Les plus optimistes loueront le pragmatisme et la réactivité du gouvernement face à une situation intenable ; les plus désabusés parleront de politique au doigt mouillé. Quoi qu’il en soit, après avoir dévoilé le protocole en vigueur à la rentrée la veille de celle-ci, à 19 heures, le ministère de l’Éducation nationale a de nouveau changé les règles hier soir, via une mise à jour de la « foire aux questions » (FAQ) publiée sur son site et un envoi de mail, en fin de soirée, aux directeurs d’école.
La colère des directeurs d’école
Il faut dire que les règles mises en place le 3 janvier, imposant non seulement un triple test pour les élèves en cas de survenue d’un cas dans une classe, mais surtout le fait de recommencer tout le cycle à chaque fois qu’un nouvel élève est déclaré positif, sont vite apparues impossibles à tenir. Qu’elles émanent des parents, des enseignants ou des directeurs d’école, les critiques fusent depuis trois jours. En particulier parce que les pharmacies sont dans l’incapacité de fournir les « deux autotests gratuits » par élève promis par le ministère, mais également parce que chaque jour, les queues s’allongent devant les pharmacies, dès 7 heures du matin ; parce que les directeurs d’écoles ne savent plus comment s’y prendre pour contrôler les tests ; et parce que finalement, ce dispositif n’empêche pas le nombre de fermetures de classes d’atteindre un pic comparable à ce qu’il était au printemps 2021 (9 202 classes fermées hier).
Le signal d’alarme a été tiré hier par le Syndicat des directrices et directeurs d’école (S2DÉ), dans une « lettre ouverte » au vitriol exprimant la colère de directeurs manifestement à bout. « Nous avons été dubitatifs » à la lecture du protocole du 3 janvier, expliquent les porte-parole du syndicat, mais, « en tant que fonctionnaires de l’État, nous (l’)avons appliqué à la virgule près. » Et, s’adressant à Jean-Michel Blanquer : « Vous prônez une école de la confiance et de la bienveillance. (…) Où se situe cette bienveillance à l’égard des parents de nos élèves à qui l’on promet la gratuité et la distribution automatique des autotests », alors que les pharmacies « sont en rupture de stock » ? « Où se situe la bienveillance face aux enseignants, qui sont là chaque jour afin de maintenir les écoles ouvertes, sans aucun moyen humain ni matériel ? Où se situe la bienveillance par rapport aux directeurs qui sont devenus des médecins, des spécialistes du contact-tracing, des spécialistes des protocoles et de la communication aux parents, des vérificateurs de tests négatifs ou d’attestation sur l’honneur, qui doivent vérifier au portail chaque matin dans le cas d’un élève positif dans une classe 25 tests négatifs par classe ? »
Le syndicat réclame un retour « à un règlement simple, lisible et facilement compréhensible : un cas positif dans une classe et cette classe ferme une semaine ». Et conclut son courrier sur une formule lapidaire : « Le ‘’quoi qu’il en coûte’’ n’est pas en place dans l’Éducation nationale. »
Ce qui a changé
La FAQ mise en ligne sur le site du ministère a changé hier, et pas seulement sur la question des tests.
Sur cette dernière, le principal changement est la suppression de l’obligation de refaire trois tests si un nouveau cas positif survient dans une classe. À la question : « Si un élève de la classe accueilli sur présentation d’un test négatif se déclare positif (par exemple suite à autotest réalisé à J2 ou J4), faut-il immédiatement redémarrer un cycle de dépistage pour les autres élèves de la classe ou les contacts à risque ? », le ministère répond désormais : « Non. » Mais avec cette précision : « Le cycle de dépistage ne redémarre que si le second cas confirmé a eu des contacts avec les autres élèves après un délai de 7 jours suite à l’identification du premier cas. » Il faut donc toujours réaliser le cycle de trois tests (un PCR ou antigénique et deux autotests), après la survenue d’un premier cas dans la classe, mais il n’est plus nécessaire de recommencer à l’apparition d’un second cas.
La nouvelle FAQ précise par ailleurs que « les élèves ayant contracté le covid-19 depuis moins de deux mois ne sont pas soumis à l’obligation de dépistage ou de quarantaine ». Pour les activités sportives, « seules des activités de faible intensité compatibles avec le port du masque sont recommandées ».
La FAQ revient également sur les modalités de l’accueil des personnels prioritaires, annoncé avant-hier dans un décret. Outre la liste des professions concernées, il est indiqué que « cet accueil exceptionnel se fera en groupe de 20 élèves maximum. Cet accueil est assuré par l’éducation nationale sur le temps scolaire. En dehors de ces horaires et pendant les vacances scolaires, un accueil peut être mis en place par les collectivités territoriales. Les élèves ne pourront être accueillis que sur présentation d’un résultat de test PCR ou antigénique négatif. »
Enfin, les règles changent en matière de restauration scolaire. Si le ministère insiste pour que les cantines ne ferment pas, parce qu’elles sont « la garantie d’un repas complet et équilibré quotidien », il propose des « adaptations temporaires ». Par exemple, si les espaces ne permettent pas une distanciation suffisante, « exploiter d’autres espaces que les locaux habituellement dédiés à la restauration », comme « les espaces extérieurs, les gymnases, les salles des fêtes ». Le fait de servir des repas à emporter ne doit être choisi « qu’en dernier recours ».
Masques chirurgicaux pour les profs
Une autre annonce a été faite hier par le Premier ministre, cette fois. Comme les syndicats enseignants le demandent depuis plus d’un an, des masques chirurgicaux (FFP1) vont être distribués à tous les enseignants, pour remplacer les masques en tissu fournis par l’Éducation nationale et jugés « insuffisamment protecteurs ». Sur l’éventualité de fournir des masques FFP2 (en « bec de canard » ), le Premier ministre ne s’est pas montré entièrement fermé, mais a dit attendre un avis du Haut Conseil de la santé publique sur ce sujet.
Il n’est pas certain que ces annonces, sur les tests comme sur les masques, suffisent à apaiser une situation particulièrement compliquée dans l’Éducation nationale, ni à calmer l’exaspération des enseignants, des directeurs et des élus, pour qui cette rentrée de janvier s’apparente à un véritable casse-tête.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 7 janvier 2022