L’Assemblée nationale, le 8 février, et le Sénat, le 9 février, ont définitivement adopté le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Synthèse (non exhaustive) des principaux articles intéressant les collectivités.
Le projet de loi 3DS, dans sa version issue de l’accord trouvé en commission mixte paritaire, le 31 janvier, a été définitivement voté par l’Assemblée nationale le 8 février et par le Sénat le 9 février. La loi a, depuis, été publiée au Journal officiel (loi n° 2022-217 du 21 février 2022). Le gouvernement s’est engagé à publier les décrets d’application dans les six mois suivants la promulgation de la loi.Initialement composé de 84 articles, le texte en compte au final 271 ! Pour autant, son objectif n’est pas d’être la grande loi marquant une nouvelle étape de la décentralisation à laquelle appelaient l’AMF, Régions de France et l’ADF, qui ont réitéré leur souhait en la matière. Mais, plus modestement, de «simplifier l’action locale, différencier les solutions, rapprocher l’État du terrain, lever les freins inutiles et faciliter le quotidien des collectivités et de leurs élus », a dit Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Maires de France présente les principaux articles intéressant les collectivités.
Différenciation. L’article 1er de la loi prévoit que «dans le respect du principe d’égalité, les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations » entre elles (géographiques, économiques ou sociales). La différence de traitement qui en résulte doit être «proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit. »
Pouvoir règlementaire. La fixation du nombre de membres élus et nommés dans les CCAS et CIAS sera effectuée par délibération de la collectivité ou de l’EPCI sans limite maximum. Le régime des redevances dues aux communes, aux EPCI et aux syndicats mixtes pour l’occupation provisoire du domaine public par des chantiers de travaux sera fixé par délibération du conseil municipal, du conseil communautaire ou du comité syndical. Un décret fixera les conditions et les plafonds pour le régime des redevances.
Délégation de compétences. Le texte ouvre la possibilité de délégation de compétences entre collectivités et EPCI «pour la réalisation de projets structurants sur les territoires » et non sur l’ensemble d’une compétence. Un EPCI peut, avec l’accord unanime de ses communes membres, «déléguer à un département ou à une région tout ou partie d’une compétence qui lui a été transférée par ses communes membres ».
Déconcentration. Le préfet sera le délégué territorial de l’Ademe et de l’Office français de la biodiversité (OFB). Le préfet de bassin présidera le conseil d’administration des agences de l’eau. Les préfets de département pourront se voir déléguer, par le préfet de région, l’attribution des crédits de la dotation de soutien à l’investissement public local (DSIL).
Participation citoyenne locale. La loi prévoit que l’organisation d’une consultation sur toute affaire relevant de la décision d’une assemblée délibérante devra être signée par un dixième des électeurs d’une commune (et non plus par un cinquième) et par un vingtième des électeurs des autres collectivités territoriales (et non plus par un dixième). La pétition pourra avoir pour but de de saisir la collectivité de toute affaire relevant de sa compétence «pour inviter son assemblée délibérante à se prononcer dans un sens déterminé ».
Compétences communes-interco.
- Compétences territorialisées : une ou plusieurs communes pourront transférer tout ou partie d’une compétence facultative à leur intercommunalité (scolaire, petite enfance…) en application du principe de différenciation territoriale.
- Intérêt communautaire : le texte soumet l’exercice de la compétence voirie à la reconnaissance d’un intérêt communautaire ou métropolitain, dans les communautés urbaines et les métropoles. Les communes, communautés urbaines et métropoles pourront décider conjointement de distinguer la voirie d’intérêt communautaire (gérée par l’intercommunalité) de la voirie qui relève des communes. La communauté urbaine ou la métropole pourront déléguer à leurs communes membres, par convention, l’entretien de la voirie intercommunale en mettant à leur disposition les équipements et services nécessaires.Dans les communautés urbaines, l’exercice de la compétence «cimetières et crématoriums» sera soumis à la reconnaissance d’un intérêt communautaire.
- Tourisme : la loi prévoit la possibilité d’une restitution de la compétence tourisme aux communes touristiques des communautés d’agglomération et aux stations classées des communautés urbaines et des métropoles. Les restitutions s’effectuent par accord à la majorité qualifiée.
