Qui doit payer les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) pendant la pause méridienne ou les temps périscolaires ? Cette question, qui paraissait auparavant assez simple, a été largement compliquée par un arrêt du Conseil d’État de 2020. Cet arrêt a généré des situations d’inégalité entre établissements publics et privés sous contrats, ce qu’ont relevé depuis plusieurs sénateurs, qui veulent savoir ce que le gouvernement envisage pour résoudre le problème. Celui-ci a enfin apporté une réponse, la semaine dernière, mais celle-ci devrait décevoir les personnes concernées par le problème.
Une « évolution regrettable de la jurisprudence »
Jusqu’en 2020, les choses étaient simples : la loi du 30 avril 2003 avait confié à l’État la charge d’assurer l’intégration des enfants en situation de handicap « y compris en dehors du temps scolaire ». En conséquence, l’État devait rémunérer lui-même les AESH par exemple pendant le temps de repas de l’enfant à la cantine.
Mais en novembre 2020, le Conseil d’État en a décidé autrement : en effet, comme l’a expliqué par exemple la députée de la Seine-Maritime Agnès Canayer dans une question écrite au gouvernement, le Conseil d’État a jugé que en dehors du temps scolaire, « la rémunération des AESH, agents publics de l’État, incombe à la structure organisatrice de l’activité pendant laquelle ils accompagnent les enfants ». Dans le cas d’un élève scolarisé dans un établissement public, la restauration est organisée par la collectivité territoriale – la décision du Conseil d’État a donc «transféré la charge de la rémunération des AESH de l’État à cette collectivité territoriale ».
Cette situation n’est déjà pas satisfaisante et « pose des difficultés dans de nombreux territoires », note la sénatrice du Doubs Annick Jacquemet. Mais dans les établissements privés sous contrat, les choses sont encore plus compliquées. En effet, cette dépense ne peut être financée « ni par le forfait, ni par la contribution des familles ; l’un et l’autre étant strictement encadrés dans leur utilisation ». Le forfait (contribution payée par l’État ou les collectivités), est uniquement destiné à assurer la gratuité de l’externat simple ; quant à la contribution des familles, sa destination est elle aussi strictement encadrée (amortissement des bâtiments, acquisition de matériel scientifique, scolaire ou sportif, etc.). Conséquence : le paiement des AESH dans ces établissements, pour la pause méridienne, ne peut être payé que par une contribution supplémentaire des familles. Soit, conclut Agnès Canayer, « des traitements inégalitaires des enfants en situation de handicap selon le type d’établissement qu’ils fréquentent ».
« Ce sont les familles des enfants concernés qui subissent au quotidien les conséquences de cette évolution regrettable de la jurisprudence », ajoute Annick Jacquemet, qui demande au gouvernement « d’assurer la continuité du financement des accompagnants de ces élèves pendant le temps de pause méridienne, sans aucune distinction selon l’école choisie par les familles ».
Pas de solution du côté de l’État
Le ministère de l’Éducation nationale a fait une réponse commune, écrite, à toutes les questions de ces parlementaires. Il confirme l’interprétation faite par les sénateurs de la décision du Conseil d’État : « Il n’appartient pas à l’État mais aux collectivités territoriales – lorsque celles-ci organisent un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d’enseignement et de formation pendant les heures d’ouverture des écoles et établissements scolaires, ou encore des activités périscolaires – de s’assurer que les enfants en situation de handicap y aient effectivement accès et par conséquent de prendre en charge un éventuel accompagnement humain. »
Le ministère se dit « conscient des difficultés que l’application de la décision du Conseil d’État est susceptible d’engendrer » … mais il ne répond pas clairement à la question posée à propos de l’enseignement privé sous contrat. Le gouvernement « œuvre à harmoniser les pratiques et à garantir la continuité de l’accompagnement des enfants concernés ». Dans cet objectif, « des échanges se tiennent au niveau local entre les services du ministère, les collectivités et les établissements concernés », notamment pour assurer que « ce soit le même AESH qui accompagne l’élève pendant les temps pédagogiques et au moment du déjeuner ». Lorsqu’une collectivité le demande, « il est possible pour un établissement de mobiliser un AESH de l’Éducation nationale sur le temps de la pause méridienne (…) au travers d’un contrat unique contre remboursement à l’Éducation nationale des heures effectuées ». Cette possibilité, ajoute le ministère, a été récemment rappelée aux services déconcentrés dans une « note de service ».
Ce qui ne résout nullement la question du financement : là où ce ne sont pas les collectivités qui payeront la facture, ce seront donc les familles. Le gouvernement, apparemment, n’envisage pas de remédier à cette situation.
Rappelons que l’attribution des AESH est décidée par les MDPH (Maisons départementales pour les personnes handicapées), qui prescrivent…mais ne payent pas la prise en charge de ces assistants.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 27 mars 2023