais aussi que « plusieurs procédures [ont] été utilisées cumulativement pour accélérer l’adoption de la loi » (l’article 49.3 et l’article 44.2 de la Constitution, ainsi que les articles 38, 42, 44 alinéas 2 et 3 du règlement du Sénat) et que « l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel ». Cependant, les sages ont considéré que le premier grief était « sans incidence sur la procédure d’adoption de la loi », « dès lors que ces estimations ont pu être débattues», et assuré que l’utilisation de procédures combinées n’étaient pas « de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi ».
Sur le fond, ils estiment que « le législateur a entendu assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition et, ainsi, en garantir la pérennité ».
Censure : agents titularisés et visite médicale
Les magistrats ont, toutefois, considéré que six mesures inscrites dans la loi devaient être écartées de la réforme puisque considérées comme des « cavaliers sociaux ». Le gouvernement avait d’ailleurs été alerté sur ce point dans une note confidentielle du Conseil d’État.
Parmi ces dispositions, on peut retenir celle concernant la rétroactivité pour les fonctionnaires de catégories actives. Elle devait ainsi donner la possibilité aux « fonctionnaires ayant accompli leurs services dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant leur titularisation » de se prévaloir de cette partie de leur carrière pour leurs droits à la retraite. Ce ne sera donc pas le cas car les sages ont donné raison aux oppositions qui considéraient qu’elle n’avait « pas d’effet sur les recettes ou les dépenses de l’année » de la Sécurité sociale puisqu’elles «ne sont applicables qu’aux services accomplis en qualité d’agents contractuels à compter de la publication de la loi » (et n’auraient donc bénéficié aux agents titularisés que dans plusieurs années).
De la même manière, la création d’une visite médicale pour les salariés particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels « au cours de laquelle, si son état de santé le justifie, le salarié est informé de la possibilité d’être reconnu inapte au travail ».Selon le Conseil constitutionnel, « ces dispositions n’ont pas d’effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ».
Parmi les autres mesures invalidées par les sages, on peut retenir l’« index seniors » et le « contrat de travail seniors ».
Retraite des élus et hausse des cotisations
In fine, les élus pourront notamment retenir du texte les apports que le Sénat avait intégrés au PLFRSS.
D’abord, l’État compensera intégralement le surcoût résultant de la hausse annoncée des cotisations des employeurs territoriaux.
Ensuite, concernant la retraite des élus locaux, le texte ouvre la possibilité de cotiser uniquement pour la vieillesse (6,90 % pour la part élu) pour les élus qui ne cotisent pas au régime général sur leurs indemnités de fonction (c’est-à-dire ceux qui perçoivent moins de 1833 euros par mois d’indemnités), ce qui entraîne également une cotisation obligatoire vieillesse de la collectivité (8,55 % pour la part collectivité).
Enfin, on peut également noter que le dispositif des rachats de trimestres serait étendu aux «périodes pendant lesquelles l’assuré a été membre de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ». Ce qui doit mettre « un terme à l’injustice qui caractérise la retraite des élus locaux », avaient souligné certains parlementaires lors des débats.
Alors que la promulgation du texte n’a, loin s’en faut, pas apaisé la colère déclenchée par la réforme et que l’intersyndicale se projette déjà sur la grande manifestation du 1er mai (et menace d’attaquer les décrets d’application de la loi), Emmanuel Macron doit s’exprimer ce soir à 20 heures, dans une allocution solennelle, afin d’aborder la suite de son quinquennat.
Consulter le dossier législatif.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 17 avril 2023