- Eau-assainissement : la loi maintient le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes d’ici à 2026. Mais le texte prévoit que «les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines ou dans l’une de ces matières, inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes exerçant à titre obligatoire les compétences eau et assainissement à partir du 1er janvier 2026, sont maintenus par la voie de la délégation », après 2026, «sauf si la communauté de communes délibère contre ce maintien. »Dans l’année qui précède le transfert obligatoire au 1er janvier 2026 de ces compétences, les communes et la CC organisent un débat sur les modalités de sa mise en œuvre. Les EPCI pourront mobiliser leur budget général pour éviter une augmentation sensible des tarifs de l’eau liée aux investissements nécessaires ou pendant la période d’harmonisation des tarifs suivant la prise de compétence.
- Social : les métropoles pourront se doter de centres intercommunaux d’action sociale (CIAS).
Métropole d’Aix-Marseille-Provence. Le conseil de la métropole devra délibérer pour arrêter l’organisation territorialisée de ses services au plus tard le 1er juillet 2022. Les conseils de territoires seront supprimés au 1er juillet 2022. L’intérêt métropolitain des compétences devra être redéfini d’ici fin 2022.
Au 1er janvier 2023, les communes se verront restituer certaines compétences (tourisme, cimetières et sites cinéraires, défense contre l’incendie, réseaux de chaleur ou de froid…). La métropole pourra leur déléguer la compétence «eaux pluviales urbaines » et voirie.
« Avant le 1er septembre 2022, la chambre régionale des comptes rendra un avis sur les relations financières entre la métropole et ses communes membres », lequel sera débattu dans un délai de deux mois afin d’en tirer les conséquences. Le Gouvernement remettra au Parlement, «avant le 31 décembre 2023 », un bilan de ces évolutions, qui devra comporter «des propositions permettant d’améliorer le fonctionnement de la métropole notamment en ce qui concerne son organisation, sa gouvernance, son périmètre et son mode d’élection ».
Transfert du réseau routier et autoroutier de l’État. La loi permet le transfert des autoroutes, routes nationales ou des portions de voies non concédées (dont la liste sera fixée par décret) aux départements et aux métropoles concernés et volontaires, à compter du 1er janvier 2024. Elles pourront également être «mises à la disposition des régions, à titre expérimental », pendant huit ans, sur la base du volontariat.
Le gouvernement s’est engagé à publier le décret dans les deux mois suivants la promulgation de la loi, a indiqué le cabinet de Jacqueline Gourault, le 9 février. Les collectivités auront six mois à compter de la parution du décret pour délibérer sur les routes qu’elles souhaitent se voir transférer et transmettre leur souhait au préfet. L’Etat fera connaître sa décision dans les trois mois suivant l’expiration du délai de six mois. Les parties signeront une convention de transfert.
L’Etat pourra également transférer la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’aménagement du réseau routier national non concédé aux régions, départements, métropoles, communautés urbaines «revêtant, compte tenu de son intérêt local, un caractère prioritaire pour la collectivité ou le groupement » (création de contournement ou de déviation – intersections).
Train. La loi approfondit les modalités du transfert de gestion d’une ligne d’intérêt local ou régional (en y incluant notamment les gares) et ouvre la possibilité de transférer la pleine propriété de la ligne à la région.
Radars automatiques. Les collectivités et leurs groupements gestionnaires de voirie «peuvent installer » des radars automatiques servant au contrôle des règles de sécurité routière, «sur avis favorable du préfet de département et après consultation de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité ».
SRU. Comme le souhaitait l’AMF, la date butoir de 2025 imposée aux communes pour remplir leurs obligations de production de logements sociaux a été supprimée. Mais les obligations de taux minimal de logements sociaux dans chaque commune concernée sont maintenues.
Un nouveau dispositif de contractualisation pourra être conclu entre les maires, l’EPCI et les préfets : le «contrat de mixité sociale » (CMS) qui, au maximum sur trois périodes triennales consécutives, permettra d’adapter les objectifs de rattrapage de construction de logements sociaux (les communes de moins de 5 000 habitants ou souffrant d’un taux d’inconstructibilité de leur territoire urbanisé compris entre 30 % et 50 % pourront aller au-delà de ces trois périodes).
