« Contrats de confiance » , comme les appelle le gouvernement, ou « contrats de méfiance » , comme les a surnommés André Laignel, le président du CFL ? En attendant l’arrêté qui doit être signé par les ministres Christophe Béchu, Caroline Cayeux et Gabriel Attal, beaucoup d’interrogations subsistent sur le nouveau dispositif élaboré par le gouvernement pour exiger des collectivités qu’elles participent « à la maîtrise des dépenses publiques ».
Pas de « punition collective »
Pour l’entourage de la ministre chargée des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, le nouveau mécanisme est fondamentalement différent des contrats de Cahors – et certainement pas « pire » , comme l’écrivait hier Maire info.
Rappelons que le dispositif décidé consiste à demander, en particulier aux collectivités dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros (au lieu de 60 millions d’euros pour les contrats de Cahors) de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement en maintenant celle-ci un demi-point en dessous de l’inflation. Soit, pour l’année prochaine, une hausse plafonnée à 3,8 %.
« À l’époque, souligne un conseiller de la ministre, il y avait bien un contrat, signé par les collectivités concernées avec le préfet, et des contrôles à la clé. Ici, on est dans un dispositif fondé sur une logique de confiance ».
Pas de contrats à signer, cette fois. L’architecture du dispositif est différente, puisque le calcul de l’évolution des dépenses ne se fera pas collectivité par collectivité mais « à l’échelle de chaque strate (départements, régions, communes…)» , explique le cabinet. « Si l’objectif est respecté à l’échelle de la strate tout entière, il ne sera pas tenu compte du dépassement individuel de telle ou telle collectivité individuelle » . Autrement dit, si par l’exemple l’ensemble des départements a respecté, en moyenne, le plafond des 3,8 %, des départements, pris individuellement, qui ne l’auraient pas respecté ne seront pas sanctionnés. En revanche, poursuit le conseiller de la ministre, si sur l’ensemble des départements l’objectif n’est pas atteint, il n’en ira pas de même : les préfets devront alors identifier les collectivités « vertueuses » et celles qui ne le sont pas, et les collectivités qui auront dépassé le plafond seront sanctionnées. « On ne peut pas procéder autrement, explique le cabinet, dans la mesure où l’on ne va évidemment pas punir collectivement toute une strate » . Ce n’était d’ailleurs pas non plus le cas dans les contrats de Cahors qui prévoyaient en outre une modulation des objectifs à atteindre en fonction de la situation de la collectivité, ce qui ne semble pas être le cas dans le nouveau dispositif.
Sanctions plus dures
Le cabinet reconnaît toutefois que les sanctions évoquées par Gabriel Attal sont nettement plus dures que celles prévues par les contrats de Cahors. Alors que, en 2018, il n’était question que de « reprises financières » qui pouvaient n’être pas trop douloureuses, on parle ici de couper le robinet des dotations de l’État (DETR, Dsil ou fonds vert). « Le principe est d’avoir un mécanisme dissuasif, explique le cabinet de Caroline Cayeux, et si l’on veut être dissuasif, il faut des sanctions plus dures. » Ce qui, on en conviendra, est une vision particulière de la « confiance ».
Rappelons qu’il n’y a pas non plus, contrairement au dispositif de Cahors, de « carotte » financière pour les collectivités qui respecteront les règles : des sanctions « dissuasives » pour celles qui ne seront pas dans les clous, mais rien pour celles qui feront l’effort.
De même, l’entourage de la ministre ne nie pas que le dispositif touchera un nombre de collectivités plus important que celui des contrats de Cahors – environ « 150 de plus » . Le gouvernement ne souhaitait pas reproduire le même périmètre que celui des contrats de Cahors et, en augmentant le nombre de collectivités concernées, le rendre « plus collectif » : « Il faut que le mécanisme soit le plus collectif possible pour que tout le monde rentre dedans ».
Davantage de collectivités concernées
Les conseillers de Caroline Cayeux insistent cependant sur le fait que le dispositif se limitera aux collectivités entrant dans les critères (plus de 40 millions d’euros de budget), c’est-à-dire que, pour les communes, le calcul de l’évolution moyenne de la dépense ne se fera que sur les villes concernées et pas sur l’ensemble des 35 000 communes. Cela dit, le ministère espère que les autres communes seront sentiront « embarquées » , comme l’a dit Gabriel Attal, dans le dispositif : « L’exemple des contrats de Cahors a montré qu’il y a un effet d’entraînement, à l’époque la plupart des communes, qui n’étaient pas concernées par le dispositif, ont maintenu l’évolution de leurs dépenses dans les critères des contrats de Cahors » .
Quant aux chiffres de l’AMF cités par Maire info hier, selon lesquels, si l’ensemble des collectivités devait respecter ces règles, cela représenterait un effort cumulé de 17 milliards d’euros sur cinq ans, ils « surprennent » le cabinet de la ministre, qui souhaite maintenant prendre attache avec l’association pour les comparer avec ses propres calculs.
Quoiqu’il en soit, il semble bien que le dispositif soit aujourd’hui entièrement bouclé par le gouvernement. Ce qui contredit la volonté affichée dans le projet de loi de programmation des finances publiques, déposé avant-hier à l’Assemblée nationale, qui dispose à l’article 16 que les collectivités seront « associées » à « l’élaboration des modalités » du dispositif. Rappelons que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) n’a pas été saisi du projet de loi de programmation des finances publiques, alors même que l’impact des collectivités est clair. Reste le temps du débat parlementaire. Et l’on verra, par la suite, si les collectivités seront ou non « associées » à la rédaction de l’arrêté ministériel fixant les règles de ce nouveau dispositif.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 28 septembre 2022