Où trouver les quelque 400 milliards d’euros nécessaires pour réaliser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics – ceux de l’État comme ceux des collectivités territoriales ? Les sommes colossales à trouver excèdent, très largement, les capacités d’investissement des collectivités qui, pour reprendre une expression souvent utilisée pendant ce débat au Parlement, se cognent contre ce « mur d’investissements ».
Le dispositif adopté définitivement la semaine dernière par le Parlement met à disposition des collectivités, sinon une solution miracle, du moins un nouvel outil : la possibilité de faire financer les travaux par un tiers, et de le rembourser ultérieurement, grâce aux économies réalisées du fait des économies d’énergie.
Dérogation au Code de la commande publique
Le texte, déposé en novembre dernier par les députés de la majorité, a connu un parcours parlementaire plutôt rapide : adopté en janvier par l’Assemblée nationale, puis en février par le Sénat, il a fait l’objet d’une commission mixte paritaire particulièrement consensuelle le 9 mars. La version finale a été définitivement validée par les deux chambres la semaine dernière, et le texte n’a donc plus qu’à être promulgué.
Que contient le texte adopté ? Une expérimentation est lancée pour cinq ans, permettant à l’État, aux établissements publics, aux collectivités territoriales et aux EPCI, de conclure un « marché global de performance » avec un tiers (par exemple une entreprise du BTP). Ce tiers s’engage à ce que les travaux permettent d’atteindre un objectif chiffré (par exemple une baisse de X % de la consommation énergétique d’un bâtiment), et, surtout, il avance le montant des travaux. La collectivité va ensuite rembourser cette avance – plus les intérêts – en partant de l’idée que les économies d’énergie réalisées va lui donner de nouvelles marges de manœuvre financières.
Ce dispositif est dérogatoire aux règles habituelles de la commande publique puisque, normalement, ni l’État ni les collectivités n’ont le droit de procéder à un paiement différé. Par ailleurs, le recours à un marché global de performance permet de ne pas allotir le marché.
Il faut toutefois noter que ce dispositif n’est pas entièrement nouveau, puisque plusieurs régions ont déjà expérimenté le tiers-financement, notamment en coopération avec la Banque des territoires. Il trouve néanmoins maintenant une traduction législative ferme.
Encadrement strict
De nombreux parlementaires – et le ministre Christophe Béchu lui-même – ont insisté pendant les débats sur le fait que ce dispositif n’avait rien d’une « solution miracle », puisqu’il se soldera par le paiement d’intérêts, ce qui signifie qu’il restera plus coûteux que des travaux effectués via une procédure plus classique. Comme l’a répété la rapporteure du texte au Sénat, Jacqueline Eustache-Brinio, il s’agit simplement d’une « solution complémentaire, qui ne nous dédouanera pas d’une réflexion d’ensemble sur la transition environnementale à l’échelle locale ». Cet outil pourrait néanmoins « permettre de débloquer nombre de projets locaux en faisant partiellement reposer le financement des travaux sur les économies d’énergie qui en résulteront ». Le dispositif, comme l’a expliqué le sénateur Éric Gold, permettra donc « aux administrations de lisser dans le temps le coût des travaux ».
Il reste que les expériences passées autour des PPP et des emprunts toxiques ont laissé de très mauvais souvenirs à un bon nombre de maires, ce qui explique que le Parlement a cherché à encadrer et sécuriser au maximum le nouveau dispositif : pour éviter « l’émergence de mauvaises pratiques et de mauvaise dette », le législateur a limité le dispositif à une expérimentation de cinq ans, avec rapport du gouvernement, trois ans après la promulgation de la loi (soit au printemps 2026), qui devra notamment faire un point précis sur « les conséquences budgétaires des contrats sur les finances des acheteurs publics concernés ».
Le Parlement a également modifié le texte pour garantir que le recours à ces contrats de tiers-financement ne pourra se faire qu’au terme d’une « étude préalable » démontrant que « le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performances énergétiques ». Le texte définitif est clair : « Le critère du paiement différé ne peut à lui seul constituer un avantage. »
Par ailleurs, l’acheteur devra réaliser « une étude de soutenabilité budgétaire », qui sera soumise au contrôle des services de l’État.
Ce n’est qu’après présentation de l’étude préalable et de l’étude de soutenabilité financière devant l’assemblée délibérante de la collectivité que celle-ci pourra adopter, ou non, le recours à un tel contrat.
Il va donc s’agir d’une procédure assez complexe et lourde, demandant d’importants moyens d’ingénierie. Ce qui fait craindre à un certain nombre de parlementaires que ce dispositif soit peu adapté aux plus petites communes.
Pour que le système devienne pleinement effectif, il faut maintenant attendre non seulement la publication de la loi mais surtout la parution de plusieurs décrets prévus par le texte.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 28 mars 2023