Ce texte présenté par le gouvernement est la traduction législative des propositions de la commission Debré, qui a proposé le report des deux scrutins prévus en mars au mois de juin. En commission et en séance publique, les sénateurs ont toutefois sensiblement modifié le texte du gouvernement.
Débat sur les dates
Lors de la discussion générale, la ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a voulu couper court aux rumeurs selon lesquelles le gouvernement voudrait un nouveau report au-delà du mois de juin : « Nous ferons tout pour que ces élections aient lieu en juin. » Philippe Bas, rapporteur du texte, n’a pas caché qu’il était contre le report, mais qu’il défendrait le texte, tout simplement « parce qu’il est trop tard » pour faire autrement. Mais à contre-cœur : « Les enfants vont à l’école, les ouvriers sont dans les usines, les transports en commun fonctionnent, les Français font leurs courses dans les hypermarchés et nous ne pourrions pas organiser des élections aussi importantes ? Je n’en crois rien. »
Les sénateurs ont intégré des éléments de date dans le texte : alors que le gouvernement n’évoque que « le mois de juin 2021 », le Sénat s’est montré plus précis, demandant que le deuxième tour se tienne « au plus tard le 20 juin » – ce qui signifie un premier tour le 13 juin, l’écart entre le premier et le second tour n’étant en général que d’une semaine pour ce scrutin. L’objectif étant de s’assurer que le scrutin n’aurait pas lieu le 27 juin, date où les Français auront commencé à partir en vacances. La ministre a émis un avis défavorable, rappelant que la fixation d’une date précise relève du pouvoir règlementaire : « La loi fixe le mois mais il appartient au gouvernement de fixer la date exacte. » Cet argument n’a pas convaincu les sénateurs, qui ont voté cette disposition, rappelant que la règle énoncée par Marlène Schiappa n’était pas fixée par la Constitution, et que le Parlement a parfaitement le droit « de déroger aux articles législatifs du Code électoral ».
Les sénateurs ont également modifié l’article 2 du projet de loi. Celui-ci prévoit qu’au 1er avril au plus tard, le Conseil scientifique remette au Parlement « un rapport (…) sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin ». Les sénateurs ont estimé que cette formulation ouvrait la possibilité d’un nouveau report du scrutin. Ils l’ont remplacée par une autre qui, elle n’ouvrirait pas cette possibilité : « (…) un rapport sur les mesures particulières d’organisation qui sont nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire des élections régionales et départementales de juin 2021 et de la campagne électorale ». « Nous demandons un rapport sur les mesures d’organisation des élections, a plaidé Philippe Bas, non sur l’opportunité de tenir ces élections. »
Double procuration : le gouvernement n’en veut plus
Autre débat : celui sur la double procuration – mesure qui avait été mise en place lors du second tour des élections municipales et à laquelle le gouvernement se disait encore favorable en octobre, mais qui ne figure plus dans son texte. La ministre s’en est expliquée : « Le relèvement à deux du nombre de procurations par mandataire, mesure d’urgence mise en place pour le second tour des élections municipales, alors que nous n’avions guère de moyens de freiner la propagation du virus, ne saurait être pérennisé. Les risques de fraude apparaissent trop élevés. » La ministre estime que « le rapport entre les bénéfices et les risques de la double procuration a évolué depuis le second tour des élections municipales. »
Les sénateurs ne l’entendent pas de cette oreille. Non seulement ils ont introduit dans le projet de loi le fait que « chaque mandataire peut disposer de deux procurations » établies en France, mais, de plus, ils ont introduit une dose de « déterritorialisation » des procurations.
Rappelons qu’il s’agit d’un débat récurrent : on parle ici de la possibilité à un électeur de donner une procuration à une personne qui n’est pas inscrite sur la liste électorale de sa commune. Il était prévu que cette disposition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2022, pour être effective pendant la prochaine élection présidentielle, mais le gouvernement vient de la décaler, estimant que les conditions techniques ne seraient pas réunies à cette date. Elle n’entrerait donc en vigueur que pour l’élection présidentielle de 2027.
Les sénateurs demandent pourtant qu’elle soit, partiellement du moins, permise lors des élections régionales et départementales de juin. Partiellement, parce que la mesure ne s’appliquerait qu’aux membres de la famille proche de l’électeur (« conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, ascendant, descendant, frère ou sœur » ).
Philippe Bas a dit « regretter la lenteur du travail de l’Insee sur le répertoire unique des électeurs, qui garantirait la qualité d’électeur du mandataire et le nombre de procurations reçues ». Marlène Schiappa a répliqué que l’Insee et le ministère de l’Intérieur n’étaient pas seuls concernés : « Il faudra aussi du temps aux éditeurs qui fournissent les logiciels aux communes pour intégrer cette nouvelle modalité. Ce sera fait pour 2022. D’ici là, il n’est techniquement pas possible d’offrir cette possibilité aux électeurs. » Malgré cela, le Sénat a adopté la double procuration déterritorialisée.
Report du vote des budgets
Le Sénat a en revanche rejeté des amendements socialistes pour mettre en place un vote par correspondance, y compris à titre expérimental dans certaines communes – mesure que le gouvernement rejette également.
Un autre débat a eu lieu sur l’opportunité d’organiser, en amont du scrutin départemental, une campagne de communication audiovisuelle « expliquant le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux ». Cette idée avait été émise par la commission Debré elle-même. La ministre s’y est opposée avec un argument fort étonnant : la « liberté des programmes de France télévisions », qui ne peuvent « être fixés par la loi ». Les sénateurs ont néanmoins adopté l’amendement.
Enfin, le Sénat a confirmé une décision prise par sa commission des lois, en intégrant dans le texte le décalage du vote des budgets primitifs des régions et des départements au 31 juillet au lieu du 30 avril. Le gouvernement s’est montré défavorable à ce report.
Le texte va maintenant partir à l’Assemblée nationale, où il doit être examiné à partir du mardi 9 février en séance publique.
Accéder au texte adopté par le Sénat.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 27 janvier 2021