Les messages et initiatives en direction des femmes victimes de violences conjugales se multiplient ces derniers jours. En période de confinement, celles-ci courent en effet davantage de dangers, alors qu’elles sont coupées des soutiens extérieurs possibles.
Les chiffres de la police et de la gendarmerie dévoilés le week-end dernier indiquent que ces craintes sont plus que justifiés : les signalements de violences conjugales en zone de gendarmerie ont augmenté d’un tiers (+ 32 %) depuis le début du confinement, et de 36 % sur Paris. En région, les mêmes tendances se profilent. Les interventions pour des différends conjugaux augmentent.
De même que les violences conjugales concernent tous les milieux sociaux, elles n’épargnent à priori aucun territoire. Le secrétariat d’État vient de diligenter une étude pour mesurer la prévalence des violences conjugales pendant le confinement, qui permettra de cerner si cela reste vrai. Les conclusions sont attendues d’ici juillet.
Cela justifie les initiatives prises par le gouvernement de faire, notamment, en sorte que ces femmes puissent appeler à l’aide dans les pharmacies. Un système d’alerte des forces de l’ordre depuis les officines a été mis en place par le ministre de l’Intérieur, en lien avec les services du secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes et l’Ordre des pharmaciens. Déjà, une première alerte a déjà donné lieu à une première interpellation.
Un autre dispositif est en train de se déployer, cette fois au niveau de centres commerciaux. L’objectif est d’y ouvrir des points d’accueil, dans 10 à 20 villes. Le premier a ouvert en Ile-de-France mardi 31 mars. « D’autres structures se montrent volontaires pour mettre à disposition gratuitement des locaux, dans le respect des mesures barrières », indique à Maire info le secrétariat d’État.
L’hébergement, une porte de sortie essentielle
« Il ne faut rater aucune opportunité de venir en aide et il faut que les personnes entrant en contact avec ces femmes confrontées à des violences sachent comment réagir », estime Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne et président de la commission sociale de l’AMF. « Mais il faut s’assurer d’une certaine discrétion pour ne pas mettre en difficulté ces femmes », ajoute-t-il. À Saint-Étienne, l’ensemble des policiers municipaux et des agents d’accueils des mairies annexes, notamment, ont déjà été formés pour répondre à ce type d’urgence. Depuis le confinement, la commune a intensifié et adapté le dispositif mis en place depuis plusieurs années avec une association locale : accueil, accompagnement par téléphone, hébergement d’urgence. Un accord passé avec les radios taxis permet de payer la course entre le domicile et un logement d’urgence. Les messages de sensibilisation sont multipliés sur le site de la ville et sa page Facebook. Avec également la possibilité d’envoyer un sms au 114, mise en place par la région Rhône-Alpes pour signaler une situation.
On apprend ce matin que le ministère de l’Intérieur a généralisé cette dernière mesure : le 114, numéro d’urgence auparavant réservé aux femmes sourdes et malentendantes, est désormais utilisable par toutes les femmes qui ont besoin d’envoyer un appel au secours sans faire de bruit. Il faut y indiquer son adresse pour que les forces de l’ordre puissent intervenir.
Mise à l’abri
Dans la communauté de communes d’Ambert-Livradois-Forez (Puy-de-Dôme, 58 communes, 22 000 habitants), le président s’est préoccupé, dès l’annonce du confinement, de ce que toutes les femmes victimes de violences conjugales, connues de ses services sociaux, soient à l’abri. Le groupement de communes a en effet organisé un dispositif d’hébergement d’urgence pour ces femmes, depuis des années, via son CIAS. Sa responsable a refait un point début mars avec la gendarmerie et le centre hospitalier pour que chacun reste vigilant et réactif.
De son côté, le secrétariat d’État fait savoir que les communes peuvent s’appuyer sur de nouvelles mesures annoncées : le financement de 20 000 nuitées pour mettre fin aux cohabitations violentes. Et un fonds d’1 million d’euros pour les associations.
Aller plus loin dans la protection des victimes
« Le gouvernement propose des solutions pour celles qui sortent, nous devons aussi faire attention à celles qui restent et aller vers elles » alertait la présidente de la délégation des femmes du Sénat, Annick Billon (UC-UDI, Vendée) lundi 30 mars. La délégation propose « la mise en place d’un suivi des plaintes et des mains courantes, car les femmes qui les ont déjà déposés courent probablement un risque accru lorsqu’elles sont confinées avec le conjoint violent ».
Du côté du secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes et du ministère de la Justice, on rappelle que « l’éviction du conjoint violent doit être la règle », dans le cadre d’une procédure d’urgence devant le juge civil. Cela fait partie des « contentieux essentiels » qui continuent d’être traités même en temps de confinement. Le 3919, numéro d’écoute national, reste opérationnel depuis le 22 mars, des téléphones portables ayant été livrés au domicile des écoutantes. Une plate-forme arretonslesviolences.gouv.fr est ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les femmes peuvent y dialoguer avec un policier ou un gendarme formé, préparer une plainte. Enfin, le secrétariat d’État précise que « les femmes ont le droit de sortir pour aller porter plainte, bien sûr. Pas de case à cocher (sur l’attestation de déplacement), c’est une question de survie ».