C’est un phénomène qui se développe mais dont les victimes ont du mal à se faire indemniser. Connu sous le sigle « RGA » (retrait/gonflement des argiles), il s’agit du deuxième aléa le plus fréquent après les inondations. Le nom scientifique de ce phénomène (mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols) dit clairement de quoi il s’agit : à la suite de successions d’épisodes de sécheresses, les sols argileux se rétractent ; puis, au moment de pluies importantes, ils se gorgent d’eau et gonflent. Conséquence : des mouvements de terrains qui abiment les structures des habitations, avec des dégâts allant de fissures jusqu’à des effondrements.
10 millions de maisons exposées
Selon le BRGM, qui a mis au point une cartographie des zones d’expositions (consultable sur le portail Géorisque), « 10 millions de maisons individuelles environ sont exposées à un risque moyen ou fort de retrait-gonflement des argiles ». Plus de 1 500 communes font l’objet, chaque année, d’un arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sur l’aléa RGA, avec une augmentation marquée depuis 2015 : l’accélération du changement climatique, avec davantage de périodes de sécheresse et d’épisodes de pluies violentes, rend ce risque plus prégnant.
Problème : le risque est mal connu et mal indemnisé, et on estime à 50 % environ le nombre de demandes d’indemnisation qui n’aboutissent pas.
Le législateur a donc prévu, à l’article 161 la loi 3DS, que le gouvernement prenne une ordonnance pour « améliorer la prise en charge des conséquences exceptionnellement graves sur le bâti et sur les conditions matérielles d’existence des assurés des désordres » causés par ce phénomène.
C’est cette ordonnance qui a été présentée hier et publiée dans la foulée au Journal officiel de ce matin.
Préconisations
Cette ordonnance reprend, en grande partie, les préconisations formulées sur ce sujet par la Cour des comptes dans un rapport paru il y a un an. Dans ce rapport, les magistrats financiers jugeaient le régime de prévention et d’indemnisation « inadapté » et dressaient un constat sévère : « La connaissance (de ce) phénomène, pourtant ancienne, ne s’est accompagnée d’aucune politique efficace de prévention », du moins jusqu’à la loi Elan du 23 novembre 2018, qui a établi des règles de construction dans les zones à risque. Le régime actuel d’indemnisation n’est « pas soutenable » eu égard à la certitude que ce risque va aller croissant dans les années à venir. Enfin, ce régime est « inéquitable et inadapté ».
La Cour formulait trois préconisations : d’abord agir sur la prévention, en contrôlant davantage le respect des mesures créées par la loi Elan ; « intégrer le risque RGA dans l’état des risques naturels et technologiques accessible à tout acquéreur ou locataire d’un bien immobilier » ; et enfin, accélérer les projets de recherche pour disposer de solutions de « remédiations » pour les habitations construites avant la loi Elan.
Ce que contient l’ordonnance
L’ordonnance renforce, dans le Code des assurances, le chapitre consacré au RGA, en ajoutant la notion de « succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative ». « Cette adaptation vise à permettre l’indemnisation des dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante ce phénomène naturel, dès lors qu’il en résulte, pour les assurés, des conséquences directes provoquant des désordres d’une gravité exceptionnelle dans leurs conditions matérielles d’existence », commente le gouvernement.
Elle prévoit, comme le souhaitait la Cour des comptes, un renforcement des contrôles sur les mesures prévues par la loi Elan, ces dispositions devant entrer en vigueur en 2025. Il s’agit là de « fixer des règles spécifiques d’encadrement de l’expertise d’assurance en matière de sécheresse et de réhydratation des sols et définir un régime de contrôles et de sanctions des experts ».
L’ordonnance fixe également une obligation d’affectation de l’indemnité perçue par l’assuré « à la mise en œuvre des travaux de réparation des dommages indemnisés au titre du phénomène de sécheresse ».
Enfin, toujours en suivant les préconisations de la Cour des comptes, une attestation selon laquelle la construction s’est faite dans le respect des règles de prévention des risques liés aux terrains argileux devra désormais être annexée à la promesse de vente et « rester annexée au titre de propriété ».
Il reste maintenant à connaître le contenu des décrets d’application prévus dans ce texte, qui fera également l’objet d’une circulaire. Il faudra en particulier définir plus précisément la notion de «succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative ». Ce sujet sera certainement mis à l’ordre du jour de la nouvelle commission nationale consultative des catastrophes naturelles, créée par la loi du 28 décembre 2021, qui comprendra six élus représentants les communes et intercommunalités.
SOURCE : MAIREInfo – Édition du jeudi 9 février 2023