L’impact de la crise sanitaire sur les finances locales serait bien plus limité que ce que redoutaient les associations d’élus et la mission parlementaire dirigée par le député du Gers Jean-René Cazeneuve (LaREM). C’est ce que laisse entrevoir un document de Bercy sur la situation financière des collectivités locales pour l’année 2020 – mis en ligne par la newsletter de Villes de France Ondes urbaines – et présenté la semaine passée aux associations d’élus locaux à l’occasion d’un groupe de travail.
« Résilience » face à la crise
Un temps estimé à plus de 7 milliards d’euros, l’impact de la crise serait bien moins négatif selon ces données qui restent encore provisoires (puisqu’elles ne « correspondent pas à la clôture définitive de l’exercice 2020 », indique Bercy) et pour lesquelles « il faut encore rester particulièrement prudent », a prévenu Jean-René Cazeneuve, dans un communiqué publié hier. Les marges de manœuvre auraient même été préservées avec une épargne brute qui est en progression de 1,7 milliard d’euros à hauteur de 22 milliards d’euros, soit une hausse de 8,3 % par rapport à 2019. Celle du bloc communal aurait même connu « une forte hausse » de 37 %, à hauteur de 11,1 milliards d’euros.
Devant « l’impact finalement limité » de la crise sanitaire par rapport aux différentes estimations réalisées durant l’année 2020, « ces chiffres sont particulièrement encourageants », a estimé le député du Gers. Ainsi, selon lui, « les finances des collectivités locales se montrent particulièrement résilientes à la crise », leur assurant un « avenir financier […] plus clair et plus sécurisé qu’il y a quelques mois ».
Si elles ont progressé « moins rapidement » qu’en 2019 (+ 2,8 %), les recettes réelles de fonctionnement ont ainsi augmenté de 1,3 % l’an dernier. Dans le détail, les impôts locaux resteraient « dynamiques » (+5,4 % en 2020 contre + 2,7 % en 2019) tandis que la baisse annoncée des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) aurait été limitée à « seulement » 1,6 %. Une baisse qui est, toutefois, « un peu plus accentuée sur le périmètre des communes », explique Bercy avec une diminution de l’ordre de 3,6 %. Reste que les autres impôts et taxes reculeraient de 4,2 % en 2020, tout comme les prestations de service et les redevances et recettes d’utilisation du domaine (- 8,8 %).
En parallèle, les dépenses réelles de fonctionnement n’auraient que « très légèrement » augmenté (+ 0,4 %), avec une croissance des frais de personnel qui aurait ralenti (+ 1 % contre 1,6 % en 2019) et pour les subventions versées (+ 0,4 % contre + 4,5 % en 2019). Cependant, des disparités entre niveaux de collectivités apparaissent. Si les dépenses de fonctionnement seraient en hausse pour les départements (+ 2,3 %) et les groupements à fiscalité propre (+ 3,1 %), elles seraient en baisse pour les communes (0,8 %) et les régions (3,4 %).
Investissements en baisse
Une situation qui « nous évite de rencontrer l’effet ciseau », a indiqué le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, lors de son audition, jeudi dernier, par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, confirmant, toutefois, qu’« entre les différentes strates et au sein même d’une même strate de collectivités, nous rencontrons des situations hétérogènes en fonction de la situation économique des territoires ».
En ce qui concerne les dépenses d’investissement, l’année 2020 aurait été marquée par une baisse après trois années de croissance. Un recul qui était déjà « inscrit dans les budgets primitifs votés […] avant la crise » et « attendu », souligne Bercy. Ainsi, seul le bloc communal est affecté par cette diminution (-13,5 % des dépenses hors remboursements des emprunts) qui s’expliquerait par le « cycle électoral des communes ». « La contraction des dépenses d’équipement (-10,4 %) contraste avec leur croissance soutenue en 2019 (+14,3 %). […] A l’exception des départements (+5,1 %), les autres strates sont concernées par la baisse (-14,6 % pour le bloc communal et – 4,2 % pour les régions) », expliquent les auteurs du document.
