Lors de la réunion du Comité directeur de l’AMF, comme Maire info en rendait compte hier, de nombreux élus ont dénoncé le décalage entre les appels du gouvernement incitant la population à se faire vacciner et les possibilités réelles de vaccination dans les centres souvent trop peu approvisionnés. Résultat : les personnes ayant le droit de se faire vacciner se sont ruées pour prendre rendez-vous, les standards ont souvent été débordés, certains centres ne peuvent plus accepter de rendez-vous d’ici fin février, voire mars. Pire : faute d’approvisionnements suffisants, des maires ont été contraints de faire annuler des rendez-vous, ce qui suscite une évidente frustration chez les personnes concernées.
Information en temps réel
Dans son communiqué, l’AMF rappelle « l’engagement et la disponibilité des maires » dans ce dossier, en lien avec les professionnels de santé avec qui « ils nouent des partenariats très efficaces ». Mais l’association demande en revanche à l’État « une plus grande transparence » et « une information aux maires en temps réel sur les stocks et les calendriers d’approvisionnement des vaccins disponibles dans les centres de vaccination ». C’est le seul moyen, en effet, de « calibrer » les centres et de gérer les prises de rendez-vous.
L’AMF souhaite également que le gouvernement « clarifie » ses directives nationales – tant il est vrai que d’une ARS à l’autre, les stratégies semblent différer. Comment expliquer que certains départements comprennent plus de 30 centres de vaccination quand d’autres n’en ont que deux ? L’AMF demande donc « le respect d’un maillage équilibré des centres de vaccination, notamment dans les zones rurales parfois sous-dotées, l’accès de tous aux centres de vaccination, et le développement de solutions de vaccination à domicile pour les personnes de plus de 75 ans ».
Enfin, l’association repose la question de la compensation des dépenses engagées par les communes pour mettre en œuvre les centres de vaccination. Personnel mis à disposition, informatique, transport, ce sont pour les l’instant les communes qui payent, alors que la santé est une compétence de l’État. « L’implication des communes (…) ne doit pas obérer leur budget », souligne l’association, qui demande « une compensation intégrale par l’État » .
Le gouvernement rejette la faute sur les maires
Pour ne rien arranger, il semble depuis hier que le gouvernement, ou certains de ses membres, aient décidé de rejeter la responsabilité des problèmes sur les maires. C’est d’abord une déclaration du ministre de la Santé, Olivier Véran, hier matin sur France inter, qui a passablement agacé les élus : « Les élus savent par avance combien de doses ils peuvent utiliser cette semaine, la semaine prochaine, celle d’après, et celle d’après. L’immense majorité d’entre eux (…) font en sorte que le nombre de créneaux corresponde au nombre de doses. Il y a quelques élus – c’est leur choix, mais je ne pense pas que ce soit responsable – qui ont ouvert plein de créneaux de rendez-vous, en se disant ‘’maintenant que j’ai ouvert des rendez-vous on me filera plus de doses’’. Ça, ce n’est pas possible. » Les maires auraient donc une visibilité à quatre semaines sur la distribution des doses ? Ce n’est pas la réalité telle qu’elle est racontée par ceux-ci.
Ces propos ont été répétés quasiment à l’identique, hier après-midi, par le secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet, lors de la séance de questions au gouvernement : « Je peux regretter, tout comme Olivier Véran l’a fait ce matin, qu’effectivement un certain nombre d’élus locaux aient ouvert davantage de créneaux qu’il n’y avait de doses vaccinales à leur disposition, ce dont ils avaient connaissance. Il s’agit soit d’approximation, soit d’impréparation, à moins que cela soit pour lancer des polémiques, ce que je ne saurais croire. »
« Les maires font le travail »
Les maires impliqués dans ce dossier – et pas seulement ceux-là – estiment pourtant que « l’approximation et l’impréparation » n’est pas de leur fait, bien au contraire. André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, contacté ce matin par Maire info, juge ces déclarations « d’une telle gravité qu’elles appellent des excuses ». Le maire d’Issoudun rappelle que « depuis le début, ce sont les maires qui font le travail, sur les masques, sur les tests, maintenant sur la vaccination, à chaque fois pour palier les carences de l’État. Dire aujourd’hui que les embouteillages sont dus aux maires est totalement inacceptable ».
André Laignel l’affirme : « C’est l’État qui a organisé le surbooking dans les centres de vaccination. » Le maire d’Issoudun est formel : « Dans mon département, il m’a été dit expressément qu’il ne fallait refuser aucun rendez-vous, et s’il y en avait trop, cela valait mieux que l’inverse, parce qu’il ne fallait pas risquer de perdre une seule dose de vaccin. »
Il faut également rappeler que les ouvertures de centres de vaccination n’ont pas été décidées par les maires seuls, mais qu’elles étaient soumises à l’autorisation des préfets et des ARS, après concertation dans les cellules départementales mises en place par l’État.
Quant à affirmer que les maires disposent de quatre semaines de visibilité, c’est tout simplement « un mensonge », selon le maire d’Issoudun. « Une fois de plus, l’État nous considère comme des sous-traitants, auxquels il aurait en plus le droit de faire des remontrances parfaitement injustifiées. Cette démarche marque, encore une fois, la défiance, voire le mépris du gouvernement envers les élus locaux. »
Source : MAIREinfo – Edition du 20 janvier 2021