Patients à haut risque
Ce sont les propos tenus par le porte-parole d’Enedis, Laurent Méric, qui ont agacé le chef de l’État et la cheffe du gouvernement. Laurent Méric, lundi, a déclaré que les patients dits « à haut risque vital » ne « font pas partie des clients prioritaires définis par les préfectures », et qu’en conséquence, ils peuvent eux aussi être soumis à des délestages.
« Scénario absurde », a sèchement recadré Emmanuel Macron, hier. « Le rôle des entreprises publiques n’est pas de transférer la peur. Stop à tout ça ! Je demande à chacun de faire son travail. Le travail d’EDF, c’est de faire tourner les centrales. » Élisabeth Borne a, de son côté, critiqué des propos « maladroits » et demandé que ne soient pas « agitées des fausses peurs ».
Sauf que les propos de Laurent Méric sont parfaitement exacts. Les « patients à haut risque vital » (personnes sous respirateur, en dialyse à domicile, nourrissons nourris par sonde…) ne font pas partie des clients prioritaires dont les préfets, conformément à l’arrêté du 5 juillet 1990, doivent définir la liste. Ces « clients prioritaires » ne seront pas touchés par les délestages.
Cela ne signifie pas que ces patients – au nombre de 5 000 environ – ne bénéficieront pas d’une attention particulière. Avant même la circulaire diffusée mercredi dernier, dont Maire info a détaillé le contenu dans son édition de vendredi, Enedis avait déjà communiqué sur le dispositif mis en place pour ces patients particuliers. Leur liste sera communiquée à Enedis par les ARS, et ce sont les agents d’Enedis qui les préviendront en amont en cas de risque de coupure à leur domicile, afin qu’ils puissent « prendre leurs dispositions ». L’opérateur prévoit d’aller jusqu’à une visite domiciliaire si les patients ne répondent pas aux messages ou appels téléphoniques. Quant à la circulaire, elle précise que si aucune solution n’est trouvée, les préfets pourront avoir à organiser « le déplacement » de ces patients.
Rien « d’absurde », donc, dans les propos du porte-parole d’Enedis.
Établissements recevant du public
De son côté, l’AMF a réagi hier, par communiqué de presse, au contenu de la circulaire, en demandant un certain nombre de précisions et en donnant « l’alerte » sur les conséquences de ces possibles délestages sur les services publics locaux.
Premier sujet – pointé depuis des mois par la FNCCR et par l’AMF : celui des stations d’assainissement et de traitement de l’eau potable. Une nouvelle fois, l’AMF demande que ces installations soient classées en site prioritaire, pour éviter « des conséquences majeures pour les habitants » : coupures d’eau dans les hôpitaux, bornes incendies « inutilisables », pollution, etc.
Par ailleurs, sur les écoles, l’AMF rappelle que les maires, « en tant que responsables de la police des établissements recevant du public, doivent déterminer si les conditions de réouverture des établissements scolaires sont réunies et engagent leur responsabilité pénale ». La décision du gouvernement de fermer les écoles une demi-journée en cas de délestage, mais uniquement si celui-ci a lieu le matin, pose en effet question. Que l’on soit le matin ou l’après-midi, une école reste un établissement recevant du public (ERP), dans lequel des règles de sécurité strictes doivent être appliquées. L’AMF rappelle que les coupures d’électricité entraîneront « l’arrêt des systèmes d’alarme et anti incendies, du chauffage, des serveurs informatiques, des systèmes anti-intrusion, des ascenseurs, et parfois de l’alimentation en eau ». Ouvrir un établissement dans ces conditions paraît pour le moins risqué – et c’est d’ailleurs le cas, bien au-delà des écoles, pour tous les ERP.
L’AMF demande au passage que les crèches soient « intégrées dans la liste des sites prioritaires ».
Délai de prévenance
L’association estime en outre que le déroulé opérationnel décidé par le gouvernement et par Enedis ne donnera pas aux maires le temps de prendre les dispositions nécessaires. En l’état actuel des choses, c’est seulement à 17 h, voire 17 h 30, que les maires seront prévenus de la certitude d’une coupure dans tout ou partie de leur commune. Il faut préciser qu’ils seront en revanche prévenus du « risque » de coupure trois jours avant. Pour l’AMF, ce délai de prévenance « ne permettra pas d’avoir une communication précise et adaptée en direction des habitants et de nos agents ». Ce délai trop court compliquera notamment l’organisation du déjeuner à la cantine, « que l’État demande aux communes de maintenir ».
L’AMF demande donc que l’alerte soit donnée plus tôt, à 12 h la veille, ce qui serait « compatible avec un objectif de service minimum ». Elle propose par ailleurs au gouvernement qu’un travail de « concertation » soit mené en amont, entre l’État et les maires, « pour que les décisions en matière de gestion du délestage puissent être adaptées aux réalités locales et à la vie des habitants ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 7 décembre 2022