En outre, si Bercy prévoit une hausse du recours à l’emprunt (+ 43 %), celle-ci serait « essentiellement » portée par les départements (+ 75,8 %) et les régions (+ 200 %), « les souscriptions du bloc communal enregistrant à l’inverse une baisse de – 1,6 % par rapport à l’année dernière ».
Le bloc communal ne se « retrouve pas dans ces chiffres »
Derrière le satisfecit du gouvernement, les représentants des élus du bloc communal se sont dits « particulièrement étonnés » et « surpris » par ces chiffres provisoires. De l’AMF à l’AdCF, en passant par France urbaine et Villes de France, toutes ont fait ce constat à l’occasion de leur audition hier par la commission des finances de l’Assemblée nationale. « Nous n’arrivons pas à nous retrouver dans ces chiffres-là », a résumé Jean François Débat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France.
S’il « est clair que la situation constatée fin 2020 est moins pire que celle que nous anticipions », reconnaît le secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, celui-ci maintient qu’il « y aura forcément une diminution de la capacité d’autofinancement », contrairement à ce qu’avance le gouvernement. En cause, notamment, « les recettes tarifaires [qui] ne feront pas l’objet de compensation », ce qui représente une perte financière « relativement importante » que le maire de Sceaux estime à « environ 2 milliards d’euros ».
A l’instar des autres représentants d’associations d’élus, le maire de Dijon et co-président de la commission « Finances » de France urbaine François Rebsamen s’est dit « stupéfait » de voir le produit des impôts locaux progresser de 5,4 %, mais aussi qu’il « n’y ait pas d’augmentation de nos dépenses ». « L’impact financier par habitant en section de fonctionnement est de 98 euros pour Nice, 235 euros pour Cannes, 17 euros pour Dijon… L’épargne brute est évidemment impactée de 70 % jusqu’à 6 % suivant les communes », a affirmé François Rebsamen, citant des chiffres reflétant la situation des 42 villes de plus de 100 000 habitants.
Selon les représentants de l’AdCF, « il y a une globalisation trompeuse des données qui se fait sur le bloc communal » qui ne reflète pas la réalité locale. Et celle-ci ne pourra être dissipée qu’en réalisant « une analyse affinée par taille de collectivités pour voir exactement ce qu’il se passe » et la « grande disparité entre collectivités ». « Il y a un décalage de la crise sur les recettes comme sur les dépenses […] sur 2021 et 2022. Il faut voir son effet total avant de dire que les collectivités ont été préservées et qu’il n’y a pas de problème », ont-ils expliqué.
Mécanismes de soutien : 3 200 entités bénéficiaires
Dans son document de présentation, le ministère de l’Economie et des Finances fait également le bilan des mécanismes de soutien mis en place pour les collectivités. Sur les 3 200 entités concernées, ce sont 3 149 communes et EPCI qui ont bénéficié, à hauteur de 88 millions d’euros d’acomptes versés, des mesures adoptées dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative (LFR3) pour 2020.
Pour ce qui est du dégrèvement exceptionnel de CFE autorisé par la LFR3 pour les PME qui faisaient partie des secteurs les plus affectés par la crise (hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien et événementiel), 188 communes et 461 EPCI l’ont mis en œuvre. Plus de 97 000 établissements auraient ainsi bénéficié de ce dégrèvement pour un montant total de 102 millions d’euros. Le dispositif d’exonération de taxe de séjour a, de son côté, été adopté par 51 collectivités, soit « moins de 3 % des 1 793 délibérations de taxe de séjour en vigueur en 2020 ».
A noter, par ailleurs, que seulement 70 collectivités, dont 55 communes, avaient opté, le 30 décembre dernier, pour l’étalement de charges exceptionnelles liées à la crise sanitaire, selon les données de Bercy.
Consulter les données sur les finances locales pour 2020.
Source : MAIREinfo – Edition du 22 janvier 2021.