Au sein d’un EPCI, les communes en déficit pourront se répartir entre elles une partie des objectifs de rattrapage si un CMS intercommunal a été signé.
La loi abaisse le seuil d’objectifs de réalisation de logements sociaux, pour la première période triennale, pour les communes nouvellement soumises aux dispositions de la loi SRU. Un certain nombre de cas d’exemption ont été ajoutés, concernant notamment les communes concernées par des situations d’inconstructibilité liées à la protection des captage d’eau potable. En revanche, les servitudes de recul du trait de côte dans les zones d’aléa 30 à 100 ans n’ont pas été intégrées dans les nouveaux cas d’exemptions, comme le souhaitait l’AMF.
Les sanctions financières qui préexistaient dans la loi SRU demeureront, mais les communes qui reçoivent la dotation de solidarité rurale (DSR) dite cible (les plus défavorisées) en seront exemptées lorsque le taux de logements sociaux diffère de moins de 5% de l’objectif final, comme c’était déjà le cas pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
La loi prévoit la restitution au cas par cas, à la demande du maire, du droit de préemption, dans le cadre des sanctions prévues. La suspension des droits de réservations de la commune des attributions de logements sociaux en cas de carence est en revanche totalement supprimée.
Logement. Les départements deviennent chefs de file en matière d’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population. L’habitat inclusif sera désormais pris en compte par les plan locaux d’habitat (PLH). Toute personne en situation de handicap pourra saisir la commission «droit au logement opposable » (Dalo). Le dispositif d’encadrement des loyers est prolongé et pourra être élargi à de nouveaux territoires.
Santé. La loi installe auprès du président du conseil d’administration de l’ARS – le préfet de région – quatre vice-présidents désignés, pour trois d’entre eux, parmi les représentants des collectivités territoriales. Le CA de l’ARS effectuera un bilan régulier de la désertification médicale et pourra formuler des préconisations.
Les contrats locaux de santé associant collectivités et ARS seront conclus en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.
Les collectivités et leurs groupements «peuvent concourir volontairement au financement du programme d’investissements des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés ».
Lorsque les centres de santé sont gérés par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les professionnels qui exercent au sein de ces structures «peuvent être des agents de ces collectivités ou de leurs groupements ». Les collectivités et leurs groupements pourront donc recruter du personnel soignant.
RSA. Par délibération de leur organe délibérant prise le 30 juin 2022 au plus tard, les départements peuvent se porter candidats à l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), qui débutera le 1er janvier 2023 et durera cinq ans. La liste des candidats retenus sera établie par décret.
Education. Les départements et les régions exerceront une autorité fonctionnelle sur les intendants des collèges et des lycées lorsqu’ils interviennent dans leurs champs de compétence (restauration scolaire, entretien et maintenance des infrastructures et équipements…). Ces intendants restent cependant des agents de l’Etat sous l’autorité du chef d’établissement.
Eoliennes. La loi prévoit que l’implantation d’éoliennes pourra être désormais réglementée dans le cadre des PLU et PLUi. Les communes et les intercommunalités pourront modifier les plans locaux d’urbanisme pour y «délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation [d’éoliennes] est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. » La procédure de modification des PLU et PLUI sera simplifiée mais nécessitera une enquête publique.
Artificialisation. Les conférences régionales des SCoT, chargées de décliner l’objectif de réduction par deux de la consommation effective d’espaces agricoles et forestiers à l’horizon 2031, disposent d’un délai supplémentaire de six mois pour ce faire.
En application de la loi «Climat et résilience » du 22 août 2021, elles devaient se réunir au plus tard le 22 février 2022 et formuler leurs propositions d’ici au 22 avril. Mais, à la demande de l’AMF et de Régions de France, qui jugeaient ces délais beaucoup trop courts, le gouvernement avait accepté, mi-décembre 2021, lors de la discussion du projet de loi 3DS à l’Assemblée nationale, de reporter au 22 octobre 2022 le délai imparti aux conférences de ScoT pour formuler leurs propositions. Ce report est confirmé.
