Comme le relatait Maire info hier, la campagne de vaccination prend un retard inquiétant en France, au regard de ce qui se passe dans les autres pays. Même si « l’accélération » promise ce week-end par le gouvernement semble se concrétiser – selon Olivier Véran, 2 000 personnes auraient été vaccinées hier – la France reste à la traîne par rapport à la plupart des pays industrialisés, et l’objectif fixé par le gouvernement (un million de vaccinations d’ici la fin janvier) semble bien loin. Alors que la Grande-Bretagne a annoncé hier un nouveau confinement total à partir de demain, de nombreux scientifiques appellent le gouvernement à accélérer la cadence et, en particulier, à autoriser la vaccination de tous les soignants.
Nouvelles évolutions dans la stratégie du gouvernement
Face aux critiques, le ministre de la Santé a annoncé ce matin un nouveau changement de cap – après avoir, contrairement aux intentions initiales, autorisé la vaccination des personnels soignants de plus de 50 ans dans les Ehpad. Olivier Véran a révélé ce matin sur RTL que la vaccination des personnes âgées de 75 ans et plus ne résidant pas en Ehpad serait autorisée « avant la fin janvier », de même que celle des pompiers et « des aides à domicile de plus de 50 ans ». Il a également entrouvert la porte à une vaccination fondée sur le volontariat, en indiquant que les Français qui souhaitent se faire vacciner pourront, « dans les prochains jours », « s’inscrire et prendre des rendez-vous ». Cette annonce sera précisée, a indiqué le ministre de la Santé, lors de la conférence de presse devenue traditionnelle de jeudi prochain.
Dernière annonce – et non des moindres : le gouvernement va autoriser les infirmières à pratiquer la vaccination, sans forcément qu’un médecin soit présent.
Les associations d’élus au diapason
Dans ce contexte, l’AMF a publié hier un communiqué pour rappeler que le 19 décembre dernier, son président François Baroin avait « instamment demandé » au Premier ministre que les maires soient « associés au déploiement de la campagne de vaccination ». Elle constate que ce message ne semble pas « avoir été entendu » et relaye « l’incompréhension de nombreux maires face à l’absence d’informations et de concertation sur la méthode et l’organisation concrète de la vaccination ». L’association rappelle, une fois de plus, que « la gestion de proximité est essentielle » pour assurer à la fois le caractère « massif » de la vaccination et « la confiance de la population », les maires étant, à ce titre, « les mieux placés pour garantir l’efficacité » de la campagne.
L’AMF appelle donc l’État à « entendre les propositions qui lui sont faites de modifier sa méthode de déploiement de la campagne pour s’appuyer sur les collectivités locales qui disposent des moyens logistiques appropriés et qui ne cessent de dire leur disponibilité pour agir ».
Dans un communiqué diffusé ce matin, France urbaine va dans le même sens et demande une « accélération massive de la vaccination », qui nécessiterait « un acte de confiance renouvelé de l’État envers les territoires ». « Les solutions se trouvent pour une bonne partie dans les territoires, et les grandes villes et intercommunalités ne demandent qu’à les activer en étroite coordination avec l’Etat. Il n’y a plus de temps à perdre. » Même tonalité à Villes de France, qui a demandé hier « une révision de la stratégie vaccinale (…) s’appuyant sur les collectivités ».
Partout, des initiatives de maires
Et il est vrai que depuis ce week-end, on ne compte plus les initiatives de maires qui annoncent pouvoir mettre immédiatement à disposition de l’État des moyens logistiques. Certes, il faut tenir compte du fait que des centres de vaccination – s’ils devaient voir le jour – devraient être géographiquement proches des 100 établissements de santé dits « pivots », c’est-à-dire munis d’un point de stockage à – 80 ° C. Mais certains maires ont même la possibilité de mettre à disposition des autorités des congélateurs ad hoc. C’est le cas par exemple du maire de Cannes, David Lisnard, qui rappelait dans un communiqué paru dimanche que la commune a fait l’acquisition « en novembre 2020 » de deux congélateurs – 80 ° C. Sur Twitter, hier, le maire de Cannes « confirmait » que la commune est « opérationnelle et met à la disposition de l’État la logistique, dont nos 2 congélateurs aux normes à – 80 °, kits et deux »vaccinodromes » totalement équipés (palais des Festivals et Palais des victoires) en lien avec la médecine de ville. »
Si toutes les communes n’ont pas les moyens de tels achats, bien d’autres ont fait ces derniers jours des offres de services similaires. Si nous évoquions hier celle du Raincy, en Seine-Saint-Denis, on peut également parler de Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), dont le maire Laurent Bonnaterre a écrit hier au préfet pour lui proposer « la mise en place d’un centre local de vaccination » dans une salle municipale « dont la surface serait parfaitement adaptée aux besoins logistiques ». Le maire de Poissy (Yvelines), Karl Olive, a déclaré hier être en mesure de créer un « centre communal de vaccination capable de vacciner 500 personnes par jour ». Idem à Franconville (Val-d’Oise), où le maire Xavier Melki propose de transformer le centre municipal de santé en centre de vaccination, « avec les personnels médicaux employés de la commune » ; ou encore à Saint-Amand-les-Eaux ou Bouchain (Nord) où les maires proposent que leur ville accueille un centre de vaccination.
En Essonne, ce sont plusieurs maires de toutes tendances politiques qui ont écrit une lettre ouverte au président de la République : « Nous sommes disponibles et nous tendons la main pour aider. Nous vous demandons de vous appuyer sur les collectivités territoriales (communes et département); elles ont démontré dès le début de la crise que vous pouvez leur faire confiance. »
Ailleurs, ce sont les associations départementales de maires qui se sont exprimées, ou par communiqué ou par la voix de leur président. « Beaucoup de maires sont prêts à prêter des salles si l’État dit qu’il faut s’organiser comme ça », soulignait hier le président des maires de la Mayenne, Joël Balandraud. « Que l’État fasse confiance, qu’il délègue, bon sang ! », s’agaçait encore le maire d’Évron.
Ludovic Rochette, président des maires de la Côte-d’Or, a publié un communiqué hier pour signaler « la volonté de nombreux élus de participer », et demander que soit « activé un des maillons essentiels : les communes, leurs services et leurs élus ».
Dans les Ardennes, ce sont trois associations de maires qui se sont unies pour lancer un « manifeste des élus ardennais » qu’ils proposent à leurs collègues de signer : l’Association des maires et des présidents d’intercommunalité des Ardennes, l’Union des maires des Ardennes et l’association départementale des maires ruraux ont co-signé un texte appelant à ce que les communes « participent rapidement et activement à la définition et au déploiement de cette campagne de vaccination ».
Luc Carvounas enfin, président des maires du Val-de-Marne, a lancé hier, via twitter, une autre idée : « Et si Emmanuel Macron proposait un Conseil de défense ad hoc élargi aux présidents des associations de maires pour proposer enfin des réponses concrètes pour déployer la vaccination au plus grand nombre ? ».
On le voit, les initiatives et les idées ne manquent pas. Reste à savoir si, et comment, l’État répondra à cette « main tendue » des maires.
Source : MAIREinfo – Edition du mardi 5 janvier 2021