« Aucun couperet ne tombera sur les maires », avait promis Emmanuel Macron, lors du dernier Congrès des maires, à propos de l’objectif ZAN en 2050, imposé aux collectivités via la loi Climat et résilience du 22 août dernier. Message sibyllin, mais engagement clair – a priori : l’AMF, par la voix de son président David Lisnard, venait d’obtenir le report des délais de réunion des conférences régionales des Scot, fixée initialement au 22 février.
Peu avant le 103e Congrès, c’est par un communiqué commun de l’AMF et de Régions de France, que cette demande avait été officiellement adressée au gouvernement. Dans ce communiqué, les associations d’élus estimaient que « l’atteinte des objectifs de la loi Climat ne peut pas se faire dans la précipitation et sans méthode claire et partagée. Or à ce stade, le délai légal (pour réunir les conférences des Scot) est fixé au 22 février 2022, alors même que la publication des décrets d’application se fait attendre. Ces décrets doivent préciser de façon urgente la nomenclature des sols artificialisés et leur échelle de calcul ainsi que les modalités de désignation des conférences. Par ailleurs, un délai de six mois ne permet pas aux élus d’opérer les désignations ni de débattre de ces objectifs au niveau local et envisager, si nécessaire, une déclinaison infrarégionale des objectifs nationaux ». En clair, impossible de tenir de tels délais, irréalistes comme contre-productifs.
Report des délais : l’attente se fait longue
Sur ce point, la circulaire de Jean Castex rappelle que les collectivités ont été entendues, puisqu’« un amendement du gouvernement dans le projet de Ioi 3DS a été déposé afin d’augmenter le délai réservé à cette concertation » . Concrètement, l’amendement allonge de six mois le délai pour réunir et faire aboutir la proposition de la conférence des Scot, soit au 22 octobre 2022, et porte à 30 mois le délai laissé aux régions pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation dans les Sraddet, soit au 22 février 2024. Les Scot devront intégrer ces objectifs dans un délai de cinq ans, les PLU et les cartes communales dans les six ans suivant la promulgation de la loi. L’amendement prévoit également qu’au sein des conférences des Scot, le représentant des communes doit être désigné par l’AMF, et le représentant des EPCI par l’AdCF. Sauf que cet engagement du gouvernement par voie d’amendement, reste suspendu à l’issue conclusive de la commission mixte paritaire députés-sénateurs sur la loi 3DS, initialement prévue pour le 27 janvier, puis reportée au 31 janvier.
Dans ce contexte, la circulaire de Jean Castex laisse de nombreuses questions en suspens. En particulier : comment territorialiser dans le cadre de travail des CRTE alors que ce rôle incombe, dans les conférences des SCoT, aux communes et intercommunalités porteuses de documents d’urbanisme, en lien avec les régions, sur des temporalités différentes de celles d’un CRTE ?
Les CRTE, cadre pertinent de territorialisation
Sur la territorialisation des objectifs, la circulaire rappelle aux préfets de tenir compte « des enjeux et besoins du territoire, des efforts de sobriété foncière déjà réalisés, et du foncier déjà artificialisé mobilisable pour répondre aux besoins ». Elle ne consiste donc pas « en une réduction uniforme de l’artificialisation par rapport à l’artificialisation passée ». La première étape vise ainsi « à répartir l’objectif régional entre les différents bassins de vie ». Autre indication, significative de la position délicate des maires : « L’objectif de réduction de la consommation d’espaces et l’atteinte de l’objectif du « ZAN » en 2050, ne signifient en aucun cas l’arrêt des projets d’aménagement ou de construction. Ils permettent au contraire de moduler le rythme d’artificialisation des sols en tenant compte des besoins et des enjeux locaux et ainsi de poursuivre les projets qui y répondent. »
La circulaire impose aussi aux préfets « d’accompagner les élus dans la territorialisation de l’objectif dont ils ont la responsabilité », en facilitant la mise à disposition des données de l’observatoire national de l’artificialisation des sols, en mobilisant l’ingénierie territoriale (services déconcentrés de l’État, établissements publics fonciers, agences d’urbanisme et ingénierie privée grâce aux financements proposés par l’Agence nationale de cohésion des territoires). Les préfets devront ensuite partager « le diagnostic avec les collectivités compétentes lors de l’élaboration des porter à connaissance et des notes d’enjeux, ainsi que dans les instances consultatives ou de gouvernance (CDPNAF, CDAC, comité régional de l’habitat et de l’hébergement, comité local de cohésion des territoires). »
Pour ce faire, le Premier ministre invite les représentants de l’État dans les territoires, à se saisir du « cadre de travail des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), pour établir un diagnostic partagé des besoins d’un territoire », en précisant que « les enjeux de la maîtrise de l’artificialisation des sols devront systématiquement être abordés et pris en compte dans ces contrats ». Autre consigne pour accompagner la démarche : les préfets devront proposer aux élus locaux « de préparer leur participation à la conférence des présidents de SCOT, en y associant les collectivités compétentes en matière d’urbanisme, et les associations des maires et maires ruraux du département ». Quand aura lieu cette phase de préparation, et quel délai lui sera accordé ? Pour l’heure, les délais restent ceux fixés par la loi, et les conférences de Scot doivent se tenir dans trois semaines…
Communes au RNU : vigilance accrue, rapport triennal
Plus surprenant encore, les communes relevant du règlement national d’urbanisme (RNU), non soumises aux obligations de la loi Climat, font l’objet d’un paragraphe entier dans la circulaire, exigeant des préfets une « vigilance accrue ». « Dans ces territoires, (…) les nouvelles constructions sont strictement encadrées et doivent intervenir, sauf exception, dans les espaces déjà urbanisés. Il vous appartient de veiller à la cohérence des dérogations accordées à ce principe avec les besoins des territoires et les objectifs nationaux de réduction de la consommation d’espaces. »
La circulaire va plus loin encore : les préfets doivent encourager ces collectivités à « s’inscrire dans une démarche de planification », mais aussi « rendre compte de l’artificialisation des sols constatée dans ces communes », via un rapport triennal, au même titre que les collectivités soumises aux obligations de la loi Climat.
Plus classiquement, le Premier ministre rappelle aux préfets d’inciter les collectivités à entrer dans les dispositifs nationaux, outre les CRTE : fonds friches, contrats de relance de la construction durable, programmes de l’ANCT, projets partenariaux d’aménagement, opérations de revitalisation des territoires, ou encore démarches d’accompagnement des collectivités en faveur de l’aménagement durable (ateliers des territoires, labellisation Ecoquartier).
Pour mémoire, avant d’atteindre le ZAN en 2050, la loi du 22 août prévoit la réduction par deux, dans les 10 prochaines années, de la consommation totale d’espaces constatée les 10 années précédentes. Pour ce faire, le texte impose aux collectivités (si ce délai n’est pas reporté de 6 mois par la loi 3DS au stade de la commission mixte paritaire), de réunir d’ici au 22 février une conférence des Scot, afin de transmettre à la région, dans les deux mois (avant le 22 avril), une proposition relative à la fixation d’un objectif régional de réduction de l’artificialisation nette. Un objectif qui doit être décliné entre les différentes parties du territoire régional via les SRADDET, dont la modification s’imposera aux documents d’urbanisme par lien de compatibilité.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 28 janvier 2022