Une fois arrêtées, les propositions des conférences régionales des SCoT seront portées à la connaissance des régions qui devront les décliner entre les différentes parties du territoire régional au sein du SRADDET. Les régions disposeront pour ce faire d’un délai supplémentaire de six mois : la loi «climat et résilience » leur laissait deux ans (août 2023). Ce délai est reporté jusqu’en février 2024 par la loi 3DS. Les SRADDET modifiés s’imposeront ensuite aux documents d’urbanisme qui devront être mis en compatibilité en fonction des règles retenues dans le schéma régional.
Biens sans maître. La loi réduit de 30 ans à 10 ans le délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître lorsque les biens se situent dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU), d’une opération de revitalisation de territoire (ORT), d’une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou d’un QPV.
Alignement d’arbres. Le préfet de département est l’autorité compétente pour garantir la protection des alignements d’arbres. Les opérations d’abattage sont subordonnées au dépôt d’une déclaration préalable auprès de lui (sauf en cas de danger imminent). Le préfet en informe «sans délai » le maire de la commune où se situe l’alignement d’arbres concerné. Une étude sera menée préalablement à l’abattage d’arbres pour des raisons phytosanitaires. Des mesures de compensation seront prévues en cas d’abattage. Les sanctions sont renforcées en cas d’abattage illégal. Ces dispositions s’appliqueront dans un délai de deux mois après la publication de la loi. Un décret en Conseil d’État précisera leurs modalités d’application et les sanctions en cas de non-respect des dispositions.
Chemins ruraux. Les communes peuvent recenser leurs chemins ruraux et en confier la gestion à des associations. Ce recensement suspend la prescription trentennale au-delà de laquelle une appropriation de fait par les riverains devient irrévocable. Les communes pourront imposer des contributions aux responsables de dégradation de chemins.
Base de donnée nationale des adresses. La loi prévoit que les communes alimenteront une base nationale des adresses qui permettra notamment aux services de secours et aux opérateurs de télécommunication de géolocaliser chaque habitation. Des bases adresses locales alimenteront la base adresses nationale.
Prévention des conflits d’intérêt. La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a supprimé la prise en compte de «l’intérêt quelconque » de l’article 432-12 du Code pénal. Dorénavant, le délit de prise illégale d’intérêt devra être caractérisé par le fait pour un élu de prendre un intérêt «de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ».
La loi 3DS précise les règles applicables aux élus locaux qui représentent leur collectivité ou groupement au sein d’organismes extérieurs (personne morale de droit public ou privé : une association, un établissement public, une société…) : ils ne seront plus considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt «lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant la personne morale concernée ou lorsque l’organe décisionnel de la personne morale concernée se prononce sur une affaire intéressant la collectivité territoriale ou le groupement représenté ».
En revanche, les élus «ne participent pas aux décisions de la collectivité territoriale ou du groupement attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique, une garantie d’emprunt ou une aide (…), ni aux commissions d’appel d’offres ou à la commission prévue à l’article L. 1411-5 lorsque la personne morale concernée est candidate, ni aux délibérations portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de la personne morale concernée », précise l’article 73 ter de la loi.
« Cette obligation de déport ne concernera pas les délibérations relatives aux rela¬tions avec les groupements de collectivités, les caisses des écoles, les centres communaux d’action sociale. Elle ne s’appliquera pas non plus au vote du budget ou de dépenses obligatoires », précise le gouvernement dans un dossier sur la loi 3DS diffusé le 10 février.
Funéraire. La loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale allège la procédure de reprise des concessions en état d’abandon : elle réduit en effet le délai d’attente à partir de l’achèvement des procédures de publicité du premier procès-verbal d’abandon à un an (contre trois ans auparavant). Cette évolution était très attendue par les communes (article L.2223-17 du CGCT).
S’agissant du renouvellement des concessions funéraires arrivées à leur terme, le législateur a consacré la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle les communes doivent informer par tout moyen les concessionnaires et leurs ayants cause de l’existence d’un droit au renouvellement de la concession (article L.2223-15 du CGCT- CE, 11 mars 2020, n°436693).
Enfin, les opérateurs funéraires devront à l’avenir actualiser leur devis type tous les trois ans. A compter du 1er juillet 2022, les communes de plus de 5 000 habitants devront publier ces devis sur leur site internet afin de permettre leur consultation. Dans les autres communes, les modalités de consultation restent celles définies par le maire (article L.2223-21-1 du CGCT).